CSM: débloquer l'enquête pour la bloquer à nouveau?
Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) devra tenir une nouvelle réunion mardi pour poursuivre les discussions au sujet de la nomination des présidents des chambres de la Cour de cassation et de la désignation d’un juge suppléant à Tarek Bitar, chargé d’instruire le dossier de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth.

Sur les deux points à l’ordre du jour de la réunion du CSM mardi, l’on peut se poser la question suivante: Si les présidents des chambres de la Cour de cassation sont nommés (disposition première à l’ordre du jour de la réunion de mardi), quelle serait l’utilité de procéder à la désignation d’un juge suppléant au magistrat Tarek Bitar?

La nomination des présidents des chambres de la Cour de cassation permettra à l’assemblée plénière de celle-ci d’être de nouveau au complet, ce qui lui permettra de plancher sur les nombreux recours présentés contre Tarek Bitar et de débloquer ainsi l’enquête suspendue depuis neuf mois.

Rappelons que pour les maints recours en dessaisissement du dossier présentés contre le juge Bitar, aucune décision n’a pu être rendue, en raison d’un défaut de quorum dû au départ à la retraite de certains des membres de l’assemblée plénière de la Cour de cassation. Lorsque le CSM a précédemment élaboré un projet de nominations, celui-ci a été également bloqué, des mois durant, par le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil (proche du président de la Chambre Nabih Berry). M. Khalil prétextait «un déséquilibre et une ambiguïté dans le texte» pour ne pas signer le décret.


Son refus de le signer est toutefois «contraire aux textes de loi», comme l’indique l’ancien président du Conseil d’État, Chucri Sader. D’après lui, «le rôle du ministre des Finances n’est constitutionnellement pas celui de contrôler le ministère de la Justice». Lorsqu’un projet de décret est signé par le ministre de la Justice, il est envoyé au ministre des Finances pour en vérifier les seules répercussions fiscales ou monétaires. Or, M. Khalil «s’est arrogé le droit de contrôler les nominations entreprises par le ministre de la Justice, en vertu d’une consigne reçue par ses supérieurs, dans le but de continuer à bloquer l’enquête sur l’explosion du port».

Le projet de décret s’étant à nouveau retrouvé entre les mains du ministre sortant de la Justice, Henry Khoury, le CSM se trouvait face à deux options: insister sur le décret ou le laisser tomber. L’instance juridique a opté pour la première, de sorte que mardi, elle planchera de nouveau sur le projet de nomination des présidents des différentes chambres de la Cour de cassation. Si ces derniers sont nommés, ils pourront statuer sur les recours présentés contre le juge Bitar. L’enquête serait alors débloquée et la désignation d’un juge suppléant ne présente, au regard de la loi, aucun intérêt. «Le CSM se retrouve aujourd’hui dans une situation délicate, lui qui avait accepté, pour des raisons purement humanitaires bien que contraires à la loi, de passer à cette solution», avance le président Sader, le juge suppléant étant principalement appelé à examiner les demandes de remise en liberté des personnes arrêtées dans le cadre de l’enquête sur l’explosion au port.

Une telle désignation devrait toutefois répondre à deux conditions: le juge par intérim ne peut statuer que sur les demandes de remise en liberté et il devrait n’appartenir à aucun parti politique. Alors que la première condition semble techniquement compliquée à remplir, vu qu’il s’agit de tout un dossier portant sur une affaire de grande ampleur, la seconde ne peut être réellement vérifiée. Un pacte dans lequel le CSM s’est engagé avec à l’ordre du jour deux éléments qui vont donc à l’encontre l’un de l’autre…
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