Le sort du Liban se décide à Téhéran
Il est vrai que la République islamique d’Iran contrôle et domine quatre capitales arabes, mais il est tout aussi vrai qu’elle est incapable d’y entreprendre la moindre démarche positive, que ce soit à Bagdad, Damas, Beyrouth ou Sanaa. Et pour cause: le problème fondamental se trouve à Téhéran même et pas ailleurs…

La destruction et le chaos règnent aujourd’hui en maîtres en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen. Un changement est-il possible en Iran pour qu’il y ait un peu d’espoir en un retour à la vie normale dans un pays comme le Liban ? Ou bien tout pari sur une amélioration, aussi élémentaire fusse-t-elle, est-il perdu ? Faut-il considérer que le Liban que nous avons connu appartient désormais au passé ?

Dans un pays comme le Liban, il est difficile de parier sur un avenir meilleur, quel qu’il soit. Il est une réalité qu’il ne faut pas dépasser dans un pays qui a perdu toutes ses références politiques, maintenant que l’Iran décide lui-même qui sera le président de la République libanaise. Plus encore, Téhéran contrôle le gouvernement libanais. Il décide s’il y a lieu de former un gouvernement et s’il est possible pour ce gouvernement de se réunir ou pas.

Aucun changement au Liban n’est possible tant que la République islamique tient en mains tous les leviers du pouvoir dans le pays, résultats d’efforts soutenus et qui perdurent depuis de longues années. Ces efforts ont été couronnés par l’élection de Michel Aoun à la présidence de la République. Cela n’est pas venu du vide, mais d’une série de coups de force et d’assassinats s’inscrivant dans le cadre d’une campagne dont les effets commencent à apparaître avec l’entrée du “mandat fort” dans sa sixième et dernière année, - du moins en vertu de la Constitution.

Pour la 16e commémoration de l’assassinat de Gebran Tuéni, la scène locale est témoin d’un événement peu ordinaire qui reflète le coup de force effectivement opéré au Liban: les poursuites judiciaires contre l’ancien député Farès Souhaid sur base d’une plainte déposée contre lui par le Hezbollah. Il n’existe pas le moindre papier dans le dossier de l’enquête sur l’assassinat de Gebran Tueni. Par contre, tous les documents requis sont là dans la plainte contre Farès Souhaid.


Il est plus que jamais nécessaire qu’un grand changement définitif ait lieu au Liban, à l’heure où il est interdit de mener une enquête en profondeur dans un crime de l’ampleur de celui de l’explosion du port de Beyrouth. Il est clair que le juge d’instruction Tarek Bitar n’a pas le droit de poser les questions réelles relatives à la partie qui a stocké le nitrate d’ammonium dans l’un des hangars du port. Il n’est pas permis non plus, naturellement, de savoir qui protégeait ce hangar et qui avait la possibilité d’en retirer des quantités de nitrate d’ammonium de temps à autre pour que ce dernier soit utilisé afin de bombarder le peuple syrien.

Dans la dernière année du relais entre l’occupation syrienne et l'occupation iranienne, en peu de temps, Téhéran a remporté deux victoires par le biais du Hezbollah, en remplissant d’abord le vide sécuritaire et militaire laissé par Damas à Beyrouth et ensuite à travers la guerre de juillet 2006, qui a débouché sur une victoire du parti chiite contre le Liban, prélude aux invasions subséquentes de Beyrouth et de la Montagne en mai 2008.

L’an 2022 devrait être celui où l’Iran parachèvera sa victoire sur le Liban. Il n’est pas exclu que l’année qui commence dans quelques semaines soit celle du vide à tous les niveaux, à commencer par la présidence de la République. L’année aussi qui consacrera l’isolement arabe du Liban, à moins qu’un grand changement se produise en Irak même.

L’état du Liban est désespérant. Au point qu’il n’y a plus aucune issue à la crise abyssale qu’il traverse autre qu’un événement régional qui modifierait les rapports de force. Un tel événement ne peut être qu’iranien. Une fois de plus, le problème est à Téhéran, et nulle part ailleurs. C’est là-bas, à Téhéran, que réside le problème du Liban et que ce décide son sort.
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