Caroline Torbey, «Éclat d’une vie» ou lorsque l’écriture cathartique panse les plaies...
Le 3 août 2020, Caroline Torbey publiait un article prônant son attachement viscéral au pays du Cèdre et sa volonté d’y rester envers et contre tout. Ironie du sort, l’explosion du port de Beyrouth a lieu le lendemain et dévaste l’appartement de l’écrivaine, les blessant, elle et son mari, alors qu’ils s’y étaient nouvellement installés, après leurs noces fraîchement célébrées. Ce drame a néanmoins donné naissance à un récit autobiographique intitulé Éclat d'une vie. L’auteure répond aux questions d’Ici Beyrouth.

Quand avez-vous commencé l’écriture de ce témoignage et dans quelles conditions psychiques?


J’ai écrit la première lettre de ce livre six jours exactement après l’explosion sur un bloc-notes de papier qui trainait chez la personne qui nous a hébergés après le drame, mon ordinateur ayant explosé avec ma maison tout entière. Je n’ai pas commencé par le début. C’est le troisième chapitre de l’ouvrage qui raconte ce qui s’est passé à partir de la première détonation qui a été mis en premier sur papier. Je l’ai écrit à chaud, pleine de colère et de rage. J’étais tellement submergée par mes émotions qu’en écrivant, je me souviens m’être rendu compte que je n’arrivais pas à terminer mes phrases et que j’écrivais deux morceaux de phrases en une tellement les idées se bousculaient dans ma tête. J’avais peur de ne pas pouvoir toutes les placer. Alors mon cerveau combinait les mots pour que la phrase contienne toutes les informations que je voulais partager. C’est étrange comme sensation, cela ne m’était jamais arrivé auparavant et a confirmé la nécessité thérapeutique, à mon échelle, d’écrire ce livre.

Est-ce que l’écriture vous a libérée du traumatisme vécu?


Complètement. Le traumatisme crée, en général, une sorte de vulnérabilité chez une personne qui a vécu un événement marquant. Or, le fait d’extérioriser le choc a mis, en ce qui me concerne, cette vulnérabilité sur un autre niveau. Elle est passée d’une «vulnérabilité victimisante» à une «vulnérabilité combattante». À partir du moment où j’ai pu raconter avec mes mots ce que j’avais vécu, ressenti, pleuré ou affronté mais aussi partagé l’injustice devant laquelle je ne voulais plus me plier, je suis devenue combattante, et j’étais décidée à dénoncer l’horreur subie et le calvaire que nous endurons jusqu’à ce jour. J’étais déterminée, à travers ce livre, à apporter une petite pierre à l’édifice qui conduirait vers LE Liban tel que ma génération le conçoit. J’espère que nous y arriverons. Je ne parle pas de politique dans ce témoignage, mais uniquement de l’expérience, quoiqu’un brin romancée, de ce que j’ai vécu, de la réalité qui n’existe que si quelqu’un est là pour la raconter.


Quel message délivrez-vous à ceux dont la vie vole en éclats en une fraction de seconde?


La vie est ainsi faite. Elle est imprévisible, et ce qu’on croit acquis peut basculer du jour au lendemain. Je sous-estimais cette vérité avant, bercée par une insouciance que j’aimerais retrouver. Mais je l’ai bien compris avec Beyrouthshima. Le message que j’aimerais faire passer est qu’en dépit de la douleur ou du désarroi, et même si le destin s’abat parfois avec acharnement, il ne faut jamais renoncer, car il y a toujours une lumière, aussi infime soit-elle, au bout du tunnel. De Gaulle disait que les «emmerdes arrivent toujours en escadrille». Il faut s’y attendre, mais surtout les affronter une par une, trouver la force, puiser au plus profond de soi et se relever. Ce livre est un message d’espoir en lui-même dans lequel, en référence au titre, les éclats de verre se transformeront un jour en éclat de vie. Je vous laisse le lire pour découvrir quel a été mon éclat de vie à moi qui me permet aujourd’hui d’être encore debout et plus déterminée que jamais.

Qui est Caroline Torbey?


De mère française d’origine vietnamo-allemande et de père libanais, Caroline Torbey est une auteure résidant à Beyrouth. Elle est lauréate du Trophée des Français de l’étranger, édition 2018, ainsi que du concours de la nouvelle Georges Sand en 2020 pour ses écrits. Elle est sélectionnée en 2021 par la célèbre fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature qui soutient la publication de son utopie intitulée Si j’avais un Cèdre. Elle a coécrit plusieurs ouvrages et publie régulièrement dans la presse francophone de son pays. Son engagement porte sur l’expansion de la francophonie ainsi que la place de la femme au sein de la société libanaise. Éclat d’une vie est son premier récit autobiographique.

Éclat d’une vie de Caroline Torbey, L'Harmattan, 2021, 136 p.

Infos pratiques
La signature est prévue à la librairie Antoine/Urbanista, ABC Achrafieh, le 30 décembre de 16h à 19h.
Le livre est en vente via ce lien: www.editions-harmattan.fr
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