Toufiluk : Je me suis fait confisquer mon passeport pour du sarcasme et de l’humour !
Elie Ziadé et Tylia El Helou

Le jeune humoriste Toufic Braidy connu sur les réseaux sociaux sous le nom de " Toufiluk ", résident à Londres, a été brièvement interpellé à l’AIB dès son retour à Beyrouth lundi soir et son passeport a été confisqué par la Sûreté générale pour " atteinte à la présidence de la République ".
Dans un entretien exclusif, Toufic « luk » Braidi dévoile à Ici Beyrouth les péripéties de son arrivée, la confiscation de son passeport et confie qu’il n’est pas serein quant au motif de cette affaire, avant de se présenter mercredi au siège de la Sûreté générale, à 9h.

Ici Beyrouth : Que s’est-il passé lundi soir ?
Toufic Braidi : A 18h30, nous atterrissons à Beyrouth en provenance de Londres. Je sors en premier de l’avion et je suis donc la première personne à passer aux douanes. Au moment où le douanier fait passer mon passeport dans le système, un X apparaît sur l’écran. Il décide de retenter la procédure, en cas de problème informatique, mais au deuxième passage, un X apparaît à nouveau. Il se retrouve obligé de me prendre chez son responsable, dans un minuscule bureau encombré de personnes qui ne respectaient aucune mesure anti Covid-19. J’ai évidemment refusé de rentrer et malgré leurs regards méprisants, ils ont accepté que j’attende dehors. Alors que les autres passagers commençaient à affluer dans la salle des douanes, qu'ils me voyaient debout à la porte du bureau de la Sûreté générale et se demandaient ce qui se passait, l’officier a reçu un fax de son quartier général. Ce n’était qu’un simple papier presque vierge où il était simplement écrit « Confiscation des documents de Toufic Nazih Braidy » avec ma date et lieu de naissance ainsi qu’un tampon officiel et une signature. Il n’y figurait ni motif ni date d’émission. Je n’avais même pas été notifié auparavant, ni à Londres, ni à Beyrouth, d’une quelconque convocation ou plainte à mon encontre. Je contacte immédiatement mes proches et un avocat avant qu’un officier haut gradé ne vienne m’annoncer que cet ordre a été émis depuis plus de quatre mois, et m’explique que le motif serait que j’ai porté atteinte à la présidence de la République sur les réseaux sociaux. Mardi matin, mon avocat s’est rendu à la Sûreté générale et nous avons pu comprendre que l’affaire reposait sur deux « méfaits » : atteinte au passeport libanais et atteinte à la présidence de la République.


IB: Ces accusations sont-elles fondées ?
TB : Est-ce que j’ai fait des blagues avec mon passeport et en mentionnant le président ?! Oui ! Je fais des blagues sur les réseaux sociaux et tout le monde sait que c’est de l’humour et du sarcasme. J’ai fait un sketch en juin dernier avec mon passeport libanais. J’ai également fait une blague où je me fais passer pour le fils du président Michel Aoun et j’ai fabriqué des photos de famille avec lui. Mais toute personne qui voit ces petites vidéos et « stories » comprend très clairement que ce n’est que de l’humour et de la comédie. Je me moque de tout le monde sur internet, et Michel Aoun n’est pas une exception. La seule limite que je me pose est celle de la religion, parce que mes croyances personnelles ne me le permettent pas. Mais pour moi, sur Terre, nous sommes tous égaux, et même ceux qui occupent une position officielle doivent s’attendre à des critiques. Ils ne pensent même pas que tout le monde les aime ?!

IB : Quelles seront les prochaines étapes et comment te sens-tu ? Est-ce que tu as peur ?
TB : Pour être honnête, j’ai un mauvais pressentiment et je pense que l’affaire est plus grande qu’elle n’en a l’air parce que le fax reçu me paraissait louche. Un des militaires présents dans les bureaux de la Sûreté générale était surpris, et m’a avoué que c'était la première fois qu’ils recevaient un papier de ce genre de leur hiérarchie. D’ailleurs, c’est lui qui m’a fait remarquer l’absence de la date d’émission. J'aurais pu donc me faire arrêter à n’importe quel moment. Je ne sais pas ce qui va se passer demain, je vais me présenter à 9h du matin et on verra. L’avocat me dit qu’au pire je me ferais arrêter et que dans le meilleur des cas je devrais signer un engagement à ne plus porter atteinte au président de la République.

 
Commentaires
  • Aucun commentaire