Sur les podiums des dernières Fashion Weeks, un nouveau genre de sac attire tous les regards. Rigide ou souple, toujours ouvert, il bouscule l’idée même du sac fermé et sécurisé. Qu’on l’aime ou qu’on le critique, il incarne une nouvelle manière de porter sa vie, à la fois libérée et exposée.
Il y a encore quelques saisons, personne n’aurait parié sur le retour en force des sacs ouverts. Longtemps, le luxe a associé l’élégance à la sécurité. Fermoir, rabat, zip discret ou cadenas doré constituaient la signature rassurante du sac haut de gamme. Pourtant, de Paris à Milan, en passant par Copenhague, une toute autre proposition a surgi sur les podiums: le sac ouvert, rigide ou non, porté ostensiblement comme un manifeste. La tendance intrigue, séduit, et n’en finit pas de diviser.
C’est dans la maison Chanel que le phénomène prend un virage inattendu. On aurait pu croire que la célèbre griffe, si attachée à la structure parfaite de ses iconiques 2.55 et Classic Flap, resterait à l’écart de la vague open top. C’est tout l’inverse : dès la saison printemps-été, le sac s’effondre, s’affaisse, s’ouvre sans pudeur. Cuir souple façon agneau, chaîne dorée qui se love dans la main, et surtout absence totale de fermeture : le sac devient un geste plus qu’un objet, un accessoire qui refuse la discipline. Ce n’est plus un coffre-fort, c’est un espace ouvert, carrément un terrain de jeu.
Si Chanel n’est pas seule à oser, la marque imprime sa patte : la chaîne iconique traverse les cuirs froissés, et le volume du sac évoque parfois un cabas de peintre ou un fourre-tout de plage luxueux. D’autres maisons suivent ce mouvement décomplexé. Chez Miu Miu, la besace s’ouvre sur le quotidien, laissant entrevoir livres, trousse et lunettes de soleil. Chez Bottega Veneta, le tote bag s’affaisse, conjuguant sensualité et praticité, tandis que The Row et Loewe revisitent le cabas souple en lui retirant tout superflu.
Ce qui frappe d’abord, c’est ce refus de la fermeture comme symbole de contrôle. Avec le sac ouvert, la question de la sécurité est reléguée au second plan. Ce qui compte, c’est l’accessibilité, la spontanéité, la vie en mouvement. Plonger sa main dans son sac devient un geste naturel loin des automatismes crispés du zip ou du bouton-pression. On expose ce qu’on transporte, on laisse deviner carnets, foulards, ou écouteurs. Le sac devient une extension de soi, parfois un peu fouillis.
Bien sûr, ce nouveau sac suscite des débats. Les conservatrices y voient une fausse bonne idée : que fait-on de la pluie et des pickpockets ? D’autres pointent un effet de mode qui ne survivra pas à l’épreuve du quotidien. Pourtant, il suffit de se promener dans les quartiers branchés de Paris ou Milan pour croiser ces accessoires, tenus nonchalamment à la main ou à l’épaule, qui confèrent instantanément une allure décontractée. Il ne s’agit plus de tout protéger, mais de tout vivre, de tout montrer ou presque, sans peur du regard des autres.
Les influenceuses ne s’y sont pas trompées. Camille Charrière, Bella Hadid ou encore Pernille Teisbaek arborent ces sacs ouverts sur les réseaux comme dans la rue. Loin d’un effet de vitrines, la tendance gagne le quotidien des femmes actives, qui y voient un allié inattendu pour leurs journées trop chargées. Le sac open top ne choisit pas entre rigueur et désinvolture, il compose avec les deux. Il allège et simplifie. Il réinvente le rapport à l’accessoire.
Reste à savoir si ce vent de liberté résistera aux saisons et aux usages. Les designers eux-mêmes reconnaissent les limites du genre : à la plage, à la montagne, à la campagne, ou dans l’intimité d’un café, il est parfait. Dans un métro parisien ou sur les trottoirs de Beyrouth, moins sûr. Mais la mode aime les paradoxes et l’audace. Cette année, elle donne la priorité à l’ouverture.
Ce qui est sûr, c’est que le sac qui n’enferme plus n’a pas fini de faire parler de lui.


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