Gaza, les intrications de fin de guerre
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La cessation des hostilités à Gaza présage-t-elle une ère de paix? S’agit-il d’un processus séquencé qui finira par déboucher sur une solution d’ensemble? Réussira-t-on la phase préliminaire qui devrait permettre la relance d’une dynamique de paix? Autant de questions qui se posent et qui attendent des réponses progressives afin de ne pas se projeter dans des scénarios fictifs ou dans des prophéties autoréalisées.

La seule donnée dont on est sûr est celle de la lassitude des deux bords, la défaite du Hamas et le rejet d’une majeure partie de la population civile, excédée par l’instrumentalisation dont elle fait l’objet, des conséquences dévastatrices du nihilisme et de ses accoutrements idéologiques. La volonté unanime des Israéliens de se défaire du cauchemar des otages est également manifeste.

Autrement, tout reste à faire, à commencer par le changement du canevas stratégique dans lequel Israël n’est plus dans la posture de l’accommodation, mais plutôt dans la redéfinition des règles du jeu, à commencer par la question des deux États, les nouveaux enjeux de la question palestinienne et les perspectives de règlement, la sempiternelle reconnaissance mutuelle, le rapport aux résolutions et aux règlements antérieurement négociés ainsi qu'aux architectures alternatives. L’autre évidence est celle du refus d’avaliser le statu quo ante et de le reprendre sous d’autres formes. La rupture entre Israéliens et Palestiniens est un fait accompli à partir duquel il faudrait repenser les chances d’une solution négociée.

L’unanimité régionale quant à l’aboutissement de l’arrangement en cours est toujours contrariée par la politique iranienne qui tente de réinvestir les dynamiques régionales endogènes en vue de reprendre pied après la destruction des «plateformes opérationnelles intégrées». Ce pari hautement improbable remet en perspective la reprise de la guerre des douze jours et ses aléas qui s’étalent sur un continuum géostratégique où les conflits internes et externes s’emboîtent. La réussite de la phase préliminaire autorise des projections de scénarios dont les acteurs devraient se saisir immédiatement afin de propulser des dynamiques alternatives.

Le Hamas va-t-il consentir à un plan de désarmement et de démilitarisation alors qu’il laisse entendre son refus mitigé par la levée de boucliers à Gaza, et par les déboires du nihilisme qui a mené au désastre? Les mouvements islamistes sont peu enclins à la critique et se réfugient habituellement derrière des diktats idéologiques comme ceux qui ont conduit à la catastrophe actuelle. Vont-ils donner la priorité aux élucubrations idéologiques et aux politiques d’embrigadement alors que le spectacle de désolation rend le district invivable? Hormis le fait que les deux décennies de dictature et de terreur institutionnalisée et la transformation du district en plateforme opérationnelle qui dessert les politiques de puissance arabes et islamiques ont entièrement marginalisé les intérêts palestiniens.

Tout est possible avec ce genre de mouvements où les déraillements idéologiques, la corruption des dirigeants et l’ubiquité d’une dystopie islamiste meurtrière donnent lieu à toutes sortes d’instrumentation. Il faudrait mettre au point une stratégie composite dans laquelle les impératifs de circonstances, les réalités du terrain et la désaffection idéologique peuvent servir la politique de sortie du conflit liée à une vision alternative et à l’entrain qu’elle suscite déjà. Les Israéliens, pour leur part, sont pour la plupart rivés sur la question des otages qui les accapare et s’impose comme préjudicielle à toute évolution à venir.

Contrairement aux supputations qui font endosser la responsabilité de la prolongation de l’état de guerre au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, les Israéliens font nettement la distinction entre les enjeux sécuritaires et humanitaires et sont loin de se laisser leurrer par des considérations pseudohumanitaires et le manichéisme idéologique qui en découle. Quels que soient les clivages politiques et idéologiques, il y a unanimité dans les milieux israéliens sur la portée symptomatique du pogrom du 7 octobre 2023 et sur les menaces éminemment existentielles qui lui sont associées.

Les négociations en cours doivent déboucher sur des résolutions concrètes quant à la libération des otages israéliens, la démilitarisation de Gaza, la gouvernance internationale, les arrangements sécuritaires et le plan de reconstruction. Néanmoins, cet agenda est lié à des engagements forts quant à la volonté de normalisation et la mise en œuvre d’une dynamique de paix décisive – ce qui est loin d’être acquis de part et d’autre depuis l’extinction des grandes démarches étalées sur plus de 8 décennies (1947-2025). En outre, la volonté de sabotage du régime iranien n’a de cesse, et cela se perçoit dans le cadre de la continuité géostratégique entre des théâtres opérationnels aussi divers que ceux du Liban, de la Syrie, de l’Iraq, du Yémen et de la Turquie.

La réussite du scénario propre à Gaza ne renvoie pas forcément à des répliques au Liban et au Yémen, où les guerres civiles sont en état d’incandescence. En d’autres termes, l’Iran n’a pas désarmé et semble camper sur des stratégies de subversion renouvelées, ce qui risque de remettre en question la paix civile et la paix régionale et d’enfreindre la dynamique en cours. La poursuite des négociations à Gaza devrait être scellée par l'internationalisation de la gouvernance et des enjeux sécuritaires dûment consentie par les parties israélienne et palestinienne. Il est impossible de conclure des accords basés sur des ambiguïtés telles que celles réclamées par le Hamas. La démilitarisation du district et la réinvention du mode de gouvernance sont des conditions préjudiciables à la viabilité de tout accord éventuel.

Sinon, le continuum stratégique entre les divers théâtres opérationnels, et nommément ceux du Liban et de Gaza, sert d'indicateur à toutes évolutions futures. La perpétuation des extraterritorialités politiques et sécuritaires au Liban, la faiblesse des institutions étatiques, les déclarations de guerre du Hezbollah et le refus de l’État libanais d'engager des négociations directes avec l’État israélien sont de mauvais augure et nous renvoient aux verrouillages stratégiques du régime iranien qui tente son retour sur la scène proche-orientale par la voie des guerres civiles et du chaos institutionnalisé. L’exploit diplomatique du président Trump ouvre de nouveau la voie à un règlement d’ensemble dont les coordonnées géostratégiques ont profondément changé et qui peuvent favoriser la mise en œuvre des accords abrahamiques.

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