Le Liban-message annoncé par Saint Jean-Paul II n’est pas un slogan de coexistence poétique et creux. C’est un message de liberté et de diversité. Le pape y a formellement spécifié la liberté sur laquelle se fonde la raison d’être du Liban.
Le 7 septembre 1989, Jean-Paul II signait sa Lettre apostolique à tous les évêques de l’Église catholique sur la situation au Liban. Après y avoir renouvelé son intention de se rendre au pays du Cèdre pour une visite pastorale, il mettait en garde, de manière implicite, contre le danger de sacrifier le Liban en le livrant aux mains de la dictature syrienne. C’est ainsi que, dans ce document, apparaissait pour la première fois la notion de « Liban-message ».
La liberté
Cette expression allait devenir emblématique avant d’être transformée en slogan, récupérée par de nombreux discours poétiques vides de tout sens et si caractéristiques de la politique de la fuite en avant. Pourtant, Sa Sainteté Jean-Paul II avait été on ne peut plus clair en explicitant son concept dans son intégralité :
En accomplissant cette démarche spirituelle, avait-il noté, l'Église désire manifester au monde que le Liban est plus qu'un pays : c'est un message de liberté et un exemple de pluralisme pour l'Orient comme pour l'Occident !
Il ne s’était donc jamais arrêté au seul mot message, mais en avait précisé la nature : un message de liberté. Et cette liberté, enchaînait-t-il, est indissociable du principe du pluralisme. Les destinées de ces deux valeurs sont intimement liées. La disparition de l’une entrainerait immanquablement celle de la seconde. Saint Jean-Paul II mettait ainsi en garde la communauté internationale contre ce qui se préparait dans ses coulisses et qui mettrait en péril la valeur essentielle du Liban et la garantie de son existence : la liberté.
Taëf
En effet, à ce même moment, l’avenir du Liban se jouait à Taëf, en Arabie saoudite. Le risque de remettre le dossier libanais à la dictature syrienne constituait la crainte principale du pape et était à l’origine de sa déclaration prophétique, responsable et visionnaire : Liban, message de liberté.
Sa phrase fut volontairement falsifiée par les tendances gauchisantes qui l’attribuèrent à la visite pontificale de 1997. C’est à dessein, et pour des fins idéologiques, qu’elle fut tronquée et même souvent remplacée par un slogan de fabrication ultérieure : Liban, message de coexistence.
Cette manœuvre visait à vider de sa substance l’avertissement prémonitoire du Souverain Pontife et à en exclure la notion de pluralisme pour la remplacer par l’idéologie de Taëf, qui impose à tous les Libanais une identité et une appartenance uniques. Il fallait également noyer la notion de liberté, qui s’opposait fondamentalement au projet politique de l’époque, lequel consistait à remplacer la démocratie libanaise par la dictature baathiste syrienne.
La diversité
Liberté et diversité étaient au cœur de la déclaration papale. Il rajoutait qu’il désirait manifester sa solidarité aux fils de l’Église catholique et demandait que continue à leur être assuré le droit non seulement de croire selon la voix de leur conscience, mais encore de pratiquer leur foi et d'être fidèles à leurs traditions culturelles, à l'égal de leurs frères musulmans.
Saint Jean-Paul II ne plaidait nullement pour la seule liberté religieuse, mais pour le droit à la diversité culturelle. À l’égal des autres composantes libanaises, les chrétiens devaient pouvoir pratiquer et transmettre leur héritage. Le Souverain Pontife connaissait particulièrement la valeur existentielle de la résistance culturelle et savait que l’effacement identitaire constitue toujours le prélude à la soumission politique. C’est dans cet esprit que, dans son pays d’origine, il avait encouragé et défendu l’usage de la langue polonaise au théâtre. C’est là qu’avait débuté son long combat, qui allait s’achever avec la chute du mur de Berlin.
Malgré les appréhensions du pape et ses avertissements, un mois après la publication de sa Lettre apostolique, les accords de Taëf furent signés, le 22 octobre 1989. Ce qui ne fut pas annoncé par le texte de cette constitution imposée aux Libanais par la force des armes fut élaboré et concrétisé par les gouvernements successifs de cette nouvelle république : abolition des libertés individuelles et collectives, arrestations et torture, négation de la diversité, légalisation des armes d’une milice totalitaire et terroriste, consécration de l’animosité éternelle et dogmatique envers le voisin israélien.
L’ennemi sioniste
C’est cette dernière clause qui sera élevée sur un piédestal et sacralisée par les gouvernements successifs de la république de Taëf. Car elle permettait – et permet toujours – de museler la pensée libre en assimilant tout discours opposant à une forme de collaboration avec l’ennemi. Elle permettait surtout – et permet toujours – d’isoler le Liban de la scène internationale, de son appartenance occidentale et de sa puissante diaspora salutaire.
Les nombreux pays qui avaient financé la résistance palestinienne durant les années 1970, face aux Libanais jugés complaisants envers le sionisme, ont fini par reconnaître explicitement ou implicitement l’État d’Israël, après avoir anéanti le Liban. La résistance islamique – Hezbollah – n’a, elle aussi, pas hésité à concéder à Israël les champs gaziers en Méditerranée et à négocier sur plusieurs sujets, après avoir traduit en cour martiale des centaines de Libanais opposés à sa politique.
L’invention de la notion de l’ennemi sioniste n’a jamais eu pour autre objectif que de terroriser les Libanais et de leur imposer un isolationnisme suffoquant et mortel, afin d’opérer le bouleversement démographique auquel nous assistons aujourd’hui.
Le changement
Les temps changent, fort heureusement. L’écriture de ces lignes aurait été impossible il y a un an. L’interview faite par This is Beirut le 5 décembre 2025 avec l’ambassadeur d’Israël à Washington, Yechiel Leiter, aurait été impensable il y a encore quelques mois, voire quelques heures avant sa mise en ligne. Le Liban se libère, mais à pas de fourmi. Cette cadence ne pourra pas enrayer l’hémorragie migratoire de la jeunesse, qui vit au rythme du reste de la planète.
L’enjeu actuel consiste donc à faire face avec courage et détermination, en osant surtout remplacer le politiquement correct par la vérité, et le leurre de l’inclusivité par la protection de la diversité. Le message qu’il s’agit de défendre n’est pas un slogan poétique creux, mais c’est celui de la liberté, sur laquelle se fonde la raison d’être du Liban.




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