
Malgré une fréquentation record et un engouement toujours fort du public, les festivals de musique français traversent une période économique critique. Hausse des coûts, baisse des subventions et inflation généralisée fragilisent leur modèle, poussant les organisateurs à repenser leurs stratégies, entre ajustements budgétaires, innovations marketing et réflexions sur la périodicité des événements.
Plébiscités par le public, les festivals de musique peinent toujours à être rentables et doivent trouver de nouvelles stratégies pour s'en sortir financièrement, un paradoxe mis en lumière par deux rapports publiés cette semaine.
280.000 festivaliers au Hellfest, 130.000 aux Eurockéennes de Belfort, 115.000 au Rose Festival à Toulouse: derrière la bonne fréquentation des festivals cet été, synonyme de records pour certains, la réalité budgétaire demeure tendue.
Dans une enquête présentée au MaMa, festival et convention de la filière musicale à Paris, le Centre national de la musique (CNM) relève que 80 % des festivals rencontrent «des difficultés» financières. Un tiers sont déficitaires, selon les réponses de 953 festivals.
De son côté, le Syndicat des musiques actuelles relève dans son bilan de saison que «presque la moitié des 210 festivals adhérents présente une édition 2025 déficitaire», «avec un montant moyen des déficits de 108.000 euros».
Un déficit «plus élevé qu’en 2024, où il atteignait en moyenne 75.000 euros», relève le SMA.
Le Centre national de la musique note pour 2025 «une hausse des postes artistiques» pour 52 % des répondants – cachets, hébergement, logistique –, une augmentation des «coûts techniques» pour 56 % et une inflation du coût des assurances, en lien notamment avec les aléas climatiques.
«On perd entre 2 et 5 % de chiffre d’affaires par année donc nos fonds propres commencent à morfler», s’inquiète Lisa Bélangeon, directrice du festival Au Foin de la Rue, en Mayenne. Son évènement a aussi subi «40.000 euros de baisse de budget» due aux coupes dans les subventions, assure-t-elle.
«Les charges continuent d’exploser et les recettes diminuent», ce qui donne «un effet ciseau toujours plus menaçant», alerte le SMA.
«Stratèges marketing»
Les festivals tentent donc de manœuvrer pour dégager des recettes : faire évoluer le nombre des spectacles programmés, ajuster la capacité d’accueil, le nombre de sites ou de scènes ou encore la durée.
Les tarifs de billetterie et de restauration sont également l’une des rares marges de manœuvre pour les festivals, qui les ont déjà revus en majorité à la hausse en 2025.
«C’est la première année où on change à ce point-là notre tarification, on avait un prix unique qui était très bas (...) aujourd’hui on applique des grilles tarifaires», explique Élodie Mermoz Levy, directrice du Festival de Marne, près de Paris.
Mais ce levier est à manier avec précaution pour ne pas exclure une partie du public. Sinon, «on perd le sens de ce que nous sommes tous, des projets de médiation à destination de tous les citoyens», rappelle-t-elle.
Les festivals cherchent en parallèle à capter les spectateurs le plus tôt possible.
Le rappeur californien Tyler, The Creator à Rock en Seine, Orelsan et Gims aux Francofolies, Katy Perry aux Vieilles Charrues : à peine remis de leur été, plusieurs gros festivals ont déjà dévoilé leurs premières têtes d’affiche pour 2026, avec environ un mois d’avance par rapport à l’an dernier.
Ces annonces précoces visent aussi à se démarquer de la concurrence, notamment des grandes salles de concert.
Avec ce rythme effréné, «on a l’impression que dès que ça finit, ça recommence», reconnaît Jean-Paul Roland, le patron des Eurockéennes de Belfort. Mais il tient à «saluer l’adaptabilité du secteur», avec des équipes qui doivent jouer les «stratèges marketing».
Une «feuille de route sur l’avenir des festivals», sortie en fin de semaine après plusieurs mois de concertation entre le ministère de la Culture et les principales organisations professionnelles concernées, avance d’autres pistes, comme la mutualisation de certains moyens.
Dans ce contexte, le CNM souligne toutefois que 80 % des festivals comptent se tenir l’année prochaine. Certains sont encore incertains et 4 % ont annoncé abandonner leur édition 2026.
Au Foin de la Rue a ainsi décidé «de faire une pause» avec une année blanche, pour «lancer une réflexion» sur le futur, comme l’éventualité d’une biennale plutôt qu’une édition annuelle.
Par Fanny LATTACH / AFP
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