Syrie : vague de colère alaouite sur le littoral
Un homme brandit une pancarte sur laquelle on peut lire en arabe « Libérez les détenus » (à gauche) et « Non au meurtre », alors que des personnes participent à une manifestation sur la place al-Azhari, à la suite des récentes attaques contre la communauté minoritaire alaouite, une branche de l'islam chiite, dans la ville côtière de Lattaquié, bastion alaouite en Syrie, le 25 novembre 2025. © HAIDAR MUSTAFA / AFP

Des milliers de membres de la communauté alaouite ont manifesté mardi dans plusieurs villes syriennes pour dénoncer les violences, les discriminations et l’insécurité croissante dont ils s’estiment victimes depuis la chute de Bachar al-Assad. Une mobilisation d’ampleur inédite depuis l’arrivée au pouvoir de Ahmad el-Chareh.

À Lattaquié, cœur historique de la communauté, des foules importantes se sont rassemblées mardi pour exprimer leur colère et leur inquiétude face aux violences et à l’insécurité qui touchent leur région. Les manifestants ont scandé des slogans appelant à l’unité nationale, à la protection des civils et à la fin des arrestations arbitraires. Les forces de sécurité, d’abord restées en retrait, sont finalement intervenues lorsque des échauffourées ont éclaté entre Alaouites et partisans du gouvernement. Des coups de feu ont été entendus et, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), au moins une personne a été blessée. L’OSDH a également signalé des actes de vandalisme visant des propriétés appartenant à des Alaouites, illustrant la tension qui règne dans la ville. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent des manifestants agenouillés au milieu de débris et des habitants barricadant leurs portes, soulignant la peur persistante dans cette région côtière.

À Tartous, Jablé et Homs, des rassemblements similaires ont eu lieu, avec des centaines de participants réclamant la sécurité et la libération des détenus. Ces mobilisations interviennent dans un contexte tendu, après le meurtre d’un couple bédouin sunnite à Homs, qui a déclenché des représailles contre des quartiers alaouites. Les autorités ont dû imposer un couvre-feu pour ramener un calme précaire. Les habitants dénoncent un climat de peur, amplifié par des arrestations jugées arbitraires depuis la prise de pouvoir de la coalition islamiste, et plusieurs manifestants ont exprimé leur inquiétude quant à la protection de leurs familles et de leurs biens.

La revendication d’un modèle fédéraliste

Au-delà des appels à la sécurité, de nombreux participants ont formulé une demande politique précise : l’instauration d’un fédéralisme pour les régions côtières. Selon eux, seule une autonomie administrative élargie pourrait garantir leur protection face aux violences confessionnelles et limiter les risques d’arbitraire. « Nous voulons décider de notre avenir et protéger nos familles », a déclaré à l’AFP une jeune manifestante à Lattaquié, évoquant la crainte d’un effacement progressif des droits des minorités sous le nouveau gouvernement.

La revendication fédéraliste, encore marginale il y a un an, gagne aujourd’hui en visibilité au sein de la communauté et est désormais portée publiquement par le Conseil supérieur islamique alaouite. Certains analystes y voient un signal clair que la minorité souhaite peser davantage sur la structuration politique du pays, dans un contexte où le pouvoir central peine à rétablir l’ordre.

 

Un pays toujours traversé par les tensions

Selon l’OSDH, 42 manifestations ont été recensées dans l’ouest du pays depuis la chute de Bachar al-Assad, signe d’une inquiétude profonde et organisée. Les violences intercommunautaires ont coûté la vie à des centaines de personnes cette année, notamment lors du massacre de mars sur le littoral, et les tensions restent vives dans d’autres régions, comme la province druze de Soueida. Malgré les assurances du président intérimaire Ahmad el-Chareh, qui affirme gouverner « pour tous les Syriens », le climat reste explosif.

La mobilisation de mardi montre que la transition politique n’a pas atténué les fractures confessionnelles. La communauté alaouite, longtemps silencieuse depuis la chute du régime, cherche désormais à peser publiquement sur l’avenir du pays et à faire entendre ses revendications, en particulier sur la sécurité, la justice et l’organisation politique du littoral syrien.

 
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