Qu’elles ont été longues et tristes ces quatre années passées sans le Salon du livre francophone de Beyrouth, moment attendu par les francophiles comme on attend le Messie à Noël. Mais force est de constater qu’entre la pandémie du Covid-19 et la crise économique qui a frappé le Liban, il était quasiment impossible de faire autrement.
C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons accueilli l’idée d’un format inédit, celui d’un Festival international et francophone du livre, organisé par l’Institut français. Nous étions en tout cas preneurs de tout, à force de privations, sur tous les plans de notre quotidien, toute goutte d’eau qui pointait à l’horizon portait la promesse d’une oasis.
Au fur et à mesure que les divers événements de ce festival étaient annoncés, nous avons commencé à perdre la boussole. Nous ne savions plus où donner de la tête et de la plume. Il est indéniable que la présence des quatre académiciens du prix Goncourt – qui ont courageusement dépassé leurs craintes de se rendre quand même au Liban, en dépit des menaces à peine voilées du ministre sortant de la Culture – fut un baume pour nos cœurs endoloris. Oui, l’annonce des quatre finalistes du Goncourt qui a été faite à la Résidence des Pins, dans une salle regorgeant de journalistes libanais et étrangers – puisque cette annonce concerne le monde francophone toutes géographies confondues –, nous a fait l'effet d'une piqûre de morphine venue à point nommé. Bien sûr qu’il nous a été très agréable de converser avec les membres du Jury et d’avoir des apartés avec chacun d’entre eux, mais notre soif de livres n’a pas été assouvie. Loin, très loin de là. Ce format ressemblait à un marathon qui exigeait des déplacements tant les événements étaient décentralisés. Pour une population au budget devenu si serré qu’elle étudie ses courses en voiture au km près, il était quasiment impossible d’assister par exemple à la causerie d’Henry Laurens à Tripoli. Le public concerné par cet événement n’était pas exclusivement tripolitain. D’ailleurs il y a eu six personnes qui s’y sont rendues! L’or noir ayant atteint des prix inabordables pour beaucoup d'entre nous, ceci impacte lourdement l'usage des automobiles. Et les exemples de ce genre de contrainte sont légion.
La liste de nos envies est pourtant bien simple : nous avons viscéralement, profondément, désespérément, besoin d’avoir la possibilité d’acheter des livres. Parce qu’acheter un livre est devenu un luxe et ce luxe ne fait pas partie de la priorité des Libanais. Il fallait peut-être réduire les frais de ce festival, inviter moins d’auteurs, et surtout, faire en sorte que nous puissions, le long d’une semaine, bénéficier à titre d'exemple de 50% de remise sur l’achat des livres et de faire ainsi d’une pierre deux coups : encourager les libraires qui peinent à survivre et faire la joie des lecteurs. Cela fait quatre ans que nous passons par des circuits parallèles qui nous abreuvent de PDF d’ouvrages que nous ne pouvons plus acheter. Ceci nous a mis au ban de l’actualité littéraire, parce qu’il n’y a rien qui vaille le plaisir de tenir un livre entre nos mains.
Ce contact avec le papier et l’idée même de s’approprier un ouvrage, d’y ajouter des annotations (ou pas) est incommensurable. Il y avait aussi beaucoup à faire pour les enfants et les jeunes dont les parents peinent à assurer les fournitures scolaires basiques. Eux aussi ont besoin de lire autre chose que leurs manuels scolaires. Or, durant ce festival, il n’y a eu que du rêve. Il y a eu surtout un renvoi à nos limitations, et pour faire encore plus court, la triste réalité et la frustration de savoir que lorsque le nom du ou de la lauréat(e) du prix Goncourt sera annoncé, son ouvrage ne sera pas à la portée de la majorité des bourses des Libanais francophones. Il y a eu clairement une erreur d’aiguillage involontaire.
Il y va sans dire que l’intention de départ était de contenter un maximum de personnes et d’ouvrir ce festival aux non francophones aussi. Mais les amoureux du Salon du livre francophone de Beyrouth attendaient chacune de ses éditions pour faire le plein de francophonie dans cette bulle-là. Le plein de rencontres avec les auteur-e-s francophones et le plein de livres à acheter et à ramener chez soi.
Merci à l’Institut français pour ce grand acte symbolique, à savoir la présence des quatre membres de l’académie Goncourt, mais force est de constater que nous allons être encore une fois extrêmement frustrés et obligés de nous contenter du système D. Nous n’aurons d’autres choix possibles que celui de passer par les réseaux de piratage pour lire cet opus primé.
Et ça, ça fait très mal au cœur…
Pour conclure sur une note plus positive, il nous reste à espérer - si le Liban est encore là, et la francophonie aussi engagée à ses côtés -, que l'édition de 2023 prendra en compte la liste de nos envies et réajustera le tir au profit du lectorat francophone libanais...
C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons accueilli l’idée d’un format inédit, celui d’un Festival international et francophone du livre, organisé par l’Institut français. Nous étions en tout cas preneurs de tout, à force de privations, sur tous les plans de notre quotidien, toute goutte d’eau qui pointait à l’horizon portait la promesse d’une oasis.
Au fur et à mesure que les divers événements de ce festival étaient annoncés, nous avons commencé à perdre la boussole. Nous ne savions plus où donner de la tête et de la plume. Il est indéniable que la présence des quatre académiciens du prix Goncourt – qui ont courageusement dépassé leurs craintes de se rendre quand même au Liban, en dépit des menaces à peine voilées du ministre sortant de la Culture – fut un baume pour nos cœurs endoloris. Oui, l’annonce des quatre finalistes du Goncourt qui a été faite à la Résidence des Pins, dans une salle regorgeant de journalistes libanais et étrangers – puisque cette annonce concerne le monde francophone toutes géographies confondues –, nous a fait l'effet d'une piqûre de morphine venue à point nommé. Bien sûr qu’il nous a été très agréable de converser avec les membres du Jury et d’avoir des apartés avec chacun d’entre eux, mais notre soif de livres n’a pas été assouvie. Loin, très loin de là. Ce format ressemblait à un marathon qui exigeait des déplacements tant les événements étaient décentralisés. Pour une population au budget devenu si serré qu’elle étudie ses courses en voiture au km près, il était quasiment impossible d’assister par exemple à la causerie d’Henry Laurens à Tripoli. Le public concerné par cet événement n’était pas exclusivement tripolitain. D’ailleurs il y a eu six personnes qui s’y sont rendues! L’or noir ayant atteint des prix inabordables pour beaucoup d'entre nous, ceci impacte lourdement l'usage des automobiles. Et les exemples de ce genre de contrainte sont légion.
La liste de nos envies est pourtant bien simple : nous avons viscéralement, profondément, désespérément, besoin d’avoir la possibilité d’acheter des livres. Parce qu’acheter un livre est devenu un luxe et ce luxe ne fait pas partie de la priorité des Libanais. Il fallait peut-être réduire les frais de ce festival, inviter moins d’auteurs, et surtout, faire en sorte que nous puissions, le long d’une semaine, bénéficier à titre d'exemple de 50% de remise sur l’achat des livres et de faire ainsi d’une pierre deux coups : encourager les libraires qui peinent à survivre et faire la joie des lecteurs. Cela fait quatre ans que nous passons par des circuits parallèles qui nous abreuvent de PDF d’ouvrages que nous ne pouvons plus acheter. Ceci nous a mis au ban de l’actualité littéraire, parce qu’il n’y a rien qui vaille le plaisir de tenir un livre entre nos mains.
Ce contact avec le papier et l’idée même de s’approprier un ouvrage, d’y ajouter des annotations (ou pas) est incommensurable. Il y avait aussi beaucoup à faire pour les enfants et les jeunes dont les parents peinent à assurer les fournitures scolaires basiques. Eux aussi ont besoin de lire autre chose que leurs manuels scolaires. Or, durant ce festival, il n’y a eu que du rêve. Il y a eu surtout un renvoi à nos limitations, et pour faire encore plus court, la triste réalité et la frustration de savoir que lorsque le nom du ou de la lauréat(e) du prix Goncourt sera annoncé, son ouvrage ne sera pas à la portée de la majorité des bourses des Libanais francophones. Il y a eu clairement une erreur d’aiguillage involontaire.
Il y va sans dire que l’intention de départ était de contenter un maximum de personnes et d’ouvrir ce festival aux non francophones aussi. Mais les amoureux du Salon du livre francophone de Beyrouth attendaient chacune de ses éditions pour faire le plein de francophonie dans cette bulle-là. Le plein de rencontres avec les auteur-e-s francophones et le plein de livres à acheter et à ramener chez soi.
Merci à l’Institut français pour ce grand acte symbolique, à savoir la présence des quatre membres de l’académie Goncourt, mais force est de constater que nous allons être encore une fois extrêmement frustrés et obligés de nous contenter du système D. Nous n’aurons d’autres choix possibles que celui de passer par les réseaux de piratage pour lire cet opus primé.
Et ça, ça fait très mal au cœur…
Pour conclure sur une note plus positive, il nous reste à espérer - si le Liban est encore là, et la francophonie aussi engagée à ses côtés -, que l'édition de 2023 prendra en compte la liste de nos envies et réajustera le tir au profit du lectorat francophone libanais...
Lire aussi
Commentaires