Permis de travail: moins de restrictions aux Palestiniens
Le ministre du Travail défend la légalité de sa décision d’autoriser des Palestiniens à exercer des métiers jusque-là réservés exclusivement aux nationaux.

Le ministre libanais du Travail, Moustapha Bayram a pris mercredi une décision controversée visant à élargir l’accès des Palestiniens présents sur le territoire libanais au marché du travail. Alors qu’il existe une liste de métiers, réservée exclusivement aux Libanais, mise à jour annuellement par le ministère du Travail, et qui incluent notamment la fonction publique et les professions libérales, la décision de M. Bayram reprend la liste mais en y prévoyant des exceptions.
Ainsi, ne sont plus exclus des métiers réservés exclusivement aux Libanais tels que cités par la décision, “les Palestiniens nés sur le territoire libanais et inscrits dans les registres officiels du ministère de l’Intérieur, de même que tout étranger de mère libanaise ou marié à une Libanaise, ceux qui sont nés au Liban porteurs d’une carte de non inscrits au registre d’état civil, sous réserve des conditions spéciales aux professions régulées par la loi”, selon l’article 2 de la décision ministérielle portant le numéro 1/96. Le texte invoque “des raisons d’intérêt général, et (…) des circonstances économiques portant à revoir la liste des métiers réservés exclusivement aux Libanais “.

Liste des métiers réservés en principe aux Libanais
Les catégories de métiers réservés en principe aux Libanais selon la décision, mais qui supportent désormais les exceptions mentionnées, sont : “Tous les métiers (…) auprès des administrations publiques, des institutions publiques et des municipalités ; les professions régulées par la loi et dont le droit d’exercice est réservé aux membres d’un ordre ou syndicat, après délivrance d’un permis par l’autorité compétente lorsqu’il est obligatoire (exemples : les métiers d’avocat, d’ingénieur, de médecin, de pharmacien, de topographe…) ; toutes les activités commerciales, d’import, d’export, de vente de gros et de détail de tout genre de marchandises et produits ; les activités relatives aux métiers du tourisme de toutes sortes (…) ; toutes les activités (…) du secteur bancaire, financier, comptable et du secteur des assurances ; les activités administratives (…) au sein de toute société ou entreprise, comme le président du conseil d’administration, le directeur (…) ; les travaux relatifs au secteur sanitaire : toutes les activités au sein des pharmacies et dépôts de médicaments, laboratoires, cliniques, centres de radiologie, hôpitaux, points de vente de lunettes, et d’équipements médicaux, centres de produits de beauté, et de compléments alimentaires, les soins psychiatriques, les travaux infirmiers sous toutes leurs formes ; les activités liées aux professions pédagogiques (…) ; les métiers en lien avec les médias et la publicité (…) ; (certains métiers) dans le secteur de la construction et des travaux, (comme) le commerce et la fabrication de matériaux de construction (…) ; (longue liste de) métiers artisanaux non régulés par la loi (…) (comme) la fabrication et la vente de bijoux (…), la couture et la création de mode (…) ; les métiers de service : le gardien, le chauffeur, le livreur (…) ; d’une manière générale, toutes les activités et professions pour lesquelles une main d’œuvre libanaise est disponible”.

Indignations syndicales

Le président du conseil de l’ordre des médecins, Charaf Abou Charaf, a dénoncé un empiètement sur les lois en vigueur. “L’article 5 de la loi portant organisation de la pratique de la médecine par un médecin non libanais ressortissant d’un pays arabe prévoit une série de conditions (…), comme la réciprocité (…). Or, il n’existe pas de tel accord entre la Palestine et le Liban”, a-t-il indiqué, en rappelant en outre que la loi créant les deux ordres de médecins au Liban “interdit à tout médecin d’exercer la médecine sur le territoire libanais avant d’avoir adhéré à l’un des deux ordres”. Cette même loi donne à l’assemblée générale de chaque ordre la compétence de fixer la redevance annuelle et les frais d’adhésion pour les médecins non Libanais, toujours selon le communiqué de M. Abou Charaf qui conclue que “tout amendement des conditions d’exercice de la médecine nécessite un amendement de la loi et il n’est pas possible de contourner par d’autre moyen, comme une décision ministérielle, les lois en vigueur”.

Le président du conseil de l’ordre des pharmaciens, Joe Salloum, a lui aussi dénoncé la décision du ministre du Travail dans un communiqué, en rappelant notamment la même condition de réciprocité mentionnée par M. Abou Charaf, et en commentant la saturation du marché local à cause “d’une augmentation de Libanais diplômés en pharmacie”. Il a appelé le ministre du Travail à “publier au plus vite une annexe à sa décision qui limite d’une manière claire et explicite l’exercice de la profession pharmaceutique aux Libanais (…)”.


Le spectre de la naturalisation

Pour les Kataëb, il ne fait pas de doute que la décision du ministre accélèrera une éventuelle naturalisation des réfugiés au détriment des Libanais. “Ouvrir au Liban la possibilité aux réfugiés d’exercer des dizaines de métiers est une violation du droit des Libanais, et une consolidation de la présence permanente (de ces réfugiés) au Liban à l’heure où les Libanais émigrent, cela contribuera à empêcher ceux qui sont restés à trouver une opportunité de travail qui leur avait été jusque-là protégée par la loi. Sans compter que cette démarche va contribuer à baisser les salaires dans les secteurs concernés en vertu des règles de l’offre et de la demande”, note un communiqué du parti publié jeudi.

Dans un tweet, le député Gebran Bassil s’est également exprimé dans ce sens. “La décision du ministre d’autoriser aux Palestiniens et aux non inscrits au registre d’état civil d’exercer des dizaines de métiers réservés aux Libanais va à l’encontre du droit du travail et de la constitution, et est une naturalisation masquée que nous refusons. Nous appelons les syndicats à casser cette décision devant le Conseil d’Etat, et appelons les Libanais à ne pas s’y conformer. Une telle chose ne passera pas ! Nous ne permettrons pas de dépouiller les Libanais de leurs emplois”, a-t-il tweeté.

“Ce qui était interdit le demeure”

Mais dans un communiqué publié aujourd’hui jeudi 9 décembre par son bureau de presse, le ministre du Travail a insisté sur la légalité de sa décision.
“Ce qui était interdit et prohibé par les lois, décrets et règlements syndicaux ou autres en vigueur, l’est toujours et demeure tel quel. Ce que le ministre a autorisé, c’est une augmentation du taux d’emploi au sein de la main d’œuvre palestinienne conformément à ce que permettent les lois et l’exercice de sa compétence ministérielle exclusive”, a précise le communiqué, en dénonçant, “dans tout propos contraire qui a pu se répandre, une pure calomnie, précipitation, manque de professionnalisme, (incapacité à) lire la décision avec précision”.
Le texte a annoncé que le ministre tiendra une conférence de presse vendredi dans la matinée pour expliquer “tous les détails” de l’affaire.
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