Mondial-2022: le football, ou l'illusion d'un sport sans dopage?
©Le footballeur argentin Diego Maradona (à gauche) lors d’un match de la Coupe du monde 1994 opposant l'Argentine et la Grèce le 21 juin 1994 à Boston. AFP/Archives
Depuis le séisme Diego Maradona, contrôlé positif à l'éphédrine lors de la Coupe du monde de football 1994 aux États-Unis, aucun joueur d'une équipe nationale n'a été pris dans les filets de l'antidopage lors d'un Mondial, reflet d'un sport qui semble étrangement épargné par le dopage.

"S'il y avait un problème de dopage dans le football, ça se saurait": voilà comment le président de la Fifa Gianni Infantino, en 2017, résumait le point de vue des instances du football.

Il est d'ailleurs loin d'être le seul à considérer que le dopage n'est pas un sujet, au-delà même des périodes d'exposition comme un Mondial comme celui qui débute dans moins d'un mois au Qatar (20 novembre - 18 décembre).

Son prédécesseur Sepp Blatter, l'ex-président de l'UEFA Michel Platini ou encore des entraîneurs de renom comme Jürgen Klopp, coach de Liverpool ou Vicente del Bosque, l'ex-sélectionneur de l'Espagne, ont tous tour à tour dénié l'existence de dopage dans le football, sport le plus pratiqué au monde, où la dimension athlétique n'a pourtant fait que croître au fil des années.

"Totalement idiot"

"Dire qu'il n'y a pas de dopage dans le football, c'est une absurdité", estime pourtant Jean-Pierre Mondenard, médecin spécialisé dans le sport, auteur de nombreux ouvrages sur le dopage.

"Partout où il y a de la compétition, il y a du dopage. Le football n'échappe pas à la règle", assure-t-il.

Pourtant, les statistiques ne vont pas dans ce sens. En 2020 par exemple, les contrôles de 354 joueuses et joueurs lors de compétitions internationales, n'ont relevé qu'un "résultat atypique" selon la Fifa, "probablement dû à une ingestion de viande contaminée", précise-t-elle. Quelques rares joueurs obscurs se font parfois prendre, comme ces deux internationaux - un Salvadorien et un Djiboutien- suspendus quatre ans par la Fifa en août 2022, ou encore le Costaricien Orlando Galo, peut-être privé de Mondial après qu'un contrôle fin septembre a révélé des traces d'un stéroïde anabolisant... "Mais cela reste infinitésimal par rapport à la masse de joueurs", estime une source proche des instances sportives.

En France, l'Agence française de lutte antidopage (AFLD), sur plus de 1200 contrôles, sanguins et urinaires en 2020, seuls cinq résultats anormaux ont été enregistrés. "Surtout pour usage de cannabis et de corticoïdes", précise Rémy Wallard, chargé des contrôles dans le football pour l'AFLD.

"C'est un sport extrêmement contrôlé, et de façon régulière. Les statistiques révèlent une réalité", assure-t-il.

Pour Rémy Wallard, ce faible nombre de cas de dopage s'explique par "les salaires, qui sont tellement confortables que le risque est beaucoup trop élevé". "Ils peuvent perdre leur contrat, ce serait totalement idiot pour eux de se doper", estime-t-il.

Pour autant, le parfum du dopage a, par le passé, flotté dans l'univers du ballon rond.


En 1997, l'ex-sélectionneur des Bleus qui allait devenir champions du monde, Aimé Jacquet, avait hurlé au complot après un contrôle inopiné à Tignes lors du stage de préparation.

Des années plus tard, le médecin de l'équipe de France Jean-Pierre Paclet révèlera dans un livre que certaines analyses de sang réalisées lors de ce contrôle surprise contenaient des "anomalies". Une époque ou Zinédine Zidane et Didier Deschamps évoluaient à la Juventus Turin, dont la perquisition par la police italienne en 1998 avait débouché sur la découverte d'une pharmacopée digne d'un hôpital.

Le procès qui avait suivi avait débouché sur l'acquittement du médecin du club pour vice de forme.

Affaire Puerto

Plusieurs grands clubs espagnols avaient également été éclaboussés par l'affaire de dopage dite "Puerto", sortie au milieu des années 2000. L'ancien médecin Emiliano Fuentes, personnage central de cette affaire, qui travaillait officiellement avec certains clubs de moyenne envergure en Espagne, a d'ailleurs récemment révélé avoir été en contact informel ou avoir conseillé certains grands clubs. Mais finalement, seul un sentiment de soupçon avait entouré le foot espagnol, rien d'autre.

"Avant les années 2000, la lutte antidopage, c'était le Moyen-âge", estime Rémy Wallard.

Et aujourd'hui? "Il ne faut pas être d'une intelligence supérieure pour comprendre que le jeu c'est de prendre des substances non décelables, ou alors des substances que les laboratoires ne cherchent pas. Les vrais pros de la dope ne se font pas prendre", assure Jean-Pierre Mondenard.

"Il y a des substances de production d'oxygène (comme l'EPO) non décelables. Et puis au fil des années, les techniques se sont affinées, avec du micro dosage, indétectable", estime le docteur Mondenard.

La liste des produits interdits de l'Agence mondiale antidopage (AMA), actualisée chaque année, comporte des failles selon lui.

"Prenez la caféine, interdite de 1982 à 2004. Une étude récente a démontré les effets dopants sur les footballeurs. Pourquoi l'AMA ne remet-elle pas la caféine sur la liste des interdits?", s'interroge le médecin.

Un produit "qui reste cependant dans le programme de surveillance de l'AMA", a précisé à l'AFP l'agence qui, questionnée sur les raisons des faibles cas de dopage dans le football, a préféré botter en touche du côté de la Fifa.

Avec AFP
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