©Un groupe de migrants secourus au large des côtes libyennes, le 9 février 2020. (AFP / PABLO GARCIA)
Le président de SOS MEDITERRANEE François Thomas a répondu aux questions d’Ici Beyrouth. L’association s’active à secourir les personnes en détresse dans les eaux internationales. Pour 2021, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) dénombre 1340 victimes en Méditerranée centrale, chiffre le plus élevé depuis 2017.
Créée en 2015, SOS MEDITERRANEE est une association civile européenne de sauvetage en mer et constituée de citoyens mobilisés face à l’urgence humanitaire en Méditerranée.
Depuis 2014, plus de 22 000 personnes ont péri en mer Méditerranée, d’après les données
de l’Organisation Internationale des migrations. Marin de formation et ancien capitaine de navire, le président de l’ONG François Thomas a répondu aux questions d’Ici Beyrouth.
Marin de formation et ancien capitaine de navire, le président de l’ONG François Thomas a répondu aux questions d’Ici Beyrouth. (Photo fournie par SOS MEDITERRANEE)
Ici Beyrouth - Comment se déroule les missions de sauvetage en mer de SOS Méditerranée et quels sont les obstacles rencontrés ?
François Thomas: Nous réalisons nos missions avec l’Ocean Viking, un navire qui navigue en Méditerranée centrale car c’est la route la plus mortelle du monde. Le navire a été adapté avec une clinique et les équipements qu’il faut. Nous avons un partenariat avec la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge FICR. Nous patrouillons dans les eaux internationales, et non dans les eaux libyennes, dans des zones dites de « search and research » (recherche et sauvetage). Dans ces zones, contrairement à ce qu’il se passe ailleurs dans le monde, il n’y a pas de coordinations. Les garde-côtes libyens ne font pas le travail tel qu’il est prévu par les conventions internationales, notamment par la Convention SAR de Hambourg de 1979. Il y a un travail de veille visuelle mais nous recevons aussi des appels de détresse, via la plateforme Alarm phone.
Jeudi dernier, nous avons sauvé 114 personnes, sur une embarcation pneumatique. Dans de telles conditions ils ne seraient pas allé très loin. Ils étaient à 60 kilomètres des côtes et nous avons dû les chercher pendant 11 heures, sans aucune coordination. C’est donc une veille quotidienne, au radar, aux jumelles, parfois avec des avions d’autres ONG qui nous aident. La zone à couvrir est immense. Les garde-côtes libyens ne répondent pas à nos appels mais font de leur côté de très nombreuses interceptions. Les migrants sont renvoyés en Libye et placés dans des centres de détention où les violations des droits de l’homme sont monnaie courante. Le trafic d’être humain est un cercle vicieux. Ces personnes nous disent qu’elle préfèrent mourir en Méditerranée plutôt que de mourir en Libye.
Il y a trois zones à couvrir, la zone orientale près de la Turquie et de la Grèce, la zone centrale où nous intervenons près de la Libye et la zone près de Gibraltar où les autorités espagnoles interviennent. Les traversées depuis la Tunisie vers l’Italie se font sur une distance assez courte. Les arrivées de Libye vers l’Italie sont majoritairement des échecs vu les conditions de navigation, c’est pour ça qu’il y a autant de décès.
IB - Alors que les drames en haute-mer se multiplient, observez-vous un durcissement des mesures contre les migrants ?
F. T. - Il n’y a pas de politique de coordination claire. L’Europe a retiré tous les moyens depuis quelques années. Il y a eu l’opération Mare Nostrum en 2014, mise en place par les autorités italiennes, mais le principal problème qu’il y a aujourd’hui est que l’Italie est livrée à elle-même. Nous déplorons nous-même des jours d’attente beaucoup trop longs pour avoir le droit de débarquer les personnes rescapées en Italie. Ce qui manque aujourd’hui, c’est une solidarité européenne, pour qu’il y ait une répartition de ces personnes secourues. C’est ce que nous demandons depuis longtemps : un système pérenne et solidaire.
Nous sommes très vigilants de respecter le droit international. Un sauvetage est réussi lorsque les personnes sont débarquées dans un lieu sûr. Or, la Libye ne l’est pas : les instances internationales et la Commission européenne le reconnaissent elles-mêmes. Quand on nous ordonne de débarquer en Libye, on n’explique ce n’est pas possible. Ensuite, les autorités italiennes prennent le relai et nous donne l’autorisation. Les autorités maltaises pour leur part ne répondent que rarement.
IB - Qui sont les personnes secourues et quels sont concrètement les motifs de leur exil ?
F. T. - SOS MEDITERRANEE à trois missions : le sauvetage en mer, la protection des personnes à bord, et le témoignage. Les motifs qui les poussent à quitter l’enfer libyen sont nombreux. Ce qu’il se passe dans ce pays est abominable, des cas de viols, de torture et d’esclavage sont régulièrement rapportés. Ces personnes y sont arrivé pour chercher du travail mais se font en réalité exploiter. Elles n’ont plus d’autres choix que de traverser la mer. Sur les 114 personnes sauvées, il y a de nombreux mineurs non accompagnés, des enfants, des nouveau-nés. Ils viennent principalement d’Afrique sub-saharienne, d’Érythrée et du Soudan.
Ces témoignages sont essentiels car il faut rappeler cette tragédie et changer le regard face aux fausses informations qui circulent. Le sauvetage en mer coûte cher et il est important d’y contribuer. Les dons peuvent être versés sur le site de l’association. Le taux de mortalité augmente dans la zone où nous opérons. Depuis 2014, l'OIM dénombre 23000 morts, sur l’ensemble de la Méditerranée.
Créée en 2015, SOS MEDITERRANEE est une association civile européenne de sauvetage en mer et constituée de citoyens mobilisés face à l’urgence humanitaire en Méditerranée.
Depuis 2014, plus de 22 000 personnes ont péri en mer Méditerranée, d’après les données
de l’Organisation Internationale des migrations. Marin de formation et ancien capitaine de navire, le président de l’ONG François Thomas a répondu aux questions d’Ici Beyrouth.
Marin de formation et ancien capitaine de navire, le président de l’ONG François Thomas a répondu aux questions d’Ici Beyrouth. (Photo fournie par SOS MEDITERRANEE)
Ici Beyrouth - Comment se déroule les missions de sauvetage en mer de SOS Méditerranée et quels sont les obstacles rencontrés ?
François Thomas: Nous réalisons nos missions avec l’Ocean Viking, un navire qui navigue en Méditerranée centrale car c’est la route la plus mortelle du monde. Le navire a été adapté avec une clinique et les équipements qu’il faut. Nous avons un partenariat avec la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge FICR. Nous patrouillons dans les eaux internationales, et non dans les eaux libyennes, dans des zones dites de « search and research » (recherche et sauvetage). Dans ces zones, contrairement à ce qu’il se passe ailleurs dans le monde, il n’y a pas de coordinations. Les garde-côtes libyens ne font pas le travail tel qu’il est prévu par les conventions internationales, notamment par la Convention SAR de Hambourg de 1979. Il y a un travail de veille visuelle mais nous recevons aussi des appels de détresse, via la plateforme Alarm phone.
Jeudi dernier, nous avons sauvé 114 personnes, sur une embarcation pneumatique. Dans de telles conditions ils ne seraient pas allé très loin. Ils étaient à 60 kilomètres des côtes et nous avons dû les chercher pendant 11 heures, sans aucune coordination. C’est donc une veille quotidienne, au radar, aux jumelles, parfois avec des avions d’autres ONG qui nous aident. La zone à couvrir est immense. Les garde-côtes libyens ne répondent pas à nos appels mais font de leur côté de très nombreuses interceptions. Les migrants sont renvoyés en Libye et placés dans des centres de détention où les violations des droits de l’homme sont monnaie courante. Le trafic d’être humain est un cercle vicieux. Ces personnes nous disent qu’elle préfèrent mourir en Méditerranée plutôt que de mourir en Libye.
Il y a trois zones à couvrir, la zone orientale près de la Turquie et de la Grèce, la zone centrale où nous intervenons près de la Libye et la zone près de Gibraltar où les autorités espagnoles interviennent. Les traversées depuis la Tunisie vers l’Italie se font sur une distance assez courte. Les arrivées de Libye vers l’Italie sont majoritairement des échecs vu les conditions de navigation, c’est pour ça qu’il y a autant de décès.
IB - Alors que les drames en haute-mer se multiplient, observez-vous un durcissement des mesures contre les migrants ?
F. T. - Il n’y a pas de politique de coordination claire. L’Europe a retiré tous les moyens depuis quelques années. Il y a eu l’opération Mare Nostrum en 2014, mise en place par les autorités italiennes, mais le principal problème qu’il y a aujourd’hui est que l’Italie est livrée à elle-même. Nous déplorons nous-même des jours d’attente beaucoup trop longs pour avoir le droit de débarquer les personnes rescapées en Italie. Ce qui manque aujourd’hui, c’est une solidarité européenne, pour qu’il y ait une répartition de ces personnes secourues. C’est ce que nous demandons depuis longtemps : un système pérenne et solidaire.
Nous sommes très vigilants de respecter le droit international. Un sauvetage est réussi lorsque les personnes sont débarquées dans un lieu sûr. Or, la Libye ne l’est pas : les instances internationales et la Commission européenne le reconnaissent elles-mêmes. Quand on nous ordonne de débarquer en Libye, on n’explique ce n’est pas possible. Ensuite, les autorités italiennes prennent le relai et nous donne l’autorisation. Les autorités maltaises pour leur part ne répondent que rarement.
IB - Qui sont les personnes secourues et quels sont concrètement les motifs de leur exil ?
F. T. - SOS MEDITERRANEE à trois missions : le sauvetage en mer, la protection des personnes à bord, et le témoignage. Les motifs qui les poussent à quitter l’enfer libyen sont nombreux. Ce qu’il se passe dans ce pays est abominable, des cas de viols, de torture et d’esclavage sont régulièrement rapportés. Ces personnes y sont arrivé pour chercher du travail mais se font en réalité exploiter. Elles n’ont plus d’autres choix que de traverser la mer. Sur les 114 personnes sauvées, il y a de nombreux mineurs non accompagnés, des enfants, des nouveau-nés. Ils viennent principalement d’Afrique sub-saharienne, d’Érythrée et du Soudan.
Ces témoignages sont essentiels car il faut rappeler cette tragédie et changer le regard face aux fausses informations qui circulent. Le sauvetage en mer coûte cher et il est important d’y contribuer. Les dons peuvent être versés sur le site de l’association. Le taux de mortalité augmente dans la zone où nous opérons. Depuis 2014, l'OIM dénombre 23000 morts, sur l’ensemble de la Méditerranée.
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