Réparer la colonne sans ouvrir le corps : le pari de la robotique chirurgicale
Réparer la colonne sans ouvrir le corps, c’est possible ! ©Shutterstock

Dans les blocs opératoires de Nancy, la froideur du métal robotique rencontre l’ingéniosité humaine: une révolution chirurgicale est en marche, posant la question universelle du progrès technologique face à la vulnérabilité du corps.

Depuis toujours, la colonne vertébrale incarne la fragilité de l’être humain. Intervenir sur cette structure, c’était jusqu’alors risquer douleurs, complications, voire paralysie. La chirurgie du rachis a longtemps signifié grandes incisions, convalescence éprouvante et cicatrices profondes. Désormais, à Nancy, un trio de médecins innovateurs redéfinit les règles du jeu avec la chirurgie robotique mini-invasive. Un bouleversement qui oblige à s’interroger si l’on peut vraiment faire confiance à la main du robot.

À l’été 2019, le CHRU de Nancy franchit une étape historique. Un patient victime d’un grave traumatisme vertébral bénéficie pour la première fois en Europe d’une reconstruction du rachis assistée par robot. À l’origine de cette prouesse, trois spécialistes : la professeure Nicla Settembre, chirurgienne vasculaire, le professeur Serguei Malikov, et le docteur Nacer Mansouri, neurochirurgien. Leur collaboration inédite associe la précision du geste neurochirurgical et la maîtrise de la chirurgie vasculaire.

La technique déployée diffère radicalement des interventions traditionnelles. Plutôt que de pratiquer de larges ouvertures, l’équipe nancéienne utilise des micro-incisions, d’à peine quelques millimètres, pour guider les instruments robotiques jusqu’à la colonne. Le chirurgien, équipé d’un système de visualisation immersive, dirige le robot à distance avec une acuité exceptionnelle : la vision tridimensionnelle et la résolution très haute définition permettent de naviguer avec une finesse extrême à travers les tissus, tout en minimisant les risques pour le patient. Selon les données du CHRU, une trentaine de patients ont déjà bénéficié de cette méthode novatrice. Pour eux, le bénéfice est immédiat: moins de douleurs post-opératoires, cicatrices quasi invisibles et surtout mobilité retrouvée très rapidement.

La robotisation du bloc opératoire n’est pas tout à fait nouvelle. Le système Da Vinci, pionnier dans d’autres spécialités, trouve désormais une application inédite dans la chirurgie du rachis. Mais ici, la complexité s’accroît: il faut naviguer entre de grandes artères, éviter la moelle épinière, travailler au plus près d’organes vitaux. Le dispositif permet au chirurgien de dépasser les limites de la main humaine. La caméra robotique, plongée dans le corps, retransmet une image détaillée en trois dimensions, tandis que les bras articulés exécutent des mouvements d’une précision millimétrique, inatteignable à main levée.

L’équipe de Nancy a choisi l’abord antérieur – c’est-à-dire par l’avant du tronc –  une voie exigeante, rarement pratiquée, qui offre pourtant l’avantage de préserver la musculature du dos et d’éviter de léser les structures postérieures. Là où jadis de larges dissections étaient nécessaires, le robot trace désormais une voie discrète et ciblée. Pour les patients, les bénéfices sont considérables: hémorragies réduites, cicatrisation accélérée, et retour à la marche parfois dès le lendemain de l’opération.

Au-delà de l’exploit technologique, chaque opération interroge la dimension humaine de la médecine. L’idée de confier sa colonne vertébrale – véritable pilier du corps – à des bras robotiques suscite, chez certains, appréhension ou scepticisme. Les praticiens insistent: le robot ne se substitue pas à la main du chirurgien, il l’amplifie, lui offrant une extension capable de dépasser les limites naturelles du geste.

Le contraste est frappant entre les générations. Là où certains patients, plus âgés, s’étonnent de la discrétion et du calme des nouveaux blocs opératoires, les plus jeunes adoptent ces innovations comme une évidence, presque sans crainte.

Mais la révolution robotique ne transforme pas que les corps: elle change la relation au soin, le vécu de la maladie, la façon de percevoir la convalescence. Plusieurs opérés parlent d’une renaissance: ils évoquent une douleur maîtrisée, un retour rapide à l’autonomie, le sentiment d’avoir participé à une aventure médicale encore rare au monde.

L’équipe de Nancy, pionnière sur la scène internationale, n’entend pas s’arrêter là. Les perspectives sont immenses pour les pathologies complexes de la colonne, la réparation post-traumatique, et peut-être demain pour d’autres territoires du corps.

À Nancy, la frontière entre médecine et technologie s’efface un peu plus chaque jour, faisant émerger une chirurgie du futur, moins invasive, plus précise, centrée sur le patient mais portée par la machine. Cette avancée oblige à réinventer notre rapport à la confiance et au progrès. Reste à voir si, au fil de l’innovation, la chaleur du soin saura toujours cohabiter avec la froideur du métal.

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