Syndrome du bac à shampoing: l’AVC venu du salon de beauté
Un simple shampoing peut, rarement, provoquer un AVC. ©Ici Beyrouth

Victime d’un AVC après un simple passage chez le coiffeur, Julien, 39 ans, met en lumière un phénomène méconnu: le «syndrome du coiffeur». Derrière ce nom anodin se cache une réalité médicale rare, mais bien réelle, qui mérite d’être mieux connue pour éviter les accidents.  

Ce jour-là, Julien n’imaginait pas qu’un simple shampoing allait bouleverser sa vie. Installé confortablement au bac, la tête basculée en arrière, il profitait de ce moment de calme, sans se douter qu’un danger insidieux guettait. Quelques jours plus tard, il est victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Sur Instagram, il raconte:

«Quand j’ai fait mon AVC, une des premières questions des neurologues a été: “Avez-vous été chez le coiffeur récemment?” Sur le coup, j’ai cru à une blague.»

Blague? Pas du tout. Les médecins savaient qu’il existait un phénomène baptisé syndrome du bac à shampoing, ou beauty parlor stroke syndrome dans la littérature médicale. Décrit pour la première fois en 1993 dans la revue The Lancet, ce syndrome survient lors du lavage des cheveux au bac, lorsque la tête est trop inclinée en arrière ou maintenue trop longtemps dans une position inconfortable.

Un geste banal, répété des millions de fois chaque jour dans le monde, mais qui peut – très rarement – provoquer un drame.

Un mécanisme insoupçonné

Comment une simple inclinaison de la tête peut-elle conduire à un AVC?
La réponse tient à la mécanique des vaisseaux sanguins du cou. Lorsque la tête est fortement basculée en arrière, les artères vertébrales – qui alimentent le cerveau en sang – peuvent se retrouver comprimées ou étirées au niveau de leur passage dans les vertèbres cervicales.

Dans certains cas, cette tension excessive provoque une dissection artérielle: une petite fissure dans la paroi interne de l’artère. Cette lésion forme alors un espace où le sang s’infiltre, créant un caillot susceptible de bloquer la circulation vers le cerveau. Résultat: un accident vasculaire cérébral, parfois plusieurs heures ou jours après le lavage.

Ce phénomène peut toucher l’artère vertébrale (située à l’arrière du cou) ou, plus rarement, la carotide (à l’avant). Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne concerne pas uniquement les personnes âgées ou malades. Des cas ont été décrits chez des sujets jeunes et en bonne santé, comme Julien.

Cependant, la majorité des patients présentaient une fragilité artérielle préexistante: hypertension, athérosclérose, anomalies congénitales ou inflammation des vaisseaux.

Des cas rares, mais bien documentés

Depuis la première description dans The Lancet, seuls quelques cas ont été rapportés à travers le monde.

En 2016, l’Écossaise Adele Burns, 45 ans, subit un AVC après six shampoings consécutifs; elle a dû réapprendre à marcher et à parler. Aux États-Unis, Elizabeth Smith, 48 ans, a, elle aussi été victime d’un accident similaire, causé par un bac trop haut et un fauteuil mal ajusté.

Les symptômes apparaissent parfois immédiatement, parfois dans les jours qui suivent: maux de tête inhabituels, vertiges, troubles visuels, engourdissement d’un côté du corps, difficulté à parler ou perte d’équilibre. Ces signes doivent alerter: dans le doute, il faut consulter en urgence. La rapidité de la prise en charge conditionne les chances de récupération.

Mais remettons les choses en perspective, ces cas restent exceptionnels. Des millions de lavages sont effectués chaque année sans incident. Le syndrome du coiffeur est donc une curiosité médicale, non un fléau. Cependant, il rappelle que certaines positions peuvent, chez les plus fragiles, représenter un risque insoupçonné.

Prudence et prévention

Faut-il désormais redouter le bac à shampoing? Bien sûr que non. Le plaisir de se faire dorloter au salon ne doit pas céder la place à la peur. Mais comme souvent en médecine, la prévention repose sur la vigilance et le bon sens.

Voici ce que les spécialistes recommandent:

- Évitez l’hyperextension du cou. Si votre tête est trop inclinée vers l’arrière, demandez à votre coiffeur de relever légèrement le dossier ou d’ajouter un coussin sous la nuque.

- Privilégiez le confort. Si la position vous semble inconfortable, dites-le. Ce n’est pas un caprice: c’est une précaution.

- Lavez tête penchée vers l’avant si vous avez des douleurs cervicales ou des antécédents vasculaires. Cette position élimine la compression du cou.

- Informez votre coiffeur de tout antécédent de problème artériel ou cervical. La plupart des professionnels ignorent l’existence du syndrome; votre remarque peut les sensibiliser.

- Restez attentif après la séance. Si des symptômes neurologiques apparaissent dans les heures ou jours suivants, n’attendez pas: chaque minute compte.

Former et informer

Les neurologues soulignent l’importance d’une meilleure sensibilisation des coiffeurs. Beaucoup ignorent qu’une mauvaise posture peut, dans de rares cas, entraîner des conséquences graves. Des formations simples pourraient suffire: ajuster la hauteur du bac, proposer un appui confortable, éviter les positions prolongées.

Certaines enseignes britanniques ont déjà équipé leurs bacs de coussins ergonomiques pour réduire les tensions cervicales. En France, le sujet émerge à peine. Et au Liban? Avec sans doute l’un des taux de brushing les plus élevés au monde, peut-on espérer une attention particulière à ce risque discret?

Le syndrome du bac à shampoing rappelle qu’un geste anodin peut parfois avoir des effets inattendus. Sans alarmer, il invite simplement à mieux connaître son corps – car, souvent, la connaissance protège mieux que la peur.

 

 

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