«The Brotherhood»: Carolina Bianchi s'attaque aux solidarités masculines
«The Brotherhood» de Carolina Bianchi. ©Compte Instagram officiel de Carolina Bianchi

La performeuse brésilienne Carolina Bianchi présente The Brotherhood, deuxième volet de sa trilogie consacrée aux violences sexuelles, cette semaine à Strasbourg puis à Paris. Cette création interroge la culture du viol et les solidarités masculines à travers l’histoire des arts.

Deux ans après une pièce choc sur le viol, l'artiste brésilienne Carolina Bianchi s'attaque aux solidarités masculines et déboulonne quelques idoles dans The Brotherhood, deuxième volet de sa trilogie théâtrale sur les violences sexuelles, présentée cette semaine à Strasbourg et à partir du 19 novembre à Paris.

Dans A Noiva e o Boa Noite Cinderela (La mariée et Bonne nuit Cendrillon) créé en 2023 au Festival d'Avignon, elle sidérait son public en consommant la «drogue du violeur», entraînant la salle dans un «voyage dans l'enfer» du viol et des féminicides.

Cette même drogue qu'elle avait ingérée à son insu quelques années plus tôt avant d'être victime d'un viol, une «mort dans la vie».

Dans ce deuxième volet, créé le 9 mai au KVS de Bruxelles et coproduit par Le Maillon à Strasbourg, l'artiste de 41 ans change de perspective, tournant son regard vers les alliances et la domination masculines. Elle continue d'explorer le lien entre violences sexuelles et histoire de l'art.

Donnée en portugais sous-titré, la pièce s'ouvre sur l’enlèvement de Proserpine, œuvre de Rubens représentée sur un rideau qui s'affaisse.

Vêtue d'une queue-de-pie noire, les 500 pages de ses recherches sur les violences sexuelles à la main, Carolina Bianchi expose la violence masculine dans les arts, de Titus Andronicus de Shakespeare à La Mouette de Tchekhov - rappelant la citation du dramaturge russe: «si tu veux ma vie, viens la prendre».

Dans son viseur, les artistes masculins érigés en génies qui entretiennent une culture du viol en glorifiant, dans leurs œuvres, les violences faites aux femmes.

L'autrice, metteuse en scène et comédienne s'attache à déconstruire ces idoles et à explorer leur influence.

«Pourquoi sommes-nous fascinés par la violence faite aux femmes dans les arts ? Et cette fascination, qu'en faisons-nous?», se demande-t-elle, expliquant à l'AFP qu'il s'agit «moins de chercher une réponse très claire» que d'utiliser la «poétique, le langage scénique» pour aborder ces sujets.

Invitation à la réflexion

Non sans humour, elle interviewe en anglais un metteur en scène renommé - fictif -, un entretien qui commence bien mais finit mal pour cet homme dont l'assurance vole peu à peu en éclats… jusqu'à la mort.

Dans la deuxième partie, sept comédiens en chemise blanche, attablés, livrent des extraits du colossal travail de recherche de Carolina Bianchi. Ils égrènent une litanie d'affaires de violence sexuelle - dont celle des viols de Mazan - jusqu'à en vomir.

Un tourbillon de mots et de références - piochées dans la fiction ou la réalité, tirées du passé ou du présent - qui interpellent les spectateurs, invités à se positionner.

«J'aime que le public soit là, qu'il réfléchisse. Même si vous n'êtes pas d'accord avec moi, ce n'est pas mon but. Ce n'est pas un spectacle destiné à nous convaincre. Il s'agit plutôt de proposer une nouvelle façon d'aborder certaines choses», dit Carolina Bianchi.

Dans ce spectacle déconseillé aux moins de 18 ans, la performeuse s'expose aussi dans plusieurs scènes de sexe : masturbation, copulation et bukkake - acte lors duquel plusieurs hommes éjaculent sur une personne.

Des scènes issues des «énormes questions sur ce qui arrive à la sexualité lorsqu'on est confronté au traumatisme des violences sexuelles», explique-t-elle.

«C'est pour moi l'une des questions centrales de la trilogie, qui sera de plus en plus présente dans le troisième chapitre» - dont la première est prévue en 2026.

The Brotherhood est donnée jusqu'à samedi à Strasbourg puis du 19 au 28 novembre à La Villette à Paris.

Par Pauline FROISSART

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