Guerre en Ukraine: entre pressions américaines, inquiétudes européennes et pari politique de Zelensky
Cette photo diffusée par le service de presse présidentiel ukrainien le 9 décembre 2025 montre (de gauche à droite) la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le secrétaire général de l'OTAN Mark Rutte et le président du Conseil européen Antonio Costa. ©HANDOUT / UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP

Volodymyr Zelensky a surpris mardi en déclarant être «prêt» à organiser une élection présidentielle en Ukraine, à condition que ses alliés occidentaux garantissent la sécurité d’un scrutin que la loi martiale – en vigueur depuis février 2022 – rend théoriquement impossible. Sous pression du président américain Donald Trump, qui critique l’absence d’élections dans un pays «qui a perdu beaucoup de territoires», le chef de l’État ukrainien tente de reprendre l’initiative politique alors que la guerre entre dans sa quatrième année.

Depuis Rome, où il rencontrait le pape Léon XIV et la Première ministre italienne Giorgia Meloni, Zelensky a assuré avoir demandé au Parlement d’étudier des amendements permettant un scrutin sous loi martiale. Une démarche saluée par Paris: la ministre française déléguée aux Armées, Alice Rufo, y voit un «comportement courageux, démocratique et de résistance à la guerre», rappelant que la Russie cherchera à s’ingérer dans tout processus électoral et que la sécurité du vote devra impérativement être garantie.

L’Europe soutient, mais s’inquiète de la pression américaine

La réaction française fait écho à une inquiétude croissante en Europe: que Washington, déterminé à obtenir un accord de paix rapidement, impose à Kiev un plan trop favorable à Moscou et marginalise les Européens dans les discussions. Les consultations engagées ces derniers jours montrent un continent mobilisé pour rester dans la boucle.

À Londres et Bruxelles, Zelensky a rencontré les dirigeants britannique, français et allemand, ainsi qu’Ursula von der Leyen et le secrétaire général de l’Otan. Tous ont affirmé leur soutien à l’Ukraine et leur refus de toute paix «imposée». Le président français Emmanuel Macron a insisté sur la préparation de «garanties de sécurité robustes» et d’un cadre durable pour la reconstruction du pays. Le pape Léon XIV lui-même a estimé que chercher un accord de paix «sans inclure l’Europe» n’était «pas réaliste».

Giorgia Meloni demeure alignée sur la position européenne: soutien à Kiev, livraison d’armes, mais pas d’envoi de troupes comme Londres et Paris souhaitent l’envisager.

Le plan Trump: un projet explosif pour l’équilibre européen

Au cœur de cette fébrilité diplomatique: le plan Trump dont la première version, rédigée sans concertation avec les Européens, comptait 28 points et dont l’essentiel demeure explosif. Le texte exige que Kiev cède à Moscou les régions de Donetsk et Lougansk, y compris des zones non occupées. Selon le plan, l’Ukraine devrait aussi limiter son armée à 600.000 hommes, renoncer à l’Otan dans sa Constitution et accepter le stationnement d’avions européens en Pologne plutôt que sur son sol.

En échange, l’Ukraine recevrait des garanties de sécurité et un accès préférentiel au marché européen. La Russie serait réintégrée au G8.

L’Europe juge ce plan «beaucoup trop favorable» à Moscou: il gèle de facto le conflit aux conditions russes, consacre l’influence de Trump comme arbitre unique et rompt l’équilibre transatlantique instauré depuis 2022. Pour sa part, le pape Léon XIV a parlé d’un «énorme changement» dans l’alliance euro-américaine, préoccupant pour la stabilité du continent.

Zelensky, tout en reconnaissant certains progrès dans la négociation, reste catégorique: ni la loi ukrainienne ni «la morale» ne lui permettent de céder une seule zone du territoire ukrainien.

Moscou durcit le ton

À Moscou, Vladimir Poutine exploite ces tensions. Lors de la visite de l’émissaire américain Steve Witkoff et de Jared Kushner le 2 décembre, le président russe a multiplié les déclarations provocatrices, affirmant que la Russie est «prête» si «l’Europe souhaite la guerre», accusant les Européens de «vouloir empêcher» les efforts américains de paix.

Le Kremlin cherche manifestement à isoler Kiev de ses alliés européens, à pousser Trump à négocier seul et à obtenir un affaiblissement des sanctions occidentales. Zelensky accuse d’ailleurs Moscou d’utiliser les pourparlers pour tenter «d’affaiblir les sanctions», alors que la Russie a réalisé en novembre sa plus grande avancée militaire depuis un an.

Une semaine décisive pour Kiev

L’Ukraine, affaiblie sur le front et secouée par un scandale de corruption ayant conduit à la démission du chef de cabinet Andriï Iermak, aborde cette phase cruciale en position défensive. Les forces russes ont progressé à Pokrovsk et Vovtchansk, menant plus de 5.600 tirs de missiles et de drones en novembre.

Pour Kiev, le défi est triple: préserver son intégrité territoriale, maintenir le soutien européen et empêcher Washington d’imposer un accord dicté par Moscou. Le projet américain, désormais réduit à 20 points, doit être renvoyé dans une version modifiée à Washington.

Zelensky l’a résumé: «Nous voulons une fin de la guerre, pas une simple pause.» L’Europe, elle, tente de rester dans la pièce où se joue l’avenir stratégique du continent.

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