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Native d’Aley, Nidal Haddad fait des études de beaux-arts à la LAU (Lebanese American University) et se lance dans l’art sous toutes ses formes. Elle expose dans plusieurs galeries et musées à Beyrouth. Ses œuvres ont fait le tour des pays francophones et de la Méditerranée. Elle a fondé la maison d’édition Calima artliban et la dirige. 



De sa verve poétique, Nidal Haddad nous amène dans Soubresauts vers de multiples horizons. Loin d’être abstraite, sa prose rimée et ses poèmes sont connectés au vécu, à la voix du cœur, à l’amour d’autrui, du Liban, de sa belle nature... «Je viens, dit-elle, des fleurs d’oranger qui parfument nos cafés», «je viens du jasmin qui embaume l’entrée de nos maisons d’enfance». Elle s’insurge contre l’injustice, le mensonge, le déracinement, et se bat contre les portes fermées, les visages fermés, les tabous… et au-delà de son sourire et de son amabilité, elle porte bien son prénom, Nidal, qui signifie combat.

L’auteure a choisi dans son livre de s’exprimer à la première personne dans un style imagé et vibrant, intériorisant chaque thème et les mots pour le dire. Sa grande sensibilité aurait des antennes, dirait-on, qui captent le dialogue, la rencontre, les sentiments multiples avec un sens inné de l’observation. De belles illustrations, feutre sur papier, accompagnent sa poésie qui s’étale sur 80 pages.

Elle raconte son adolescence à Aley, sa ville natale, qu’il a fallu quitter un jour, un déchirement à cause de la guerre, et ce récit ira droit au cœur de milliers de Libanais expatriés dans leur propre pays ou ailleurs. Elle est enracinée dans le Liban comme le cèdre: «Je regarde un cèdre et je vois mes demains dessinés dans les nervures du temps»; «Il me souffle une brise de trois mots à l’oreille: 'je suis immortel'.» Sa plume pour Beyrouth est poignante, elle saigne, mais elle est aussi porteuse d’espoir: «Beyrouth, au visage défiguré de tes yeux est née la lumière du pardon».

On ne se lasse pas de lire et relire Soubresauts pour l’authenticité qui s’en dégage. On choisit un texte, un poème, on y plonge, on y revient… on s’accroche. Parlant de la rencontre amoureuse elle écrit: «La première danse est un anti-hasard […] un pèlerinage […] la première danse est un cœur qui parle sur la pointe des pieds.» Elle exprime son amour de l’écriture: «J’écris parce que ça me fait du bien, pour lâcher l’encre de mes veines, pour l’amour de la vie et sa poésie, j’écris mes attentes». Rencontre avec Nidal Haddad.

Mes soubresauts sont les vôtresPourquoi le choix du titre? Voulez-vous parler de vos propres soubresauts ou en provoquer chez le lecteur?

La vie est soubresauts
Des soubresauts de bonheurs
Des soubresauts de douleurs
Ces tressaillements, indépendamment de leur nature, tracent la forme de notre être. Sculptent notre intériorité et créent notre visage parfois à plusieurs facettes
Mes soubresauts sont les vôtres
Sur le chemin terrestre, les êtres passent presque par les mêmes histoires. Ce sont nos réactions qui nous différencient les uns des autres et nous donnent une identité unique à nous-mêmes

Vous vous exprimez tout au long du recueil à la première personne. Dans quel but?

Dans le recueil, des éclats de mon intimité sont présents dans certains textes, mais dans la plupart des pages, ce ‘Je’ est pioché du cœur de notre société, du cœur de l’humanité, du cœur de vos cœurs. Je suis le miroir de la société.
Je suis ces rencontres fertiles, tourmentées, lumineuses, taboues, corrompues, fidèles, trahies… relatées librement dans le but de vous pousser à un questionnement profond sur l’authenticité des relations humaines, l’ouverture vers l’autre, l’amour sous toutes ses formes, le rêve, le fantasme, l’héritage, le silence, le non-dit, l’injustice, l’exil, le déracinement… les soubresauts de la vie.

Vous abordez de multiples sujets. Y en a-t-il qui vous interpellent plus particulièrement?

Les sujets sont puisés dans mon quotidien, dans mes rencontres, dans l’autre qui m’inspire le bien et aussi le mal, dans les événements dans lesquels nous baignons parfois malgré nous. Les sujets sont disséqués poétiquement pour que le lecteur s’arrête, médite en silence, dialogue avec les vers, se remette en question au moment où il va se retrouver dans un mot, une virgule, une idée ou une image.

La justice et l’intégrité sont les deux thèmes qui m’interpellent le plus et cela dans tous les volets abordés dans le recueil. Que ce soit dans l’amour, l’amitié, la famille, la politique, l’éducation...


Prenons le tableau du Liban pour exemple. Le pays des cèdres est le plus beau pays au monde. Incontestablement. Il regorge de richesses naturelles et humaines sur une terre sainte qui répand son encens avec chaque levée de rosée.
Une minorité est responsable de notre état actuel, lamentables criminels. Et tout espoir d’une issue ne pourrait voir le jour que par une justice indépendante et intègre qui pourrait juger absolument tout le monde et traquer la corruption là où elle se trouve sans qu’aucune « immunité » ne s’en mêle. Et je suis confiante que ce jour viendra.

Il s’en suit dès lors des messages que vous transmettez. Lesquels?

L’ouverture vers l’autre, l’amour, l’abolition des silences destructeurs et des mensonges, la vérité pour un dialogue solide et fructueux, la justice pour une vie dans la paix, le pardon, l’humilité, réveiller l’esprit critique des êtres qui suivent aveuglement un courant.

Le Liban, souhait de Dieu sur terre, enlacez-le, soignez-le et préservez ce qui reste de ce pays miracle, pays message, pour une reconstruction sainte et humaine. On a vraiment besoin de soubresauts de conscience.

Comment expliquez-vous la différence de style entre les textes publiés?

C’est mon humeur qui fixe le style.

Parlez-nous des illustrations en feutre sur papier de votre livre.

Quand le mot me fuit, le trait me sauve. L’expression en couleurs est un temps de méditation. Pour cette série, la maison est l’élément central qui représente l’intériorité de l’être ainsi que le monde. La maison peut se déplier à l’infini, s’incarnant en un pays, un sourire, une personne, une larme, un sentiment, une masse, une forêt, une population, une révolution… elle contient les profondeurs de l’Homme, les entrailles de l’univers.

Comme les textes, chaque illustration raconte une histoire du monde.

Y-a-t-il un lien direct entre les textes et leurs illustrations?

Le lien n’est pas direct. Je n’ai pas illustré chaque texte après son écriture. Mais ces petits dessins, je les produisais d’habitude durant l’heure du journal télévisé. J’écoutais et j'exécutais en même temps. Le dessin m’a permis d’exorciser des pensées liées au quotidien libanais, et de même l’écriture m’a permis de faire sortir mon intériorité.

Les textes de Soubresauts ont-ils été récemment écrits?

Mes écrits sont le fruit d’une production qui s’est étalée sur le temps. De 2018 à 2021. Le temps de ces multiples moments d’expérience d’écoute et d’observation. Je dois sortir dans le monde, avoir les pieds sur terre, toucher la réalité telle quelle, à travers les émotions, les sentiments, les intuitions, voyager vers autrui, vivre l’autre, sentir les ondes des situations, capter les vibrations qui me touchent, pour fondre en mots.

NB: Nidal Haddad signera son livre Soubresauts le samedi 22 octobre de 20h30 à 22h30 à Souk el-Kotob à Mar Mikhael, dans le cadre du Festival international et francophone du livre de Beyrouth 2022.

Propos recueillis par Nelly Hélou

Cet article a été originalement publié sur le site de l'Agenda culturel.
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