Pour "regarder la vérité en face" sur la guerre d'Algérie, la France a décidé d'ouvrir "avec 15 ans d'avance" les archives judiciaires de l'époque, a annoncé vendredi le gouvernement, poursuivant la politique des "petits pas" amorcée par Emmanuel Macron.
Cette déclaration intervient deux jours après la visite à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, destinée à désamorcer une crise d'une rare gravité entre les deux pays en cours depuis plusieurs mois.
"C'est la falsification qui amène toutes les errances, tous les troubles et toutes les haines. A partir du moment où les faits sont sur la table, où ils sont reconnus, où ils sont analysés, c'est à partir de ce moment-là qu'on peut construire une autre histoire, une réconciliation", a poursuivi Mme Bachelot.
Interrogée sur les conséquences de cette décision, notamment sur la possible confirmation à venir d'actes de torture commis par l'armée française en Algérie, "c'est l'intérêt du pays que de le reconnaître", a ajouté Mme Bachelot.
Cette annonce s'inscrit dans la politique de réconciliation mémorielle initiée par le chef de l'Etat, Emmanuel Macron. Le 13 septembre 2018, il reconnaissait que la disparition du mathématicien et militant communiste Maurice Audin, en 1957 à Alger, était le fait de l'armée française et promettait à sa famille un large accès aux archives.
"Quand Emmanuel Macron a rendu justice sur l'affaire Audin, il avait ainsi mis la France en face de la vérité", a rappelé Mme Bachelot.
"On ne doit jamais avoir peur de la vérité, il faut la contextualiser. (...) Mais il faut la regarder en face", a-t-elle ajouté.
Le 9 mars 2021, poursuivant sa politique de "petits pas", le chef de l'Etat avait annoncé une simplification des accès aux archives classifiées de plus de 50 ans, permettant d'écourter les délais d'attente.
Cette décision s'inspirait du rapport Stora sur la question mémorielle entre l'Algérie et la France qui préconise une ouverture et un partage des archives coloniales sensibles entre Algériens et Français, conservées aux Archives nationales d'outre-Mer à Aix-en-Provence.
Elle répondait aussi partiellement à une requête d'universitaires se plaignant des entraves à la libre consultation de documents historiques.
"À l'égard de l'Algérie, c'est un signal important que la France envoie, bien que cette politique mémorielle s'inscrive dans une démarche franco-française d'établissement des faits", a déclaré à l'AFP le Franco-Algérien, Karim Amellal, délégué interministériel à la Méditerranée.
"Il y a une demande très forte des historiens s'agissant de la déclassification des documents couverts par le secret défense. Et l'idée fondamentale est de leur donner la possibilité de faire leur travail", a ajouté ce membre de la commission "Mémoire et vérité" présidée par l'historien Benjamin Stora.
Même requête, restée sans réponse, du côté des historiens algériens qui en avril ont appelé dans une lettre le chef d'Etat algérien à ouvrir les archives nationales sur cette période. "La demande et la revendication d'ouvrir les archives date d'au moins dix ans", déplorait alors l'historien Amar Mohand-Amer sur TV5 Monde.
Soixante ans après la fin de la guerre d'Algérie, les plaies sont encore vives de part et d'autre malgré des gestes symboliques au fil des ans de la France, qui exclut toutefois "repentance" ou "excuses".
Le président Emmanuel Macron avait déclenché l'ire d'Alger en octobre en accusant, selon des propos rapportés par le quotidien français Le Monde, le système "politico-militaire" algérien d'entretenir une "rente mémorielle" autour de la guerre d'indépendance et de la France.
L'Algérie avait alors rappelé son ambassadeur à Paris et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français ralliant le Sahel.
AFP
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