©This photograph taken on April 12, 2022, shows a sign of US-based McKinsey & Company management consulting firm in Geneva. (Photo by Fabrice COFFRINI / AFP)
Immigration, sécurité, défense... Le recours croissant des États européens à des entreprises privées pour assurer des "fonctions essentielles" du service public inquiète les syndicats européens d'agents publics.
Retentissante en France, "l'affaire McKinsey n'est que la partie émergée de l'iceberg": dans un rapport publié mardi, des syndicats européens d'agents publics s'inquiètent du recours accru des États européens au secteur privé pour assurer des "fonctions essentielles" de l'administration.
Externalisation, prestations de conseil, partenariats public-privé: "Aujourd'hui, de nombreuses fonctions essentielles de l’administration publique sont assurées par des prestataires privés et des consultants", affirme la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP), qui représente huit millions d'agents à travers le Vieux Continent.
Immigration, sécurité, défense... Le recours croissant des États européens à des entreprises privées inquiète les syndicats européens d'agents publics (AFP)
C'est, par exemple, le cas en Grèce, où le gouvernement a confié à la société privée G4S "la sécurité et la surveillance de six centres de détention de migrants" en 2013 et en 2016.
Au Royaume-Uni, le ministère de la Défense "consacre environ 20 milliards de livres par an aux prestataires privés" et celui de la Justice "plus de 5 milliards aux services de probation et pénitentiaires sous gestion privée", calculent les syndicats.
La FSESP pointe aussi le rôle croissant des consultants, "devenus des acteurs de plus en plus influents au sein de l’administration publique".
Selon des chiffres de décembre 2020, "le conseil en organisation dans le secteur public représente 14% du chiffre d’affaires global du conseil en organisation en Europe". "Les chiffres varient de 31% en Grèce, 22% au Danemark et au Royaume-Uni et 17% en Espagne à (...) 9% en Allemagne et en France."
Une comparaison européenne qui relativise partiellement les critiques formulées en mars dans un rapport parlementaire en France où deux sénateurs avaient qualifié le recours par l'État français aux cabinets de conseil de "phénomène tentaculaire".
Cette "+affaire McKinsey+ (du nom d'un des cabinets prestataires du gouvernement français, NDLR) n’est que la partie émergée de l’iceberg", juge Jan Willem Goudriaan, le secrétaire général de la FSESP.
Siège de McKinsey à Paris (AFP)
"Les gouvernements européens recourent de plus en plus à des consultants confortablement rémunérés", souligne-t-il. "La fréquence et l’accélération de ce phénomène sont saisissantes et pèsent sur la transparence, la responsabilité et le coût des services publics."
La Commission européenne n'est pas épargnée par les syndicats, qui l'accusent d'avoir "fortement augmenté ses dépenses de conseil".
"Les quatre plus grands cabinets (PwC, KPMG, Deloitte et EY) ont perçu à eux seuls plus de 462 millions d'euros entre 2016 et 2019", détaille la FSESP à partir de statistiques compilées par le réseau de médias Euractiv.
La Cour des comptes européenne avait même chiffré, dans un rapport publié fin juin, à environ un milliard d'euros les dépenses de la Commission auprès de "consultants externes" spécialisés dans "le conseil, l'étude, l'évaluation et la recherche."
L'institution avait alors identifié "d'importantes lacunes dans le cadre mis en place" par l'exécutif européen pour régir le recours à des consultants externes.
En plus de l'externalisation et du conseil, la FSESP s'alarme des partenariats public-privé (PPP) et de leur coût.
La fédération cite l'exemple du PPP de 2,3 milliards d'euros signé en 2012 pour la construction du nouveau Palais de justice de Paris, "alors même que la comparaison avec une solution du secteur privé avait montré qu'il ne s'agissait pas de l'option la moins onéreuse".
Fin 2017, la Cour des comptes française avait déjà fustigé ce contrat "guidé par des considérations budgétaires de court terme" et impliquant "des loyers annuels d'un montant moyen de 86 millions d'euros", jusqu'en 2044.
Quel que soit le type de privatisation, les syndicats européens la jugent néfaste pour les agents publics, notamment en termes de sécurité de l'emploi, de temps de travail ou de rémunération.
La Cour des comptes européenne avait chiffré à environ un milliard d'euros les dépenses de la Commission auprès de "consultants externes" (AFP)
Mais "la dynamique peut être inversée", soulignent-ils.
Aux Pays-Bas, depuis 2016, l'administration réinternalise progressivement ses services de nettoyage, et a entamé le même processus fin 2021 pour les services de sécurité.
En conclusion du rapport, la FSESP recommande plus de transparence sur le budget et les tâches confiées au privé, et un fonctionnement de l'administration qui ne soit pas calqué sur celui des entreprises.
"L’externalisation de fonctions clés revient à remettre aux cabinets de conseil privés les clés des administrations sans poser de questions. Les autorités doivent abandonner de telles pratiques – faute de quoi, elles pourraient bien financer leur propre destruction", avertit Jan Willem Goudriaan.
Avec AFP
Retentissante en France, "l'affaire McKinsey n'est que la partie émergée de l'iceberg": dans un rapport publié mardi, des syndicats européens d'agents publics s'inquiètent du recours accru des États européens au secteur privé pour assurer des "fonctions essentielles" de l'administration.
Externalisation, prestations de conseil, partenariats public-privé: "Aujourd'hui, de nombreuses fonctions essentielles de l’administration publique sont assurées par des prestataires privés et des consultants", affirme la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP), qui représente huit millions d'agents à travers le Vieux Continent.
Immigration, sécurité, défense... Le recours croissant des États européens à des entreprises privées inquiète les syndicats européens d'agents publics (AFP)
C'est, par exemple, le cas en Grèce, où le gouvernement a confié à la société privée G4S "la sécurité et la surveillance de six centres de détention de migrants" en 2013 et en 2016.
Au Royaume-Uni, le ministère de la Défense "consacre environ 20 milliards de livres par an aux prestataires privés" et celui de la Justice "plus de 5 milliards aux services de probation et pénitentiaires sous gestion privée", calculent les syndicats.
La FSESP pointe aussi le rôle croissant des consultants, "devenus des acteurs de plus en plus influents au sein de l’administration publique".
Selon des chiffres de décembre 2020, "le conseil en organisation dans le secteur public représente 14% du chiffre d’affaires global du conseil en organisation en Europe". "Les chiffres varient de 31% en Grèce, 22% au Danemark et au Royaume-Uni et 17% en Espagne à (...) 9% en Allemagne et en France."
Une comparaison européenne qui relativise partiellement les critiques formulées en mars dans un rapport parlementaire en France où deux sénateurs avaient qualifié le recours par l'État français aux cabinets de conseil de "phénomène tentaculaire".
Cette "+affaire McKinsey+ (du nom d'un des cabinets prestataires du gouvernement français, NDLR) n’est que la partie émergée de l’iceberg", juge Jan Willem Goudriaan, le secrétaire général de la FSESP.
Siège de McKinsey à Paris (AFP)
"Les gouvernements européens recourent de plus en plus à des consultants confortablement rémunérés", souligne-t-il. "La fréquence et l’accélération de ce phénomène sont saisissantes et pèsent sur la transparence, la responsabilité et le coût des services publics."
La Commission européenne n'est pas épargnée par les syndicats, qui l'accusent d'avoir "fortement augmenté ses dépenses de conseil".
"Les quatre plus grands cabinets (PwC, KPMG, Deloitte et EY) ont perçu à eux seuls plus de 462 millions d'euros entre 2016 et 2019", détaille la FSESP à partir de statistiques compilées par le réseau de médias Euractiv.
Dépenses importantes
La Cour des comptes européenne avait même chiffré, dans un rapport publié fin juin, à environ un milliard d'euros les dépenses de la Commission auprès de "consultants externes" spécialisés dans "le conseil, l'étude, l'évaluation et la recherche."
L'institution avait alors identifié "d'importantes lacunes dans le cadre mis en place" par l'exécutif européen pour régir le recours à des consultants externes.
En plus de l'externalisation et du conseil, la FSESP s'alarme des partenariats public-privé (PPP) et de leur coût.
La fédération cite l'exemple du PPP de 2,3 milliards d'euros signé en 2012 pour la construction du nouveau Palais de justice de Paris, "alors même que la comparaison avec une solution du secteur privé avait montré qu'il ne s'agissait pas de l'option la moins onéreuse".
Fin 2017, la Cour des comptes française avait déjà fustigé ce contrat "guidé par des considérations budgétaires de court terme" et impliquant "des loyers annuels d'un montant moyen de 86 millions d'euros", jusqu'en 2044.
Quel que soit le type de privatisation, les syndicats européens la jugent néfaste pour les agents publics, notamment en termes de sécurité de l'emploi, de temps de travail ou de rémunération.
La Cour des comptes européenne avait chiffré à environ un milliard d'euros les dépenses de la Commission auprès de "consultants externes" (AFP)
Mais "la dynamique peut être inversée", soulignent-ils.
Aux Pays-Bas, depuis 2016, l'administration réinternalise progressivement ses services de nettoyage, et a entamé le même processus fin 2021 pour les services de sécurité.
En conclusion du rapport, la FSESP recommande plus de transparence sur le budget et les tâches confiées au privé, et un fonctionnement de l'administration qui ne soit pas calqué sur celui des entreprises.
"L’externalisation de fonctions clés revient à remettre aux cabinets de conseil privés les clés des administrations sans poser de questions. Les autorités doivent abandonner de telles pratiques – faute de quoi, elles pourraient bien financer leur propre destruction", avertit Jan Willem Goudriaan.
Avec AFP
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