La décision de guerre et de paix: rappel à l’ordre
©Ici Beyrouth

C’est manifestement le monde à l’envers… Tel est, du moins, le fondement de la ligne de conduite de l’aile radicale du régime des mollahs de Téhéran qui s’obstine à exporter vers la scène libanaise sa propre vision, très particulière et un tantinet surréaliste, de l’action politique. Fidèle aux directives de son mentor régional, notre parti pro-iranien local n’affiche aucun scrupule à inverser les rôles dans les rapports avec le pouvoir central.

Pour le Hezbollah, c’est à l’État et au gouvernement de s’adapter à ses desiderata, ou plutôt à ses caprices (car il se comporte de plus en plus en enfant pourri qui manifeste effrontément ses caprices). Il feint à cet égard de ne pas comprendre que les normes les plus basiques stipulent que c’est aux formations politiques à s’adapter aux impératifs nationaux définis par l’État, et non le contraire. Le Hezbollah a ainsi pris la liberté d’adresser, jeudi dernier, au président de la République, au chef du législatif – pourtant son allié – au Premier ministre, ainsi qu’à «l’opinion publique libanaise», une lettre ouverte pour souligner qu’il est opposé à toute négociation avec Israël, réitérant par la même occasion son refus de livrer ses armes (ce qui constitue une violation flagrante des engagements qu’il avait pris à ce propos il y a près d’un an, lors de la conclusion de l’accord de cessez-le-feu avec Israël).         

Un prompt rappel à l’ordre s’imposait donc à cet égard. Le chef du gouvernement Nawaf Salam s’en est chargé sans tarder en rappelant, dans une réponse du tac au tac à la formation pro-iranienne, que «le gouvernement s’est approprié à nouveau la décision de guerre et de paix, et nulle partie autre que le gouvernement n’a son mot à dire concernant la question de la guerre ou de la paix». «Cela ne saurait être plus clair», a-t-il ajouté, fort à propos… Le chef de la diplomatie Joe Raggi a été tout aussi ferme lors du dernier Conseil des ministres, demandant expressément à ses collègues du tandem chiite de clarifier sans équivoque leur position et de préciser s’ils s’alignaient sur la teneur de la «lettre ouverte» du Hezbollah ou sur le contenu de la Déclaration ministérielle du Cabinet… L’histoire ne dit pas quelle a été la réaction des représentants d’Amal et du Hezbollah.

A l’ombre de la situation très peu enviable à laquelle est parvenu aujourd’hui le pays – par la faute inqualifiable du Hezb qui a opté dès sa création pour l’ancrage inconditionnel à Téhéran – il est désormais impératif de crier haut et fort certaines réalités. Il devient ainsi de plus en plus difficile de se laisser convaincre par l’attitude un peu trop complaisante de certains hauts responsables à l’égard de ceux qui se vantent d’être de simples soldats dans l’armée du walih el-faqih. Une telle bienveillance est manifestement exploitée à outrance par la formation pro-iranienne dans le but évident de saper de manière systématique l’autorité du pouvoir central et de gagner du temps afin de remettre sur pied son dispositif milicien en continuant à transformer le pays en un vaste entrepôt pour stocker ses armes et ses munitions.

Sous prétexte de vouloir ménager en permanence les partisans du Hezb pour ne pas heurter leur sensibilité, on en vient en définitive à négliger les autres composantes nationales en occultant leurs aspirations légitimes à une paix globale et à un bien-être socio-économique, après plus d’un demi-siècle d’épreuves subies sous le poids des guerres (totalement stériles) imposées au Liban par les forces régionales. Une telle partialité dans la perception des réalités locales a pour résultat de pousser l’écrasante majorité de la population sur les chemins de la désillusion et d’un désenchantement destructeur, mettant en péril l’avenir même du pays.

En période de crise existentielle, tout pouvoir se doit de faire preuve de fermeté et de détermination dans ses grands choix nationaux de manière à imposer son autorité sur les autres acteurs de la scène politique. A défaut, on assisterait à une dangereuse inversion des rôles: on verrait une faction partisane avoir, elle, un ascendant sur le pouvoir étatique, entrainant de ce fait le pays sur des voies particulièrement périlleuses.

 

 

      

  

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