Les autorités américaines mènent actuellement des discussions sensibles avec plusieurs pays en vue de créer une force internationale à déployer à Gaza, dont le plan pourrait être présenté dans les prochaines semaines, selon trois sources proches du dossier citées par Axios.
La nécessité de cette initiative est renforcée par l’attaque survenue mardi dernier, qui a révélé la fragilité du cessez-le-feu. Un réserviste israélien a été tué lors d’une attaque menée par des Palestiniens contre des soldats dans la région de Rafah, dans le sud de Gaza, selon l’armée israélienne. Cette offensive a été suivie de massives frappes aériennes israéliennes, illustrant la tension persistante dans la région.
Un projet complexe et sensible
La force dont il est question dans le plan du président américain, Donald Trump, baptisée International Stabilization Force (ISF – Force de stabilisation internationale), soulève des questions politiques délicates pour Israël, le Hamas et les pays susceptibles d’envoyer des troupes. C’est le Commandement central américain (CENTCOM) qui est chargé de l’élaboration de la mission. L’ISF comprendrait la création d’une nouvelle police palestinienne, formée et encadrée par les États-Unis, l’Égypte et la Jordanie, ainsi que des contingents de pays arabes et musulmans.
Selon Axios, des pays comme l’Indonésie, l’Azerbaïdjan, l’Égypte et la Turquie ont exprimé leur volonté de contribuer, tandis que d’autres ont soulevé des inquiétudes face au chaos sécuritaire à Gaza. «Sans sécurité et gouvernance fiables à Gaza, acceptées par Israël, nous risquons de nous retrouver dans une situation où Israël attaquera en permanence», a expliqué, à Axios, un responsable américain impliqué dans le dossier.
Conditions et enjeux du déploiement
Le plan Trump en 20 points stipule que le déploiement de l’ISF est une condition pour un retrait supplémentaire d’Israël de la moitié du territoire qu’il contrôle encore à Gaza. La force aurait pour mission de sécuriser les frontières avec Israël et l’Égypte et de prévenir la contrebande d’armes. Ce déploiement dépend toutefois de l’accord du Hamas pour renoncer à son autorité et à une partie de ses armes.
Certaines voix en Israël et aux États-Unis estiment, selon Axios, que le Hamas ne le fera jamais volontairement, rendant un retour des hostilités quasi inévitable. Les frappes israéliennes de mardi à Rafah après l’attaque attribuée au Hamas renforcent cette probabilité.
Pour éviter une reprise du conflit, les responsables américains considèrent la force internationale de stabilisation comme une pièce clé, non une solution à précipiter. «Il vaut mieux avancer lentement et bien faire les choses, car nous n’aurons pas de seconde chance», a déclaré un haut responsable à Axios.
Le rôle de la force de stabilisation a été au cœur des discussions lors des récentes visites en Israël des émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, du vice-président JD Vance et du secrétaire d’État Marco Rubio. MM. Kushner et Witkoff ont consulté, toujours selon le même média, des officiers supérieurs israéliens, qui ont insisté sur l’importance de la légitimité de la force auprès de la population locale et de sa capacité à intervenir si nécessaire, plus que sur sa taille.
Obstacles et coopération régionale
Un obstacle majeur demeure : peu de pays acceptent d’envoyer des troupes pour affronter le Hamas ou se retrouver pris dans le conflit avec Israël. Si la Turquie se dit prête, Israël refuse toute présence militaire turque à Gaza. Les États-Unis, eux, souhaitent associer Turquie, Qatar et Égypte, jugés les mieux placés pour inciter le Hamas à coopérer.
Un objectif prioritaire est d’obtenir l’accord du Hamas pour le déploiement de l’ISF. « Si le Hamas vous perçoit comme une force occupante, ce sera difficile. Mais s’il consent, la situation change », a expliqué une source impliquée. Dans ce scénario, la force n’aurait pas à combattre le Hamas, mais seulement à faire respecter la paix et à neutraliser les éléments perturbateurs.
Les responsables américains et israéliens soulignent que le Hamas utilise actuellement le cessez-le-feu pour se reconstituer et consolider son contrôle, mais que sa capacité reste limitée par le blocus de la frontière égyptienne et le contrôle israélien d’une moitié du territoire. Le Hamas est considéré comme étant à son point le plus faible depuis près de 20 ans et subit la pression de plusieurs pays arabes et musulmans pour se désarmer et coopérer avec le plan Trump.
Déploiement progressif et mandat légal
Les discussions avec l’Égypte, le Qatar et la Turquie laissent penser que le Hamas pourrait accepter que l’ISF surveille les frontières et mène éventuellement des missions à l’intérieur de Gaza, à condition que ses combattants bénéficient d’une véritable amnistie. La force serait d’abord déployée dans le sud de Gaza, non contrôlé par le Hamas, pour créer une zone sécurisée propice à la reconstruction.
Parallèlement, les responsables américains préparent un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU pour soutenir l’ISF et fournir un mandat légal à la participation de pays tiers, tout en laissant les États-Unis superviser ses opérations. Les décisions clés sur la structure de la force devraient être prises dans les prochains jours et présentées à Israël et aux pays participants.
Un responsable impliqué a déclaré, selon Axios, qu’ils tentaient de tirer des enseignements des échecs des missions de maintien de la paix passées dans des pays comme le Liban et l’Afghanistan.
«Il existe un fort intérêt des pays de la région pour s’y impliquer. Personne ne l’a rejeté, mais tous attendent de voir la version finale», a déclaré un responsable américain.



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