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- Sur le trottoir de l’oubli, des enfants forcés à survivre
La mendicité infantile est un phénomène de plus en plus préoccupant au Liban. Dans un contexte de crise économique, d'instabilité politique et d'extrême pauvreté, plus de 1.500 enfants seraient abandonnés dans les rues du pays. Au-delà de son aspect humanitaire, cette situation soulève de graves problèmes qui exigent une réponse immédiate de la part du gouvernement.
Ils ont l’âge des jeux, mais portent déjà le poids d’un monde qui les a oubliés. Dans une main, des chewing-gums, des fleurs, des mouchoirs à vendre. Dans l’autre, une vie qu’ils n’auraient jamais dû porter. Pour eux, l’école? Un rêve lointain. La sécurité? Un luxe. L’enfance? Volée.
Selon une étude publiée par l’Unicef et Save the Children, environ 1.500 enfants vivent et travaillent dans les rues. Ces enfants, que l'on trouve aussi bien dans les zones rurales que dans les grandes villes comme Beyrouth ou Tripoli, sont souvent abandonnés, maltraités ou exploités dans leur propre foyer. Une partie importante de la population vulnérable est concentrée dans les camps de réfugiés palestiniens et syriens de la plaine de la Békaa, ce qui en fait une cible privilégiée pour l'économie informelle.
Ce phénomène, à la fois humain et social, mérite d’être traité sous trois angles: comprendre les causes, dresser un état des lieux et questionner la responsabilité d’une société qui, trop souvent, préfère détourner le regard.
Les racines du fléau
Le Liban traverse depuis plusieurs années une crise économique sans précédent, caractérisée par un effondrement financier, une hyperinflation et une explosion monétaire. Les familles les plus pauvres, incapables de subvenir aux besoins fondamentaux de leurs enfants, se retrouvent dans des situations désespérées les poussant parfois à vivre dans la rue.
Les conflits régionaux, notamment ceux en Syrie, ont également entraîné un afflux important de réfugiés. Les enfants de ces familles déplacées vivent dans la pauvreté et sont victimes d'abus ou d'exploitation. On les retrouve ainsi dans les rues des villes et villages du Liban.
Un autre facteur aggravant est la désagrégation du tissu familial. De nombreux enfants sont abandonnés ou utilisés pour mendier par les membres de leur propre famille à la suite de divorces, de violences domestiques ou en raison de la pauvreté. Parfois, ce sont les enfants eux-mêmes qui fuient des situations de violence ou de maltraitance à la maison.
Une réalité visible au quotidien
La présence des enfants des rues est particulièrement visible dans les grandes villes comme Beyrouth, et Tripoli, ainsi que dans les zones rurales pauvres, telles que la plaine de la Békaa et le sud du pays, à proximité des camps de réfugiés palestiniens et syriens.
Ces enfants se rassemblent généralement dans des lieux connus, tels que les centres commerciaux ou les marchés publics. Certains ciblent également les zones touristiques, dans le but d'attirer les visiteurs étrangers.
Parmi les enfants touchés par ce phénomène, 10% environ sont Libanais, selon la même étude menée par l’Unicef et Save the Children.
Par ailleurs, 73% de l'ensemble des enfants de rue sont syriens ou palestiniens, arrivés avec leur famille fuyant la guerre en Syrie. La proportion d'enfants palestiniens est estimée à environ 8%, toujours d’après la même source.
Le reste est constitué d'enfants «non enregistrés» ou issus de minorités raciales ou ethniques vivant au Liban.
Une responsabilité collective
Pour lutter efficacement contre ce phénomène, une réponse globale et durable est nécessaire. Si les associations locales et les ONG jouent déjà un rôle fondamental dans la protection de ces enfants, leurs efforts doivent être soutenus par des politiques publiques ambitieuses.
Mais «ramasser» les enfants dans la rue ne suffit pas. Malgré ses bonnes intentions, cette approche ne résout pas vraiment le problème fondamental. Ce phénomène est surtout le reflet d'un échec collectif qui doit être traité à la racine. Cet échec concerne les familles, les écoles et les institutions sociales.
Comme la majorité est d’origine syrienne, certains pourraient repousser ce problème sous prétexte que ce ne sont pas «nos» enfants. Cela est peut-être vrai, mais ils sont désormais sur nos trottoirs. Ils sont le résultat direct d’une guerre qui n’est pas la nôtre, mais dont nous portons aujourd’hui les conséquences.
Le drame de ces enfants abandonnés dans les rues au Liban ne peut plus être ignoré. Il ne s’agit pas simplement d’une question de mendicité, mais du symptôme visible d’un effondrement social plus profond.
Le Liban n’a peut-être pas choisi cette crise, mais il a désormais le devoir d’y répondre avec humanité et responsabilité.
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