VIH et IST: le réveil d’une menace oubliée chez les 15-24 ans
VIH et IST : retour du risque chez les jeunes partout dans le monde. ©Shutterstock

Longtemps considéré comme un modèle de réussite sanitaire, le combat contre le VIH marque le pas chez les jeunes dans plusieurs pays développés. France, États-Unis, Royaume-Uni: une nouvelle génération redécouvre les risques, alors que l’épidémie semblait maîtrisée.  

Il y a quelques années encore, la perspective d’une génération préservée du VIH paraissait à portée de main. Le nombre de nouveaux diagnostics reculait, les traitements se perfectionnaient, l’accès au dépistage s’élargissait. Mais en cette fin 2025, un vent d’inquiétude parcourt les agences de santé publique : en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis, les chiffres repartent à la hausse chez les jeunes. Cette génération, qui n’a pas connu les drames fondateurs des années 1980, se retrouve aujourd’hui en première ligne d’une épidémie que l’on pensait en voie d’extinction.

En France, le dernier rapport de Santé publique France a sonné l’alarme: les découvertes de séropositivité chez les 15-24 ans ont bondi de 41 % en dix ans, alors qu’elles reculent nettement chez les adultes. En parallèle, les infections sexuellement transmissibles bactériennes – syphilis, gonocoque, chlamydia – explosent dans la même tranche d’âge. Loin d’être un cas isolé, cette tendance se retrouve outre-Manche et outre-Atlantique.

Au Royaume-Uni, la UK Health Security Agency (UKHSA) observe un triplement des cas de gonorrhée chez les jeunes adultes en 2022, ainsi qu’une forte hausse de la syphilis. L’agence britannique note que les jeunes hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) restent parmi les plus vulnérables, mais que la hausse concerne aussi les jeunes hétérosexuels. Les campagnes de prévention, autrefois omniprésentes, semblent désormais lointaines, et le port du préservatif se fait plus rare.

Aux États-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) publient des chiffres similaires : la syphilis, le gonocoque et la chlamydia progressent dans la jeunesse. En particulier, les CDC rapportent que la syphilis congénitale, transmise de la mère à l’enfant, a quadruplé en dix ans, signe d’un recul général de la prévention et de l’accès aux soins dans certaines populations précaires. Si le nombre de nouveaux cas de VIH baisse globalement, des flambées locales sont observées, notamment chez les jeunes et dans les milieux festifs urbains.

Comprendre les causes 

Comment expliquer ce «retour du risque»? Les spécialistes pointent d’abord la banalisation du VIH. Là où, il y a trente ans, le virus évoquait peur et mort, il est aujourd’hui souvent perçu comme une maladie chronique, médicalisée, compatible avec une vie longue et active grâce aux traitements antirétroviraux. Cette image positive, si elle a permis de lever des tabous et d’améliorer la qualité de vie des personnes séropositives, a aussi contribué à éroder les réflexes de prévention.

Le préservatif, longtemps symbole d’une génération mobilisée, s’est effacé devant la PrEP (prophylaxie pré-exposition), pilule qui protège efficacement contre le VIH. Mais la PrEP reste trop peu utilisée chez les jeunes, mal connue hors des grands centres urbains, et n’offre aucune protection contre les autres IST, dont la résurgence est le véritable thermomètre des comportements à risque.

La pandémie de Covid-19 a, selon plusieurs études, accentué ce relâchement : baisse des consultations, isolement, sentiment d’invulnérabilité ou au contraire de fatalité chez certains jeunes. La précarité croissante, l’accès inégal aux soins et à l’éducation sexuelle jouent aussi un rôle non négligeable, en particulier dans les quartiers défavorisés ou chez les minorités.

Un phénomène mondial 

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte : la progression des IST chez les jeunes est désormais une tendance mondiale, qui n’épargne aucun continent. Les mécanismes sont souvent similaires: recul de la prévention, fatigue face aux messages sanitaires, illusions de sécurité liées aux progrès thérapeutiques.

Les chiffres invitent à la nuance. Le rebond du VIH chez les jeunes reste minoritaire à l’échelle de la population, mais il révèle des failles dans la transmission des messages de santé publique, dans l’accès aux outils de prévention, et dans la capacité à renouveler l’attention collective. La vigilance ne doit pas céder devant les succès du passé.

Face à cette réalité, les réponses ne relèvent plus seulement de la médecine. Il s’agit de repenser l’éducation à la sexualité, de rendre la PrEP accessible, de réhabiliter le préservatif, mais aussi d’accompagner la jeunesse là où elle se trouve: réseaux sociaux, applications et lieux de vie. Il est temps d’associer la mémoire de l’épidémie aux aspirations nouvelles, pour que la lutte contre le VIH et les IST redevienne un enjeu partagé.

 

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