Le 28 novembre à Beit Jinn dans le sud-ouest de la Syrie, des affrontements ont éclaté entre l’armée israélienne et des groupes armés syriens, après qu'un convoi israélien a tenté de pénétrer dans la ville pour procéder à des arrestations. Cette incursion, qui a fait 15 victimes civiles, s’inscrit dans le cadre plus large des multiples incursions israéliennes dans le sud de la Syrie et particulièrement autour du plateau du Golan depuis la chute d’Assad. Depuis janvier 2025, selon les données de l’Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), plus de 900 opérations israéliennes ont eu lieu dans la région, dont 100 uniquement en novembre.
Pourquoi ce territoire montagneux, discret sur la carte mais central sur le plan stratégique, est-il depuis plus d’un demi-siècle l’un des foyers les plus sensibles de la rivalité entre la Syrie et Israël?
Un territoire stratégique
Le plateau du Golan est une région montagneuse d’une superficie de 1.154 km², située au sud-ouest de la Syrie, à la frontière avec Israël, le Liban et la Jordanie. Avant 1967, il faisait partie intégrante de la Syrie. Sa population syrienne a été en grande partie expulsée après la prise de contrôle israélienne.
Sur le plan démographique, le plateau compte aujourd’hui environ 50.000 habitants, majoritairement des Druzes, dont beaucoup disposent d’un statut de résident permanent en Israël, ainsi qu’une population croissante de colons israéliens installés depuis 1967.
Le Golan conserve une importance stratégique majeure en raison de son relief dominant le nord d’Israël et le sud de la Syrie. Il constitue également un enjeu hydrique central, avec plusieurs sources alimentant le Jourdain et le lac de Tibériade.
Un territoire occupé en grande partie par Israël
En juin 1967, lors de la guerre des Six Jours, Israël conquiert la majeure partie du Golan. Après une tentative syrienne de reconquête pendant la guerre du Kippour en 1973, un accord de désengagement est signé en 1974. Israël occupe alors 70% du Golan et la Syrie les 30% restant. L’accord de désengagement fixe une ligne de cessez-le-feu, toujours en vigueur, surveillée par la Force de l’ONU chargée d’observer le désengagement (Fnuod).
En décembre 1981, la Knesset adopte la loi du plateau du Golan. Ce texte étend la juridiction, l’administration et les lois israéliennes au territoire. Israël évite alors le terme d’«annexion», mais cette mesure est largement considérée comme telle par la communauté internationale, dans la mesure où elle modifie unilatéralement le statut d’un territoire occupé.
Quelques jours plus tard, le Conseil de sécurité de l’ONU, dans sa résolution 497, déclare cette loi «nulle et non avenue et sans effet juridique international». La résolution réaffirme le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la force et confirme que le Golan reste, au regard du droit international, un territoire syrien occupé. Cette position est reprise de manière constante par l’Assemblée générale de l’ONU et par les principales organisations internationales.
En mars 2019, les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, reconnaissent officiellement la souveraineté israélienne sur le Golan. Cette décision rompt avec des décennies de politique américaine alignée sur la position de l’ONU. Elle est justifiée par Washington au nom de la sécurité d’Israël et du contexte régional, notamment la guerre qui a ravagé la Syrie pendant plus d’une décennie. La reconnaissance américaine reste isolée et n’a pas été suivie par d’autres États.
Avancée israélienne depuis la chute d’Assad
Quelques heures après le renversement du régime de Bachar el-Assad en Syrie le 8 décembre 2024, Israël a annoncé considérer l’accord de désengagement de 1974 comme caduc et a envoyé des troupes dans la zone tampon démilitarisée du Golan. Depuis, Israël a renforcé sa présence militaire sur plusieurs points stratégiques sur et autour du Golan, notamment sur le versant syrien du mont Hermon. L'armée israélienne a établi plusieurs avant-postes, notamment à Jabal el-Cheikh, dans des villages voisins et dans d'autres zones de la zone démilitarisée sous surveillance des Nations unies, où elle mène fréquemment des raids aériens et des incursions terrestres.
Cette présence, qui était annoncée au départ comme temporaire, semble désormais s’inscrire sur le long terme. En février, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré que les forces israéliennes resteraient indéfiniment dans la région afin de «protéger les citoyens israéliens» et d'«empêcher les entités hostiles de s'implanter» près de la frontière.



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