A quelques jours de la ratification de l’accord sur la délimitation des frontières maritimes avec Israël, la question de savoir quelle est la nature de l’accord reste sans réponse. Pour certains, il s’agit d’un traité international auquel s’appliquent les règles du droit international public. Pour d’autres, il s’agit d’un acte unilatéral, dont les conséquences juridiques rendent complexe l’application du texte. Quel est donc ce document sur lequel le président de la République libanaise, Michel Aoun, apposera sa signature, jeudi, tel qu’annoncé par l’émissaire américain Amos Hochstein. Une problématique qui se pose d’autant plus que certains parlementaires réclament que cet accord leur soit soumis avant ratification, pour approbation, comme préconisé par l’article 52 de la Constitution libanaise. Or pour que ce texte soit ou non appliqué, il faudrait avant tout s’entendre sur la nature de l’accord.
Traité international, accord non conventionnel ou acte unilatéral ?
Il existe deux sources d’engagement pour les États. Le traité international et l’acte unilatéral. «Le premier est un accord qui suppose une convergence de volontés. Le second constitue un engagement, celui qui le prend n'attendant aucune prestation corrélative» de personne, comme l’indique Marie Ghantous, avocate spécialisée en droit international.
Interrogée par Ici Beyrouth, Mme Ghantous confirme ce que le juriste et ancien député Ghassan Moukheiber avance, dans une interview accordée également à Ici Beyrouth : «L’accord qui sera ratifié entre le Liban et Israël par l’intermédiaire des États-Unis, est bel et bien un traité international». De ce fait, les deux juristes estiment que l’article 52 de la Constitution libanaise impose au gouvernement et au président de la République de transmettre l’accord au Parlement pour que sa ratification soit avalisée. Propos que réfute l’avocat spécialisé en droit international, Rizk Zgheib. «Au sens de la définition proposée par la Convention de Vienne sur le droit des traités de mai 1969, cet accord ne constitue pas un traité international», déclare-t-il. Par conséquent, le mécanisme prévu à l’article 52 de la Constitution libanaise ne peut être actionné puisque ce texte se rapporte directement aux traités internationaux.
M. Zgheib considère qu’il s’agit d’un accord concerté, non-conventionnel, à la rigueur un « gentlemen agreement ». Pour que l’on puisse parler de convention, trois conditions sont à remplir :
« De ce seul fait, nous ne sommes donc pas devant des obligations contraignantes », indique M. Zgheib avant d’ajouter que « la troisième condition cumulative et nécessaire pour que l’accord soit considéré comme un traité n’est pas remplie ».
La forme de l’accord contestée
Plusieurs observateurs ont avancé la thèse selon laquelle la forme suivant laquelle l’accord sera ratifié jeudi ne peut permettre de le considérer comme un traité. En effet, le Liban et Israël ne signeront pas le même document. Cela ne veut pourtant pas dire que du fait de la signature de documents distincts, cet accord ne peut constituer une convention. À l’article 2 de la convention de Vienne, nous pouvons lire ce qui suit : « L’expression traité s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes et quelle que soit sa dénomination particulière ». En d’autres termes, nous sommes en présence de deux documents dits « connexes », et toute convention internationale peut être constituée en un échange de lettres, de procès-verbaux, etc. Rappelons dans ce sens que la création du tribunal spécial pour le Liban s’est faite via des documents connexes. L’argument selon lequel la forme de l’accord l’empêche d’être considéré comme traité n’est donc pas valable. C’est sur le fond que le problème se pose, comme démontré plus haut.
Vers une reconnaissance de l’État d’Israël ?
Dans la forme et dans le fond, l’autorisation de ratification de ce traité inquiète bon nombre de responsables politiques et de juristes. Une telle démarche pourrait, pour certains, signifier une reconnaissance implicite de l’État d’Israël. D’après M. Moukheiber et Mme Ghantous, ni la forme par laquelle la ratification se fera, ni les actes parlementaires d’autorisation de ce processus ni l’acte d’échange des documents ne constituent une reconnaissance par le Liban de l’État hébreu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les négociations entre les deux pays se sont faites par voie indirecte, via les États-Unis. Une crainte qui explique la raison pour laquelle le président de la Chambre, Nabih Berry, a manifestement exprimé « l’inutilité que cet accord soit soumis aux parlementaires, puisqu’il ne s’agit pas d’un traité ». La thèse des deux juristes n’est toutefois pas catégorique. M. Moukheiber finit par admettre que « dans le cadre de cet accord et uniquement pour les besoins de l’accord, le Liban reconnait d’une certaine manière l’État d’Israël, comme partie obligée ». Mme Ghantous affirme, dans le même ordre d'idées, qu’« à supposer qu’il y ait reconnaissance, les députés pourraient très bien exprimer une réserve dans le document, celle selon laquelle la ratification de cet accord n’implique pas une reconnaissance de l’État hébreu ». Comment peut-on alors conclure un traité avec un Etat qu’on ne reconnaît pas en tant que tel, lorsque la définition même d’un traité, selon l’article 2 de l’accord de Vienne stipule qu’une convention résulte d’une entente entre deux États, ce que confirme M. Zgheib : « Un traité implique directement la reconnaissance de l’Etat parce que par définition il se fait entre deux États ».
Quels précédents en matière d’accords conclus avec Israël ?
Bon nombre de juristes et d’experts rappellent l’accord de trêve, conclu en 1949 entre le Liban et Israël, sous l’égide des Nations-Unies. « Ce traité n’avait pas ouvert la voie à une reconnaissance de l’Etat hébreu », déclare M. Moukheiber. Il n’avait pas non plus été soumis à l’approbation du Parlement. L’on se demande alors pourquoi la question se pose aujourd’hui. Mme Ghantous considère, de son côté, que la « reconnaissance d’un Etat est un acte politique unilatéral qui a des conséquences juridiques ». Propos que complète M. Moukheiber en affirmant : « Les États qui ne se reconnaissent pas peuvent conclure des accords dont l’effet se limite au contenu de cet accord ». Dans notre cas de figure, l’accord sur la délimitation des frontières ne constituerait pas une reconnaissance de l’Etat d’Israël mais l’engage, par une série d’obligations, à exécuter les termes de cet accord. Ici aussi, la nature de l’accord de trêve est remise en question. Selon M. Zgheib, l’armistice de 1949 ne constitue pas un traité, au regard de la loi, raison pour laquelle l’on ne peut considérer qu’il ait été question de reconnaissance d’Israël.
Quelles conséquences juridiques ?
Que l’on considère qu’il s’agit d’un traité, d’un acte unilatéral ou d’un accord non conventionnel, les conséquences juridiques de cette « entente » ne sont pas les mêmes.
Dans le premier cas, « il est évident que cet accord ne suppose pas une simple délinéation géographique unilatérale », comme le précise M. Moukheiber. « Il comporte des éléments relatifs aux travaux de prospection et à la manière selon laquelle les conflits seront gérés », dit-il. Et de poursuivre « C’est un accord, conclu par l’intermédiaire des États-Unis, avec Israël, et qui porte sur un ensemble d’éléments, relatifs au règlement d’un conflit de frontières maritimes et à la gestion future des champs gazifières ». Allons plus loin. En vertu de cet accord, le Liban s’interdit d’entreprendre des excavations, des explorations ou de gérer son site via des sociétés libanaises ou de toute société qui fait l’objet de sanctions. « Comment donc », se demande M. Moukheiber, « l’Etat libanais va-t-il justifier son rejet d’une entreprise libanaise qui se porterait candidate au contrat de prospection, si l’accord n’est pas soumis au Parlement, parce que non considéré comme traité international ? ». En temps normal, « un tel refus se doit d’être justifié en vertu des clauses d’un traité », déclare l’ancien député. Dans le cas contraire, une loi spécifique à ce champ se doit d’être votée au Parlement.
Une argumentation à laquelle n’adhère pas M. Zgheib. D’après lui, cet accord ne constituant pas un traité pour les raisons susmentionnées, la seule contrainte résulte du fait du tracé des frontières. On s’explique. L’accord, selon M. Zgheib, comporte deux volets :
« Le tracé ne trouve pas son caractère contraignant dans l’accord lui-même, mais dans les lettres échangées par le Liban et Israël au secrétaire général de l’ONU », explique-t-il. Le tracé constituera donc une obligation juridique pour les deux États non pas en vertu de l’accord stricto sensu mais en vertu des lettres qui seront envoyées unilatéralement comme actes unilatéraux engageant la bonne volonté des deux États.
Pour ce qui est de l’exploitation, « il s’agit d’obligations dépourvues de caractère contraignant », si l’on suit le développement de M. Zgheib qui élimine la possibilité qu’il puisse s’agir d’un traité. On mise, par conséquent, sur la bonne foi des deux parties au contrat, surtout en ce qui concerne l’interdiction pour le Liban de recourir à des sociétés libanaises pour les manœuvres maritimes. Le danger ? L’absence de contrainte juridique présente beaucoup de risques quant à l’application de cet accord. Primo, en cas de conflit, la gestion des différends se ferait via le médiateur américain, selon, peut-être ses intérêts politiques, vu qu’il s’agit d’un accord politique selon la thèse appuyée par M. Zgheib. « Néanmoins la délimitation des frontières puisera sa force juridique dans les actes unilatéraux respectifs des deux protagonistes », assure-t-il. Secundo, à la question de savoir en vertu de quelles lois les États-Unis entreprendront-ils de régler les différends entre le Liban et Israël, M. Zgheib répond qu’ils vont recourir à la médiation, un « procédé de règlement diplomatique et non juridique des conflits ». Tertio, et si les États-Unis décidaient de se retirer du contrat ? « Aucune incidence juridique, puisque les Américains n’ont d’autre obligation que d’offrir, le cas échéant, leurs services en tant que médiateur et que dépositaire de l’accord », répond M. Zgheib.
La réplique de M. Moukheiber aux deux dernières questions est qu’il rappelle que « le Liban a ratifié la convention de Montego Bay (traité des Nations-Unies du droit de la mer), dans les années 90. Israël n’est toutefois pas partie à la convention. À titre de rappel, la conférence de Genève codifie le droit de la mer pour la première fois en 1958 à travers quatre conventions. Certaines règles ayant été contestées par les pays en développement, la convention des Nations Unies sur le droit de la mer est alors signée, le 10 décembre 1982, à Montego Bay (Jamaïque). Amendée en profondeur en 1994, date de son entrée en vigueur, elle représente aujourd’hui le droit international reconnu en matière d’affaires maritimes. Les États parties prenants à la convention ont le choix de l’organe du règlement de leur différend, soit un tribunal arbitral, soit le Tribunal de la mer, soit la Cour internationale de Justice dont la compétence est générale. Or, parce qu’Israël n’a pas adhéré à la convention de Montego Bay et parce que le Liban ne reconnaît pas l’Etat hébreu, la gestion des conflits ne peut se faire par l’intermédiaire des organes précités. Raison pour laquelle le seul mode de règlement des conflits a été la médiation d’un tiers Etat.
Quoi qu’il en soit, le soleil du jeudi 27 octobre se lèvera et l’accord (traité international ou pas) sera ratifié sans qu’il ne soit soumis au Parlement, à en croire certains observateurs, puisque la nature même de l’accord fait encore l’objet de débats. D’une part, éviter de passer par la Chambre des députés consisterait à donner à l’exécutif un blanc-seing à l’avenir pour la négociation d’accords avec Israël ou avec toute autre entité nationale. D’où un empiètement de l’exécutif sur le législatif, comme on en a l’habitude dans un pays où le principe de la séparation des pouvoirs est quasi-inexistant. D’autre part, comment procéder à une telle démarche lorsque, dans le fond, cet accord ne peut constituer un traité, au sens juridique du terme surtout lorsque l’on veut éviter, par tous les moyens, une reconnaissance de l’Etat d’Israël ?
Traité international, accord non conventionnel ou acte unilatéral ?
Il existe deux sources d’engagement pour les États. Le traité international et l’acte unilatéral. «Le premier est un accord qui suppose une convergence de volontés. Le second constitue un engagement, celui qui le prend n'attendant aucune prestation corrélative» de personne, comme l’indique Marie Ghantous, avocate spécialisée en droit international.
Interrogée par Ici Beyrouth, Mme Ghantous confirme ce que le juriste et ancien député Ghassan Moukheiber avance, dans une interview accordée également à Ici Beyrouth : «L’accord qui sera ratifié entre le Liban et Israël par l’intermédiaire des États-Unis, est bel et bien un traité international». De ce fait, les deux juristes estiment que l’article 52 de la Constitution libanaise impose au gouvernement et au président de la République de transmettre l’accord au Parlement pour que sa ratification soit avalisée. Propos que réfute l’avocat spécialisé en droit international, Rizk Zgheib. «Au sens de la définition proposée par la Convention de Vienne sur le droit des traités de mai 1969, cet accord ne constitue pas un traité international», déclare-t-il. Par conséquent, le mécanisme prévu à l’article 52 de la Constitution libanaise ne peut être actionné puisque ce texte se rapporte directement aux traités internationaux.
M. Zgheib considère qu’il s’agit d’un accord concerté, non-conventionnel, à la rigueur un « gentlemen agreement ». Pour que l’on puisse parler de convention, trois conditions sont à remplir :
- Qu’elle soit conclue entre deux États, ce qui est plus ou moins le cas, nonobstant le fait que le Liban ne reconnait pas Israël
- Qu’elle le soit dans le cadre du droit international. Dans notre cas de figure, elle l’est, puisque les deux lettres qui en découlent seront enregistrées auprès du secrétaire général de l’ONU
- Qu’elle crée des effets juridiques contraignants en droit international, ce qui n’est pas le cas puisque les obligations figurant dans cet accord ne sont pas assorties de sanctions en cas de violation de ces obligations. Plus encore, aucun mécanisme juridictionnel de règlement des différends en cas de conflit n’a été proposé.
« De ce seul fait, nous ne sommes donc pas devant des obligations contraignantes », indique M. Zgheib avant d’ajouter que « la troisième condition cumulative et nécessaire pour que l’accord soit considéré comme un traité n’est pas remplie ».
La forme de l’accord contestée
Plusieurs observateurs ont avancé la thèse selon laquelle la forme suivant laquelle l’accord sera ratifié jeudi ne peut permettre de le considérer comme un traité. En effet, le Liban et Israël ne signeront pas le même document. Cela ne veut pourtant pas dire que du fait de la signature de documents distincts, cet accord ne peut constituer une convention. À l’article 2 de la convention de Vienne, nous pouvons lire ce qui suit : « L’expression traité s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes et quelle que soit sa dénomination particulière ». En d’autres termes, nous sommes en présence de deux documents dits « connexes », et toute convention internationale peut être constituée en un échange de lettres, de procès-verbaux, etc. Rappelons dans ce sens que la création du tribunal spécial pour le Liban s’est faite via des documents connexes. L’argument selon lequel la forme de l’accord l’empêche d’être considéré comme traité n’est donc pas valable. C’est sur le fond que le problème se pose, comme démontré plus haut.
Vers une reconnaissance de l’État d’Israël ?
Dans la forme et dans le fond, l’autorisation de ratification de ce traité inquiète bon nombre de responsables politiques et de juristes. Une telle démarche pourrait, pour certains, signifier une reconnaissance implicite de l’État d’Israël. D’après M. Moukheiber et Mme Ghantous, ni la forme par laquelle la ratification se fera, ni les actes parlementaires d’autorisation de ce processus ni l’acte d’échange des documents ne constituent une reconnaissance par le Liban de l’État hébreu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les négociations entre les deux pays se sont faites par voie indirecte, via les États-Unis. Une crainte qui explique la raison pour laquelle le président de la Chambre, Nabih Berry, a manifestement exprimé « l’inutilité que cet accord soit soumis aux parlementaires, puisqu’il ne s’agit pas d’un traité ». La thèse des deux juristes n’est toutefois pas catégorique. M. Moukheiber finit par admettre que « dans le cadre de cet accord et uniquement pour les besoins de l’accord, le Liban reconnait d’une certaine manière l’État d’Israël, comme partie obligée ». Mme Ghantous affirme, dans le même ordre d'idées, qu’« à supposer qu’il y ait reconnaissance, les députés pourraient très bien exprimer une réserve dans le document, celle selon laquelle la ratification de cet accord n’implique pas une reconnaissance de l’État hébreu ». Comment peut-on alors conclure un traité avec un Etat qu’on ne reconnaît pas en tant que tel, lorsque la définition même d’un traité, selon l’article 2 de l’accord de Vienne stipule qu’une convention résulte d’une entente entre deux États, ce que confirme M. Zgheib : « Un traité implique directement la reconnaissance de l’Etat parce que par définition il se fait entre deux États ».
Quels précédents en matière d’accords conclus avec Israël ?
Bon nombre de juristes et d’experts rappellent l’accord de trêve, conclu en 1949 entre le Liban et Israël, sous l’égide des Nations-Unies. « Ce traité n’avait pas ouvert la voie à une reconnaissance de l’Etat hébreu », déclare M. Moukheiber. Il n’avait pas non plus été soumis à l’approbation du Parlement. L’on se demande alors pourquoi la question se pose aujourd’hui. Mme Ghantous considère, de son côté, que la « reconnaissance d’un Etat est un acte politique unilatéral qui a des conséquences juridiques ». Propos que complète M. Moukheiber en affirmant : « Les États qui ne se reconnaissent pas peuvent conclure des accords dont l’effet se limite au contenu de cet accord ». Dans notre cas de figure, l’accord sur la délimitation des frontières ne constituerait pas une reconnaissance de l’Etat d’Israël mais l’engage, par une série d’obligations, à exécuter les termes de cet accord. Ici aussi, la nature de l’accord de trêve est remise en question. Selon M. Zgheib, l’armistice de 1949 ne constitue pas un traité, au regard de la loi, raison pour laquelle l’on ne peut considérer qu’il ait été question de reconnaissance d’Israël.
Quelles conséquences juridiques ?
Que l’on considère qu’il s’agit d’un traité, d’un acte unilatéral ou d’un accord non conventionnel, les conséquences juridiques de cette « entente » ne sont pas les mêmes.
Dans le premier cas, « il est évident que cet accord ne suppose pas une simple délinéation géographique unilatérale », comme le précise M. Moukheiber. « Il comporte des éléments relatifs aux travaux de prospection et à la manière selon laquelle les conflits seront gérés », dit-il. Et de poursuivre « C’est un accord, conclu par l’intermédiaire des États-Unis, avec Israël, et qui porte sur un ensemble d’éléments, relatifs au règlement d’un conflit de frontières maritimes et à la gestion future des champs gazifières ». Allons plus loin. En vertu de cet accord, le Liban s’interdit d’entreprendre des excavations, des explorations ou de gérer son site via des sociétés libanaises ou de toute société qui fait l’objet de sanctions. « Comment donc », se demande M. Moukheiber, « l’Etat libanais va-t-il justifier son rejet d’une entreprise libanaise qui se porterait candidate au contrat de prospection, si l’accord n’est pas soumis au Parlement, parce que non considéré comme traité international ? ». En temps normal, « un tel refus se doit d’être justifié en vertu des clauses d’un traité », déclare l’ancien député. Dans le cas contraire, une loi spécifique à ce champ se doit d’être votée au Parlement.
Une argumentation à laquelle n’adhère pas M. Zgheib. D’après lui, cet accord ne constituant pas un traité pour les raisons susmentionnées, la seule contrainte résulte du fait du tracé des frontières. On s’explique. L’accord, selon M. Zgheib, comporte deux volets :
- Un volet concernant le tracé
- Un volet concernant l’exploitation des fonds sous-marins
« Le tracé ne trouve pas son caractère contraignant dans l’accord lui-même, mais dans les lettres échangées par le Liban et Israël au secrétaire général de l’ONU », explique-t-il. Le tracé constituera donc une obligation juridique pour les deux États non pas en vertu de l’accord stricto sensu mais en vertu des lettres qui seront envoyées unilatéralement comme actes unilatéraux engageant la bonne volonté des deux États.
Pour ce qui est de l’exploitation, « il s’agit d’obligations dépourvues de caractère contraignant », si l’on suit le développement de M. Zgheib qui élimine la possibilité qu’il puisse s’agir d’un traité. On mise, par conséquent, sur la bonne foi des deux parties au contrat, surtout en ce qui concerne l’interdiction pour le Liban de recourir à des sociétés libanaises pour les manœuvres maritimes. Le danger ? L’absence de contrainte juridique présente beaucoup de risques quant à l’application de cet accord. Primo, en cas de conflit, la gestion des différends se ferait via le médiateur américain, selon, peut-être ses intérêts politiques, vu qu’il s’agit d’un accord politique selon la thèse appuyée par M. Zgheib. « Néanmoins la délimitation des frontières puisera sa force juridique dans les actes unilatéraux respectifs des deux protagonistes », assure-t-il. Secundo, à la question de savoir en vertu de quelles lois les États-Unis entreprendront-ils de régler les différends entre le Liban et Israël, M. Zgheib répond qu’ils vont recourir à la médiation, un « procédé de règlement diplomatique et non juridique des conflits ». Tertio, et si les États-Unis décidaient de se retirer du contrat ? « Aucune incidence juridique, puisque les Américains n’ont d’autre obligation que d’offrir, le cas échéant, leurs services en tant que médiateur et que dépositaire de l’accord », répond M. Zgheib.
La réplique de M. Moukheiber aux deux dernières questions est qu’il rappelle que « le Liban a ratifié la convention de Montego Bay (traité des Nations-Unies du droit de la mer), dans les années 90. Israël n’est toutefois pas partie à la convention. À titre de rappel, la conférence de Genève codifie le droit de la mer pour la première fois en 1958 à travers quatre conventions. Certaines règles ayant été contestées par les pays en développement, la convention des Nations Unies sur le droit de la mer est alors signée, le 10 décembre 1982, à Montego Bay (Jamaïque). Amendée en profondeur en 1994, date de son entrée en vigueur, elle représente aujourd’hui le droit international reconnu en matière d’affaires maritimes. Les États parties prenants à la convention ont le choix de l’organe du règlement de leur différend, soit un tribunal arbitral, soit le Tribunal de la mer, soit la Cour internationale de Justice dont la compétence est générale. Or, parce qu’Israël n’a pas adhéré à la convention de Montego Bay et parce que le Liban ne reconnaît pas l’Etat hébreu, la gestion des conflits ne peut se faire par l’intermédiaire des organes précités. Raison pour laquelle le seul mode de règlement des conflits a été la médiation d’un tiers Etat.
Quoi qu’il en soit, le soleil du jeudi 27 octobre se lèvera et l’accord (traité international ou pas) sera ratifié sans qu’il ne soit soumis au Parlement, à en croire certains observateurs, puisque la nature même de l’accord fait encore l’objet de débats. D’une part, éviter de passer par la Chambre des députés consisterait à donner à l’exécutif un blanc-seing à l’avenir pour la négociation d’accords avec Israël ou avec toute autre entité nationale. D’où un empiètement de l’exécutif sur le législatif, comme on en a l’habitude dans un pays où le principe de la séparation des pouvoirs est quasi-inexistant. D’autre part, comment procéder à une telle démarche lorsque, dans le fond, cet accord ne peut constituer un traité, au sens juridique du terme surtout lorsque l’on veut éviter, par tous les moyens, une reconnaissance de l’Etat d’Israël ?
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