Abdellatif Kechiche revient avec force malgré les tempêtes
«Mektoub My Love: Canto Due», affiche officielle. ©Wikipédia

Le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche signe enfin Mektoub My Love: Canto Due, dernier volet de son triptyque commencé il y a près d’une décennie. Malgré les polémiques et un AVC récent, il livre un film au long processus créatif et à l’accueil déjà scruté.

Secoué par les polémiques, victime d'un AVC au printemps, Abdellatif Kechiche sort mercredi Mektoub My Love: Canto Due, sept ans après un premier opus salué par la critique mais au succès terni par le scandale de la projection d’Intermezzo à Cannes un an plus tard.
«Des années ont passé depuis Canto Uno. Des années de silence, de travail et de bouleversements», exprime Abdellatif Kechiche dans sa note d'intention écrite dans le dossier de presse du film.
Le réalisateur franco-tunisien, qui se remet d'un AVC subi au printemps, n'est pas en mesure de participer à la promotion du film, projeté pour la première fois cet été au festival de Locarno, en son absence.
Près de dix ans après le tournage, qui s'est étalé sur deux ans et demi, entre 2016 et 2018, le réalisateur au style naturaliste met enfin un point final à son triptyque.
«Trois mouvements pour tenter de saisir quelque chose du vivant, du désir, de la jeunesse», explique Kechiche, deux fois César du meilleur réalisateur pour L'Esquive et La Graine et le Mulet.

Dialogues

Canto Due se déroule comme le premier film en plein été 1994, alors qu’Amin, qui rêve de devenir réalisateur, est de retour à Sète, dans le sud de la France.
Il retrouve ses amis d’enfance, la plage, le restaurant familial et fait la rencontre d’un producteur américain en vacances qui s’intéresse à son travail.
Le film est une célébration du désir, de la beauté et de la jeunesse, sous la lumière chaude du Sud, mais sonne aussi comme la fin de l’innocence pour des personnages confrontés à des choix capitaux. Il adopte par moments une verve comique qui le distingue du premier film.
On y croise de nouveaux visages comme le producteur de cinéma Jack Patterson et sa jeune compagne Jessica, une starlette de série télévisée.
«Ça a pris plus de temps que ce que je pensais, mais il est là finalement», s’est réjoui l’acteur principal Shaïn Boumedine, interprète d’Amin, lors d’une rencontre avec l’AFP.
«Je me suis fait mille fois le film dans ma tête, savoir ce qui allait être gardé au montage ou pas», explique l’acteur.
Fidèle à sa réputation, Abdellatif Kechiche a énormément tourné, amassant près de 1 000 heures de rushs, filmant de longues scènes ponctuées de dialogues enlevés très travaillés.
Kechiche «est constamment en train de réfléchir, d’écouter, d’observer, il essaie de voir ce qui marche et ce qui ne marche pas dans tous les corps de métier», raconte Shaïn Boumedine.
«Il s'offre le luxe de prendre le temps» et de «faire, refaire, refaire, faire durer éternellement les scènes», confie l'acteur.

Scandale

Cette manie a été la cible de vives critiques et a valu au réalisateur un scandale cannois en 2019 lors de la projection de Mektoub My Love: Intermezzo en raison d’une scène de sexe très crue et interminable.
L’actrice Ophélie Bau avait quitté la projection avant la fin, refusant de participer à la conférence de presse du film, finalement jamais sorti en salle.
«Je suis désolé qu’Ophélie et Abdellatif n’aient pas pu s’entendre sur le montage final de ce film. Et c’est pour ça que je suis trop content que Canto Due sorte et qu’Abdellatif et Ophélie aient trouvé un accord sur ce film-là», se réjouit Shaïn Boumedine.
Ophélie Bau, qui vient d’accoucher, n’a pas pu participer à la promotion du film mais elle a envoyé une vidéo à l’émission Quotidien pour inviter le public à se rendre en salle.
«Ne vous inquiétez plus pour moi, Intermezzo, c’est du passé. C’est une affaire classée, réglée», insiste-t-elle. Canto Due «mérite absolument d’exister», poursuit-elle.
Au début des années 2010, la personnalité complexe du cinéaste était apparue au grand jour lors de la promotion de La Vie d’Adèle, histoire d'amour entre deux jeunes femmes qui lui a valu, ainsi qu'à ses deux actrices, une Palme d'or en 2013.
Léa Seydoux avait dénoncé des conditions de tournage «horribles» et Adèle Exarchopoulos, dont c’était le premier grand rôle à 19 ans, avait évoqué «dix journées entières à tourner» une très longue et très crue scène de sexe.

Par Antoine GUY / AFP

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