Le président tunisien Kais Saied s'est attiré un déluge de critiques mardi après sa décision de prolonger d'un an le gel du Parlement, ses opposants y voyant une nouvelle dérive autoritaire à trois jours du 11e anniversaire de la révolte ayant renversé la dictature.
En pleine crise socio-économique et sanitaire et après des mois de blocage politique, M. Saied, élu au suffrage universel fin 2019, a invoqué le 25 juillet 2021 un "péril imminent" pour limoger le Premier ministre soutenu par Ennahdha, suspendre les activités du Parlement et reprendre en main le pouvoir judiciaire.
Les ambassadeurs des pays membres du G7 et de l'Union européenne (UE) en Tunisie appelé vendredi à un retour "rapide" aux institutions démocratiques.
Si M. Saied, qui se targue d'un important soutien au sein d'une opinion publique exaspérée par les blocages et la corruption, conçoit le calendrier dévoilé lundi comme une feuille de route pour tourner la page de la crise, ses opposants l'accusent de chercher à prolonger son monopole du pouvoir.
"Son discours peut se résumer ainsi: je suis l'Etat, je suis le président, je suis le gouvernement, je suis la justice, je suis la commission électorale, je suis le peuple, je suis le prophète infaillible", a réagi sur sa page Facebook le député d'opposition Hichem Ajbouni.
M. Saied a fait savoir que les amendements qu'il entend soumettre à référendum seraient la synthèse de propositions élaborées à la faveur de "consultations populaires" à mener à partir du 1er janvier sur des plateformes électroniques dédiées.
Pour le député Samir Dilou, ex-membre d'Ennahdha, "Saied va lancer un référendum électronique susceptible de faire de la Tunisie un objet de risée".
Son discours "traduit l'état de déni dans lequel il vit et son refus d'écouter qui que ce soit", a-t-il ajouté dans une interview au quotidien Assabah.
M. Saied "semble déterminé à mener à bien son projet politique, faisant fi des pressions à la maison et de l'étranger", a dit à l'AFP l'analyste Slaheddine Jourchi. "Il essaye de couper l'herbe sous les pieds de ses opposants en annonçant un calendrier avec des dates précises."
Son discours est intervenu en effet quelques jours avant des manifestations prévues par ses opposants, mais aussi ses partisans, le 17 décembre, jour de célébration du 11e anniversaire de la révolte qui a chassé du pouvoir Zine el Abidine Ben Ali et donné le coup d'envoi au Printemps arabe.
"Le gros problème réside dans le fait qu'il va continuer à gouverner par décrets. Son conflit politique avec ses opposants va s'aggraver", selon M. Jourchi.
Le discours présidentiel a suscité des réactions mitigées dans la rue.
"C'est important de mettre les choses sur la voie constitutionnelle et juridique et de les lier à un calendrier. Mais concernant les sujets actuels comme l'emploi, la pauvreté, la marginalisation et la poursuite en justice de ceux qui ont commis des crimes contre le pays, son discours en est encore loin", a confié à l'AFP Nizar ben Ahmida, un professeur de 37 ans.
"J'ai retenu le fait qu'il y aura des élections le 17 décembre 2022. Je pense que c'est trop loin. Il est en train de gagner du temps", a estimé un autre Tunisois, Nidhal, 35 ans.
Le chef de la puissante centrale syndicale tunisienne (UGTT), Noureddine Taboubi, a relevé devant la presse que le discours de M. Saied était "dépourvu de vision pour les orientations économiques et sociales".
Et d'ajouter: "nous avons soutenu ses annonces du 25 juillet (dernier), mais nous ne lui avons pas donné un chèque en blanc".
AFP
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