Iran: la «diplomatie des otages», insoluble dilemme pour les Occidentaux
Cette photo montre les portraits récemment affichés de la Française Cécile Kohler (g.), actuellement emprisonnée en Iran avec son compagnon Jacques Paris (c.), accompagnés d’une pancarte indiquant : « Liberté pour Cécile Kohler et Jacques Paris, arbitrairement détenus en Iran depuis plus de deux ans dans des conditions effroyables », devant le Palais-Bourbon, siège de l’Assemblée nationale, après leur rencontre avec la présidente de l’institution, à Paris, le 25 mars 2025. ©Bertrand Guay / AFP

Chercheurs, travailleurs humanitaires ou simples touristes: le recours de l'Iran aux arrestations d'étrangers pour obtenir des concessions représente un véritable dilemme pour les pays occidentaux, jusqu'ici incapables d'y mettre un terme.

Cette «diplomatie des otages», qui a toujours été démentie par Téhéran, a ressurgi peu après la sortie de prison des Français Cécile Kohler et Jacques Paris, mardi après plus de trois ans de détention en Iran. Ces enseignants accusés d'espionnage sont désormais en liberté conditionnelle à l'ambassade de France, attendant de pouvoir quitter le pays à une date inconnue.

Coïncidence ou marchandage: mercredi matin, c'était au tour de l'Iranienne Mahdieh Esfandiari, détenue puis poursuivie pour «apologie du terrorisme» en France, de quitter sa prison pour l'ambassade d'Iran à Paris, selon Téhéran.

La République islamique, qui estimait que sa ressortissante était injustement détenue, avait publiquement demandé son échange contre Cécile Kohler et Jacques Paris.

«L'Iran utilise les otages comme monnaie d'échange pour obtenir des concessions qu'il ne pourrait obtenir autrement des États-Unis et de leurs alliés», affirme à l'AFP Jason Brodsky, directeur des politiques de l'ONG américaine «Unis contre le nucléaire iranien».

Ces concessions, dont les exemples passés sont nombreux, vont du dégel d'avoirs à la libération de ressortissants iraniens souvent poursuivis ou condamnés en Europe et aux États-Unis pour complot d'assassinat ou encore terrorisme, selon cet expert.

En 2023, Washington avait ainsi autorisé le transfert de six milliards de dollars de fonds iraniens gelés en Corée du Sud et la libération de cinq Iraniens pour faciliter la remise en liberté de cinq Américains détenus dans la sinistre prison d'Evine de Téhéran.

La libération de l'universitaire australo-britannique Kylie Moore-Gilbert par l'Iran en 2020 est intervenue après la libération par la Thaïlande de trois Iraniens emprisonnés pour un projet d'attentat à la bombe.

«Acte fondateur»

Cette stratégie n'est pas récente et constitue un pilier de la politique étrangère iranienne.

«C'est même l'acte fondateur qui a donné son identité à l'État iranien après la révolution de 1979», qui est aussi l'année de la prise d'otages de l'ambassade américaine, souligne Clément Therme, chargé de cours à l'université de Montpellier Paul-Valéry.

Le 4 novembre 1979, une cinquantaine de diplomates sont retenus en otage dans l'ambassade américaine de Téhéran. La plupart ne seront libérés que 444 jours plus tard, à l'issue de difficiles tractations. L'affaire coûte en partie sa réélection au président Richard Carter, et scelle le début de 46 années de rupture diplomatique et de sanctions américaines.

«Au fil du temps, il y a des arrestations et des libérations, dans les phases de rapprochement et de tension. Mais c'est l'intensité qui varie et la pratique continue», souligne Clément Therme.

«Dans les phases de tension, comme maintenant, l'Iran met en scène un échange (...) à des fins de propagande» pour nier l'existence d'otages, alors que le pays est signataire de la Convention des Nations unies contre la prise d'otages, ajoute-t-il.

Selon des sources diplomatiques, l'Iran, lourdement sanctionné à l'étranger, notamment pour ses activités nucléaires, détiendrait encore au moins une vingtaine d'Occidentaux, dont l'universitaire irano-suédois Ahmadreza Djalali, condamné à mort depuis 2017 en Iran pour «espionnage» au profit d'Israël, ce que sa famille dément.

Le couple britannique Lindsay et Craig Foreman, également accusé d'espionnage, est détenu en Iran depuis janvier, après avoir été arrêté par les autorités iraniennes lors d'un tour du monde à moto.

Mesures ciblées

«Le régime iranien n'est pas le seul à recourir à cette pratique. Le Venezuela, la Russie, la Chine et d'autres le font aussi», souligne Daren Nair, consultant en sécurité et militant pour la libération d'otages à travers le monde.

Mais «ce phénomène ne cesse de s'amplifier car aucun moyen de dissuasion efficace n'a été mis en place», déplore M. Nair, selon qui la meilleure solution consiste pour les gouvernements à empêcher leurs ressortissants de se rendre en Iran.

Autre levier possible: des mesures ciblées plus fermes à l'égard de Téhéran, suggère Jason Brodsky, de l'ONG Unis contre le nucléaire iranien.

«Le gouvernement américain devrait collaborer avec ses alliés pour imposer un ensemble de pénalités» à chaque prise d'otage, incluant «des sanctions et l'isolement diplomatique» mais aussi une «interdiction totale de voyager aux responsables iraniens et à leurs familles», dit-il.

AFP

 

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