©"Les étrangers ne sont plus là pour acheter", se plaint Kabir Rauf, désœuvré dans sa boutique de Kaboul au milieu de centaines de tapis. AFP/Hector Retamal
Les quatre frères ont ressorti le métier à tisser qui n’avait pas servi depuis des années. Face à la grave crise économique qui plombe leur pays, des Afghans se tournent vers la fabrication de tapis, un savoir-faire ancestral qui se pratique en famille à la maison. Adieu le rêve de devenir magistrat "pour servir le pays". Rauf Haidari et ses trois frères ont commencé à travailler il y a trois mois sur un tapis. Entièrement en soie, il fera 12 mètres de long.
Rauf, 28 ans, a mis sur pause, il y a trois ans, ses études de droit, et vu la situation économique depuis le retour des talibans au pouvoir en août, il sait qu’il ne les reprendra probablement pas. Le chômage explose et les prix s’envolent.
Les frères, âgés de 25 à 30 ans, sont assis sur un banc face au métier à tisser, dans une petite pièce de la maison familiale à Kaboul. Le geste est précis, régulier. Ils espèrent tirer du tapis entre 5.000 et 6.000 dollars (4.400 à 5.300 euros). Mais il leur reste encore plusieurs mois de travail et ils ont avancé la moitié de cette somme pour acheter le matériel nécessaire à la fabrication. Et ils savent combien il est difficile de vendre un tapis.
Il y a cinq ans environ, ils avaient trouvé un emploi assez lucratif: ils vendaient des fleurs dans des salles de mariage. Mais "avec l’arrivée des talibans, l’activité a fortement diminué dans ces salles de mariage". "Nous avons donc repris la fabrication de tapis", raconte Rauf Haidari. Une activité qu’ils avaient déjà pratiquée dans le passé en famille. "C’est un savoir-faire que nos aïeux nous ont transmis", explique-t-il. "Nous n’avons pas d’autre option" pour faire vivre la famille, ajoute leur père, Ghulam Sakhi, âgé de 70 ans.
"Trésors nationaux"
Près de deux millions d’Afghans, sur environ 38 millions au total, travaillent dans le secteur du tapis, selon Noor Mohammad Noori, qui dirige l’association nationale des producteurs de tapis. Mais la demande a fortement baissé depuis le départ du pays, cet été, des étrangers travaillant pour des organisations internationales, fuyant le retour au pouvoir des talibans, souligne-t-il. Les tapis afghans, des délicats persans faits de soie aux plus rustiques faits de laine restent toutefois populaires à travers le monde.
Ces derniers mois, "il y a de plus en plus de personnes qui fabriquent des tapis", explique Kabir Rauf, qui vend ces "trésors nationaux de l’Afghanistan" à Kaboul. On y trouve surtout des femmes qui ne peuvent plus travailler, des jeunes filles qui ne peuvent plus aller à l’école, car celles-ci n’ayant pas rouvert, ou encore des hommes qui ont perdu leur emploi.
À Hérat, près de la frontière iranienne, Haji Abdul Qader est contacté tous les jours par deux ou trois nouvelles personnes qui veulent travailler. Environ 150 familles fabriquent déjà des tapis pour lui.
Depuis le retour des talibans, "il y a moins d’opportunités professionnelles pour les femmes à l’extérieur. Alors celles qui savent tisser nous appellent. Il n’y a pas d’autres emplois".
"Une personne qui sait fabriquer des tapis ne sera jamais sans emploi", vante Muhammad Taghi, dont la famille travaille depuis dix ans avec Haji Abdul Qader. Lui-même, plus jeune, tissait. Ses quatre enfants, âgés de 17 à 24 ans, tissent des tapis dans la modeste maison familiale, dans le silence, près du poêle. Il leur faudra quatre mois pour terminer leurs quatre tapis de deux mètres sur trois. La famille touchera 55.000 afghanis (505 euros). "Je suis fier de ce métier: nous fabriquons dans notre pays ces tapis qui seront vendus dans le monde entier comme tapis d’Afghanistan", se réjouit Muhammad Taghi.
Le fils cadet, Nassim, 17 ans, qui a commencé à tisser à 10 ans, va toujours à l’école et espère devenir docteur. "Grâce à l’argent des tapis, mes filles aînées peuvent aller à l’université", se félicite le père.
Mais les marchands de tapis ne sont pas aussi sereins. "Les retraits dans les banques sont limités (400 dollars maximum par semaine, NDLR). Je crains de ne pas avoir assez de liquide pour payer" les fabricants, s’inquiète Haji Abdul Qader, qui reçoit environ cinq tapis par semaine. De plus, "si les exportations ne reprennent pas, il faudra diminuer le nombre de tisseurs".
"Les étrangers ne sont plus là pour acheter", se plaint aussi Kabir Rauf, désœuvré dans sa boutique de Kaboul au milieu de centaines de tapis. Lui qui a commencé à 16 ans en vendant des tapis dans les rues d’Hérat, affirme qu’il s’agit de "la pire période" pour ses affaires. Mais il veut rester optimiste: les vols viennent de reprendre vers Dubaï et à partir de là, des pièces peuvent être envoyées dans le monde entier. Il compte aussi beaucoup sur la Chine, où son fils a un magasin.
AFP/Caroline TAIX
Rauf, 28 ans, a mis sur pause, il y a trois ans, ses études de droit, et vu la situation économique depuis le retour des talibans au pouvoir en août, il sait qu’il ne les reprendra probablement pas. Le chômage explose et les prix s’envolent.
Les frères, âgés de 25 à 30 ans, sont assis sur un banc face au métier à tisser, dans une petite pièce de la maison familiale à Kaboul. Le geste est précis, régulier. Ils espèrent tirer du tapis entre 5.000 et 6.000 dollars (4.400 à 5.300 euros). Mais il leur reste encore plusieurs mois de travail et ils ont avancé la moitié de cette somme pour acheter le matériel nécessaire à la fabrication. Et ils savent combien il est difficile de vendre un tapis.
Il y a cinq ans environ, ils avaient trouvé un emploi assez lucratif: ils vendaient des fleurs dans des salles de mariage. Mais "avec l’arrivée des talibans, l’activité a fortement diminué dans ces salles de mariage". "Nous avons donc repris la fabrication de tapis", raconte Rauf Haidari. Une activité qu’ils avaient déjà pratiquée dans le passé en famille. "C’est un savoir-faire que nos aïeux nous ont transmis", explique-t-il. "Nous n’avons pas d’autre option" pour faire vivre la famille, ajoute leur père, Ghulam Sakhi, âgé de 70 ans.
"Trésors nationaux"
Près de deux millions d’Afghans, sur environ 38 millions au total, travaillent dans le secteur du tapis, selon Noor Mohammad Noori, qui dirige l’association nationale des producteurs de tapis. Mais la demande a fortement baissé depuis le départ du pays, cet été, des étrangers travaillant pour des organisations internationales, fuyant le retour au pouvoir des talibans, souligne-t-il. Les tapis afghans, des délicats persans faits de soie aux plus rustiques faits de laine restent toutefois populaires à travers le monde.
Ces derniers mois, "il y a de plus en plus de personnes qui fabriquent des tapis", explique Kabir Rauf, qui vend ces "trésors nationaux de l’Afghanistan" à Kaboul. On y trouve surtout des femmes qui ne peuvent plus travailler, des jeunes filles qui ne peuvent plus aller à l’école, car celles-ci n’ayant pas rouvert, ou encore des hommes qui ont perdu leur emploi.
À Hérat, près de la frontière iranienne, Haji Abdul Qader est contacté tous les jours par deux ou trois nouvelles personnes qui veulent travailler. Environ 150 familles fabriquent déjà des tapis pour lui.
Depuis le retour des talibans, "il y a moins d’opportunités professionnelles pour les femmes à l’extérieur. Alors celles qui savent tisser nous appellent. Il n’y a pas d’autres emplois".
"Une personne qui sait fabriquer des tapis ne sera jamais sans emploi", vante Muhammad Taghi, dont la famille travaille depuis dix ans avec Haji Abdul Qader. Lui-même, plus jeune, tissait. Ses quatre enfants, âgés de 17 à 24 ans, tissent des tapis dans la modeste maison familiale, dans le silence, près du poêle. Il leur faudra quatre mois pour terminer leurs quatre tapis de deux mètres sur trois. La famille touchera 55.000 afghanis (505 euros). "Je suis fier de ce métier: nous fabriquons dans notre pays ces tapis qui seront vendus dans le monde entier comme tapis d’Afghanistan", se réjouit Muhammad Taghi.
Le fils cadet, Nassim, 17 ans, qui a commencé à tisser à 10 ans, va toujours à l’école et espère devenir docteur. "Grâce à l’argent des tapis, mes filles aînées peuvent aller à l’université", se félicite le père.
Mais les marchands de tapis ne sont pas aussi sereins. "Les retraits dans les banques sont limités (400 dollars maximum par semaine, NDLR). Je crains de ne pas avoir assez de liquide pour payer" les fabricants, s’inquiète Haji Abdul Qader, qui reçoit environ cinq tapis par semaine. De plus, "si les exportations ne reprennent pas, il faudra diminuer le nombre de tisseurs".
"Les étrangers ne sont plus là pour acheter", se plaint aussi Kabir Rauf, désœuvré dans sa boutique de Kaboul au milieu de centaines de tapis. Lui qui a commencé à 16 ans en vendant des tapis dans les rues d’Hérat, affirme qu’il s’agit de "la pire période" pour ses affaires. Mais il veut rester optimiste: les vols viennent de reprendre vers Dubaï et à partir de là, des pièces peuvent être envoyées dans le monde entier. Il compte aussi beaucoup sur la Chine, où son fils a un magasin.
AFP/Caroline TAIX
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