Malgré l'ambiguïté savamment entretenue qui entoure l'annonce, en disant vouloir reprendre des essais d'armes nucléaires, le président américain Donald Trump brandit le spectre d'un retour à la prolifération nucléaire dont la Chine serait le premier bénéficiaire, selon des experts.
D'autant que cela intervient à un moment où l'architecture internationale encadrant le contrôle des armements est déjà moribonde.
«Nous sommes déjà au cœur d'une course à l'armement à trois entre la Russie, les États-Unis et la Chine», estime William Hartung, du Quincy Institute, un cercle de réflexion américain.
«La reprise des essais nucléaires aggraverait cette situation instable, voire la rendrait bien pire», a-t-il ajouté dans un courriel.
Le président américain a pris le monde de court en annonçant, quelques heures avant sa rencontre avec son homologue chinois Xi Jinping jeudi en Corée du Sud, sa volonté de reprendre les tests d'armes nucléaires, justifiant sa décision par les «programmes d'essais» d'autres pays.
Pékin a aussitôt émis le souhait que Washington respecte «sérieusement» ses obligations dans le cadre du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Tice) et prenne «des mesures concrètes pour préserver le système mondial de désarmement et de non-prolifération nucléaires».
De son côté, Moscou, qui vient de tester un missile de croisière et une torpille, tous deux à propulsion nucléaire, a assuré qu'il s'agissait d'essais d'armes capables de porter une tête nucléaire, et non d'un essai nucléaire à proprement parler.
La Chine en embuscade
Toutefois, l'annonce américaine «pourrait déclencher une réaction en chaîne d'essais nucléaires par les adversaires des États-Unis et faire voler en éclats le traité de non-prolifération nucléaire», avertit le directeur exécutif de l'Association pour le contrôle des armes (ACA), Daryl Kimball, dans un communiqué.
Doreen Horschig, du Center for Strategic and International Studies (CSIS), estime auprès de l'AFP que le seul pays qui en bénéficierait serait la Chine «car ils ne sont pas aussi avancés que la Russie et les États-Unis».
Selon les experts, la Chine développe son arsenal nucléaire à grande vitesse mais reste encore loin d'atteindre la parité avec Washington ou Moscou, les deux principales puissances nucléaires mondiales.
Mais le Pentagone avait averti l'année dernière qu'elle le faisait plus rapidement que les États-Unis ne l'avaient prévu, notamment en ce qui concerne le développement d'ogives nucléaires opérationnelles.
En mai 2023, la Chine détenait plus de 500 ogives nucléaires opérationnelles et devrait en avoir deux fois plus d'ici à 2030, selon Washington.
Les derniers chiffres de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) parlent de 600 têtes nucléaires déployées et stockées.
Une «bonne idée»
Le contrôle des armements ne semble plus trop faire recette.
Le dernier accord de désarmement liant Washington et Moscou, le traité New Start, va expirer en février 2026. Il limite chaque partie à 1.550 ogives stratégiques offensives déployées et prévoit un mécanisme de vérifications, interrompues depuis deux ans à cause de la guerre en Ukraine.
Moscou a proposé de le prolonger d'un an, mais sans mentionner d'inspections des arsenaux.
Interrogé début octobre à ce sujet, le président Trump avait évoqué «une bonne idée», mais le gouvernement américain n'a pas encore donné d'indication sur ce qu'il comptait faire.
En juillet, le dirigeant républicain avait assuré que les États-Unis «commençaient à travailler là-dessus», faisant alors le constat que «lorsque l'on supprime les restrictions nucléaires, c'est un problème majeur pour le monde entier».
Les États-Unis se sont par ailleurs retirés en 2019 d'un traité de désarmement majeur conclu en 1987 avec la Russie, sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (INF).
Quant aux essais d'armes nucléaires, aucune puissance n'en a fait officiellement depuis trois décennies - à l'exception de la Corée du Nord (à six reprises entre 2006 et 2017). En revanche, de nombreux pays, les États-Unis en tête, effectuent régulièrement des tests de vecteurs - missiles, sous-marins, avions de chasse ou autres.
Pour Mme Horschig, «tout se fait désormais par le biais de tests et simulations informatiques».
«Les États-Unis sont loin devant la Russie et la Chine dans ce domaine, donc ils n'ont pas vraiment besoin (de refaire des essais d'armes nucléaires)», selon elle, qui craint cependant une surenchère. «C'est le grand risque en ce moment».
AFP



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