Face au «missile énergétique» russe, l'Europe affine ses armes
Les dirigeants de l'Union européenne, réunis en sommet vendredi à Prague, ont esquissé les grandes lignes d'une réponse commune contre la flambée des prix de l'énergie provoquée par la guerre en Ukraine.

"La Russie a tiré un missile énergétique sur le continent européen", a souligné Charles Michel, le président du Conseil, qui représente les 27 pays membres. Il a estimé que les débats dans le château de la capitale tchèque étaient "une étape" cruciale avant le prochain sommet des chefs d'État et de gouvernement à Bruxelles les 20 et 21 octobre "qui sera l'occasion de faire des pas en avant".



 

Les Vingt-Sept "partagent une ambition commune de faire baisser les prix des ressources énergétiques", a-t-il martelé. Mais ils sont divisés sur les moyens et il y a urgence à trouver des compromis qui allègeront concrètement le fardeau des citoyens et entreprises de l'UE. Le Premier ministre tchèque, Petr Fiala, qui assure la présidence tournante du Conseil de l'UE, s'est engagé à "convoquer autant de réunions des ministres de l'Énergie que nécessaire pour trouver une solution".

L'économie du Vieux continent dépend totalement de ses importations d'hydrocarbures et souffre comme nulle autre des coupures de livraisons imposées par la Russie. Mais elle peine à trouver une parade commune, tant les intérêts divergent entre les pays qui misent sur le nucléaire comme la France, ceux qui comptent sur le charbon comme l'Allemagne, ou ceux qui sont historiquement liés aux hydrocarbures russes en Europe centrale.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a souligné que l'UE était d'ores et déjà "beaucoup mieux préparée pour affronter l'hiver". Les Européens ont déjà pris des mesures pour limiter leur consommation d'énergie et diversifier leurs approvisionnements. La part du gaz importé de Russie a chuté de 41% avant le déclenchement de la guerre en Ukraine en février, à 7,5% aujourd'hui a-t-elle souligné.

 

A l'issue d'un sommet informel du Conseil européen à Prague, le président français Emmanuel Macron affirme que l'UE va analyser des mécanismes mais qu'il n'y a pas de "recette magique" pour faire baisser le prix du gaz. (AFP)

 

"Préserver le marché unique"

Elle a rappelé les grandes lignes d'une feuille de route envoyée cette semaine aux États membres et promis des "propositions plus détaillées dans les prochaines semaines". Il y a un "large soutien" des Vingt-Sept pour mettre en place d'ici au printemps prochain des achats groupés de gaz afin de renforcer le pouvoir de négociation des Européens, a-t-elle dit.

La cheffe de l'exécutif européen a réitéré ses différentes pistes pour faire baisser les factures de gaz: négocier des corridors de fluctuation des cours avec les fournisseurs amicaux de l'UE, explorer des moyens de limiter les prix du gaz pour éliminer les pics liés notamment à la spéculation, et découpler les prix de l'électricité de ceux du gaz.

Elle a également insisté sur la nécessité de "préserver le marché unique", après le tollé provoqué la semaine dernière par le plan de 200 milliards d'euros de Berlin pour protéger son économie. Plusieurs dirigeants ont critiqué un cavalier seul de l'Allemagne, qui menace la cohésion européenne.



 
Cavalier seul allemand

La puissance budgétaire de la première économie européenne et sa capacité à financer un solide bouclier, risque d'avantager les entreprises allemandes au détriment de leurs concurrentes des autres pays. "Au prétexte qu'un pays membre est capable d'emprunter plus, il ne doit pas pouvoir subventionner davantage ses entreprises et les rendre plus compétitives que celles des voisins", a averti le Premier ministre letton, Krisjanis Karins.

"Soyez solidaires, dans les temps difficiles il faut s'accorder sur des mesures communes et non pas sur celles qui conviennent le mieux à un pays", a également lancé son homologue polonais, Mateusz Morawiecki, à l'attention des Allemands. Le chancelier Olaf Sholz s'est défendu en affirmant que le plan de soutien allemand était comparable à ceux d'autres pays européens, notamment la France. "Ce que fait l'Allemagne est juste, nous pouvons le faire car nous avons toujours veillé à la stabilité de nos finances", a-t-il affirmé.

Les dirigeants européens ont par ailleurs réaffirmé vendredi leur soutien à l'Ukraine. Le président français Emmanuel Macron a notamment annoncé la création d'un "fonds spécial" pour que l'Ukraine puisse "acheter directement" auprès des industriels français "les matériels dont elle a le plus besoin pour soutenir son effort de guerre".

Avec AFP
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