Lettres à Beyrouth, juste après - (19) Range la table
C’est peut-être l’odeur des plats cuisinés. Peut-être le sifflement des marmites d’hier. Les éternelles. C’est peut-être les saveurs, et les légumes frais arrosés à l’eau de là-haut... Peu importe s’ils sont bios.
Ce n’est pas pour les mets ni pour les discussions à déjeuner ou les silences interminables du dîner.
C’est pour la table, pour peu qu’elle soit ronde.
Pour l’acte de s’asseoir tout autour, ou de bout en bout, de se tenir parfois debout, et puis de parler, se taire, se bouder, mais surtout, manger ensemble.
Pour le sel et le pain, oui.
L’intimité, les réprimandes ou la convivialité d’un repas, les « je fais la vaisselle, » peu importe.
Ce qui compte, c’est le face à face d’une vie de tous les jours, mise à nu en un instant.
Non pas les grands dîners assis, les buffets de gala, les longues dernières scènes -de ménage ou de jeux sociaux- infinies, mais le morceau de bois taillé sous un toit, qui renferme le vécu d’une journée ou d’un soir, les tables reconstruites mille et une fois, comme les familles. Celles qui voient, celles qui écoutent surtout, celles qui sèment l’amour dans leurs épices. Les tables bénies d’ici, celles qui durent, grâce aux prières des grands-mères qui défient le temps.


Comme le silence d’une brève étreinte.
Comme un sourire familier.
Comme un regard.

Combien de tables avons-nous rangées?
Sous un même toit, là où tout était vrai…
Du temps où les miettes étaient. (à partager)
"Tu me passes le pain?"
Beyrouth.
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