Kushner et Witkoff dévoilent comment la trêve entre Israël et le Hamas a été négociée
L'envoyé spécial américain Steve Witkoff (-L) et le gendre du président américain Jared Kushner se serrent la main avant le discours du président américain devant le Parlement israélien, la Knesset, à Jérusalem, le 13 octobre 2025. ©AFP

Lors d’un entretien très médiatisé dans l’émission 60 Minutes sur CBS, Jared Kushner et Steve Witkoff, envoyés spéciaux du président Donald Trump, ont dévoilé leur implication dans la récente trêve entre Israël et le Hamas. Ils ont répondu aux critiques portant sur de potentiels conflits d’intérêts liés à leurs activités économiques étendues dans le Golfe.

Une diplomatie par des canaux non conventionnels

Trump avait accordé à Kushner et Witkoff un pouvoir exceptionnel leur permettant de dialoguer directement avec le Hamas, malgré la classification de ce groupe comme organisation terroriste par les États-Unis. Cette initiative, qui a contourné les voies diplomatiques habituelles du Département d'État, s’est avérée cruciale pour parvenir à l’accord de cessez-le-feu d’octobre, qui prévoyait notamment la libération d’otages israéliens et l’arrêt des opérations militaires israéliennes.

Le tournant dans les négociations est survenu après une frappe aérienne israélienne controversée à Doha, qui a coûté la vie à six personnes – dont le fils du principal négociateur du Hamas, Khalil al-Hayya – menaçant de faire échouer les pourparlers. La situation a été désamorcée grâce à un appel téléphonique organisé par Trump entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et le Premier ministre qatari Mohammed ben Abdulrahman Al Thani, au cours duquel Netanyahou a présenté des excuses diplomatiques – un geste rare.

«Ces excuses étaient indispensables», a expliqué Witkoff. «Sans cela, nous ne pouvions pas avancer.»

Selon les envoyés spéciaux, le rôle du Qatar a été déterminant, en raison de son influence sur le Hamas et de son rôle central dans l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza. Sans le soutien de Doha, l’architecture de la trêve se serait effondrée.

Enjeux économiques et soupçons de conflits d’intérêts

L’implication de Kushner et Witkoff a immédiatement soulevé des préoccupations d’ordre éthique, notamment en ce qui concerne de possibles conflits d’intérêts. Tous deux entretiennent en effet des liens financiers anciens avec le Golfe : Kushner via son fonds d’investissement Affinity Partners, soutenu massivement par l’Arabie saoudite, et Witkoff par ses investissements immobiliers et hôteliers dans la région.

Interrogé sur un éventuel chevauchement entre leurs activités diplomatiques et leurs intérêts économiques, Kushner s’est montré catégorique : «Personne n’a pu démontrer que nous avons défendu une politique contraire aux intérêts des États-Unis», a-t-il répété à 60 Minutes. «Nous devons nous concentrer sur les faits, pas sur les perceptions.»

Witkoff a précisé s’être officiellement désengagé de ses affaires, ne percevoir aucun salaire du gouvernement et assumer lui-même ses frais. 

Kushner, quant à lui, a présenté leurs parcours dans le secteur privé comme un atout plutôt qu’un handicap : «Ce que certains appellent des conflits d’intérêts, Steve et moi l’appelons de l’expérience et des relations de confiance.»

Changer la donne

Le plan de trêve de Trump, annoncé lors d’une réunion à la Maison-Blanche avec Netanyahou, prévoyait l’arrêt immédiat des combats et la libération de tous les otages israéliens. Mais le Hamas restait méfiant, redoutant une reprise des frappes israéliennes une fois les otages relâchés.

Convaincre le Hamas que la détention des otages était devenue un handicap plutôt qu’un levier stratégique fut un élément-clé du processus.

«Que gagnait le Hamas à garder ces otages?» a interrogé Kushner. «Des dizaines de milliers de Palestiniens ont été tués. De vastes zones ont été détruites. Et pourtant, le Hamas hésitait encore.»

Les émissaires ont affirmé que Trump avait promis que les États-Unis garantiraient l’accord et exerceraient une pression sur les deux parties pour qu’elles le respectent.

«Nous leur avons dit que les deux camps seraient traités équitablement», a déclaré Kushner. «Les États-Unis ne laisseraient pas l’accord être rompu.»

Des négociations à la trêve

Lorsque l’accord fut finalement conclu, l’émotion était palpable. Selon Witkoff, les représentants israéliens et qataris présents lors de la réunion se sont embrassés.

«Je me suis dit : ‘Si seulement le monde avait pu voir cela’», a-t-il confié.

Malgré les critiques persistantes et des accusations; notamment celle selon laquelle le gouvernement Netanyahou aurait ciblé des membres de l’équipe de négociation, les envoyés ont maintenu le cap sur ce qu’ils considèrent comme l’objectif fondamental : mettre fin à l’effusion de sang et ramener les otages chez eux.

À propos de la fragilité de la trêve, Kushner a déclaré : «Nous voulions un cessez-le-feu réel, respecté par les deux camps. Il fallait aussi trouver un moyen d’acheminer l’aide humanitaire.»

Witkoff a ajouté : «Il a fallu rédiger des formulations complexes pour surmonter 50 ans de jeux de langage absurdes. Les deux parties voulaient la même chose. Il ne restait qu’à les y aider.»

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