Marjane Satrapi: ôde à la «révolution» iranienne
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Marjane Satrapi, célèbre autrice franco-iranienne connue pour sa BD "Persépolis" sur sa jeunesse dans la République Islamique des années 1980, est à l'initiative d'un clip publié mercredi en soutien à ce qu'elle appelle la "révolution" en cours en Iran.

L'autrice de BD franco-iranienne Marjane Satrapi, née en 1969 dans ce qui était encore l'État impérial d'Iran,  est à l'origine d'un clip publi´2 ce mercredi avec un collectif de personnalités chantant en persan. "Il n'y a rien de pire que de ne rien faire!", s'exclame la célèbre autrice de BD et réalisatrice franco-iranienne dans une interview à l'AFP à Paris, où elle habite et travaille. "J'ai vu plein de trucs critiquant les actrices qui se coupaient une mèche" en soutien au mouvement en Iran, relève la créatrice de "Persépolis" (adaptée au cinéma) ou "Poulet aux Prunes". "En soi, on peut critiquer tout. Mais au moins, on fait quelque chose. Il n'y a rien de pire au monde que l'indifférence".

 



 
"40 ans après"

Pourtant, comment s'engager pour son pays natal quand on n'a pas pu y mettre les pieds depuis deux décennies? Comment soutenir des adolescents qui manifestent au péril de leur vie, quand on a passé la cinquantaine, et qu'on vit à Paris? Marjane Satrapi confie avoir eu besoin de temps pour répondre à ces questions. Avant de fédérer plusieurs bonnes volontés et se décider à tourner une version de la chanson "Baraye", l'un des symboles du mouvement, mise en ligne mercredi sur les réseaux sociaux.

À l'écran, sur un arrangement de Benjamin Biolay, les interprètes s'appellent Camille Cottin, Chiara Mastroianni, Yael Naim ou encore Hugo Becker et Harry Roselmack, et chantent dans un persan phonétique. "Je me suis dit, il faut que les Français chantent en persan, parce que c'est un message qu'on envoie aux Iraniens. Il n'y a rien de plus touchant que quelqu'un qui essaie de te parler dans ta langue".

Marjane Satrapi, qui compte monter une association pour recueillir des fonds pour les dissidents, a tenu à ce que le casting soit mixte: "Il y a plein de garçons là-bas qui se font tuer! Ce truc de nous, entre femmes, on va sauver le monde, ça ne marche pas!", s'exclame-t-elle, soulignant que "toute la beauté du mouvement iranien" est "d'avoir été initié par les femmes et rejoint par les hommes". Le clip utilise aussi quelques images de "Persépolis", son œuvre autobiographique, rappel amer que la répression est toujours sanglante en Iran, "40 ans après".

 

Marjane Satrapi est surtout connue pour sa bande-dessinée "Persepolis", adaptée au cinéma en 2007, qui raconte sa jeunesse avant, pendant et après la Révolution islamique d'Iran de 1979.


 

 
Une "révolution"

Depuis le début des manifestations, Marjane Satrapi, l'un des visages de l'Iran en France, a eu une parole assez rare. "Je ne suis pas retournée en Iran depuis 22 ans maintenant, qu'est ce que je vais aller parler pour eux, je ne suis pas représentante de la jeunesse iranienne!", s'est-elle dit. "Aller faire partout mon intéressante pour parler au nom" du peuple iranien, "socialement, ça aurait été super, genre Marjane Satrapi la passionaria iranienne... Mais totalement indécent", ironise-t-elle.

Comme beaucoup d'exilés, elle s'était aussi habituée à "enterrer une moitié d'elle-même" et moins évoquer son pays natal, pour échapper au destin des "vieux schnocks de la diaspora qui imaginent que rien n'a changé depuis leur départ". Elle a cependant été convaincue que les marques de soutien sont cruciales par de multiples appels en visio avec des manifestants sur place, quand le réseau fonctionne.

 

Outre "Persépolis", Marjane Satrapi a également produit des long-métrages, tels "The Voices"

 

Et même si elle ne pense pas qu'un clip pourra "changer les choses", l'ancienne élève du Lycée français de Vienne et des Arts déco de Strasbourg reste optimiste. "Le barrage est en train de céder", et la "révolution", comme Marjane Satrapi la qualifie, ira jusqu'au bout. Au point que celle qui pensait ne jamais revoir l'Iran de son vivant, se prend à rêver d'un autre futur.

"Comme je suis un peu morbide, j'ai fait un testament", confie-t-elle dans un sourire: "Je me disais que même si ne peux plus rentrer dans mon pays, il faudrait m'y enterrer, pour que la boucle soit bouclée. Maintenant, je me vois à nouveau sillonner les rues de Téhéran, la ville la plus moche et la plus belle de la Terre à la fois".

Maxime Pluvinet avec AFP
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