L’industrie libanaise, entre résilience et recomposition : où en est la «fabrique du Liban»?
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Malgré la crise qui la secoue depuis 2019, l’industrie libanaise résiste et se réinvente : si le nombre d’usines progresse sur le papier et que les exportations retrouvent presque leurs niveaux d’avant-crise, le poids du secteur dans le PIB reste écrasé. Panorama en chiffres sur un pilier économique en quête de cap

Au Liban, l’industrie reste un amortisseur social et un pourvoyeur de devises. Pourtant, son empreinte macroéconomique s’est rétrécie, reflet d’une économie chahutée par la dépréciation monétaire, la faiblesse de la demande interne et le coût élevé de l’énergie. Entre dynamiques d’exportation et fragilité des marges, la « fabrique du Liban » avance à pas comptés.

Combien d’industries compte le Liban ?

Le pays recense 18 542 unités industrielles à fin 2024, selon l’Annuaire des exportations et établissements industriels publié par le ministère de l’Industrie. Parmi elles, 8 771 sont codées selon le système harmonisé, tandis que 5 358 figurent comme usines « approuvées » par le ministère. Ces unités produisent 1 656 produits, dont 1 179 destinés à l’export.

Avant la crise, la structure sectorielle était claire : l’agroalimentaire représentait 26% des établissements, devant les matériaux de construction (12 %) et les produits chimiques (8 %). Ces proportions demeurent valables en 2025, l’agroalimentaire et la chimie-pharma restant les principaux moteurs des exportations.

Un poids réduit dans le PIB

Les statistiques nationales récentes montrent un effondrement du poids industriel (hors services) : 2,1 % du PIB en 2023, contre plus de 16 % en moyenne avant la crise. Un décrochage dû à la contraction de l’activité depuis 2019 et à l’effondrement du pouvoir d’achat.

Malgré tout, les exportations industrielles restent solides. Selon le ministère de l’Industrie, elles ont atteint 2,51 milliards de dollars en 2024, en léger recul de 1,5 % par rapport à 2023, mais proches des niveaux de 2018-2019. Les pays arabes demeurent la première destination, suivis par l’Union européenne, confirmant la résilience de la base exportatrice malgré la faiblesse de la demande intérieure.

Emploi : un cinquième de la main-d’œuvre

D’après l’Organisation internationale du travail (OIT), l’industrie emploie environ 20 % des actifs libanais. Avant la crise, l’agence IDAL (Investment Development Authority of Lebanon) estimait à 318 000 le nombre d’emplois directs dans le secteur, soit près d’un cinquième de la main-d’œuvre libanaise.

Toutefois, les industriels font face à trois verrous majeurs : le coût et la fiabilité de l’énergie, l’accès au financement et les coûts de conformité (matières premières, logistique, certification). Les études du LCPS (Lebanese Center for Policy Studies) et de l’Association des industriels libanais (ALI) soulignent ces difficultés, tout en identifiant des opportunités : montée en gamme, substitution aux importations et intégration régionale.

Un secteur vital pour les devises et la croissance

En 2025, chaque dollar exporté par l’industrie libanaise rapporte près de 30 % des devises nettes entrant dans le pays, selon les données combinées du ministère de l’Industrie et de la Banque du Liban. C’est dire si ce secteur, souvent sous-estimé, reste vital pour la stabilité monétaire et la survie des entreprises locales.

Avec une contribution directe d’environ 2 % du PIB, mais un effet multiplicateur bien supérieur dans les chaînes de valeur (transport, commerce, services), l’industrie libanaise n’est pas un vestige du passé, mais une clef de la reconstruction économique.

Pourtant, elle reste en attente de trois conditions essentielles : énergie stable, confiance et vision claire. Dans un pays où la lumière se fait rare, ce sont peut-être les usines qui finiront par rallumer la flamme de la croissance.

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