Les fêtes de fin d’année approchent à grands pas. Dans un pays où la population est accablée par une crise sans précédent, une inflation supérieure à 150%, et une instabilité politique, les ONG et petites initiatives redoublent d’efforts pour combler les déficiences officielles au niveau humanitaire et venir en aide aux personnes dans le besoin.

Ici Beyrouth est allé à la rencontre de ces bienfaiteurs de l’ombre pour comprendre leur mode opératoire, ainsi que les défis auxquels ils font face au quotidien.

Cap sur le Metn, à la Conférence de Mansourieh de Saint-Vincent de Paul. Une magnifique bâtisse résidentielle surplombe une vallée verdoyante qui accentue la sérénité des lieux. «Vous êtes au bon endroit», s’exclame un vieillard dès qu’il repère le matériel photo. «Ici, c’est l’association Saint-Vincent de Paul. Ils distribuent de la nourriture et des aides. Prenez ces escaliers et vous serez dans leurs locaux», poursuit-il.

Un sac rempli de Tupperware à la main, une dame d’un certain âge descend lentement les nombreuses marches, au bout desquels une pancarte porte le nom «Saint Vincent de Paul, Conférence de Mansourieh», ainsi que des explications et des numéros de téléphones.

«Bienvenue, entrez, entrez. Nous vous attendions», s’exclame Georgette Saad Geha, présidente de la Conférence. Dans le sous-sol, quinze femmes volontaires de plus de soixante ans, s’activent. Une fois par semaine, elles se consacrent à la cuisine pour nourrir plus de 100 personnes démunies dans la région. Entourées de casseroles géantes pleines à craquer, elles se divisent les tâches pour optimiser leur rendement.

«Nous nous occupons des régions de Mansourieh, Aïn Saadé, Beit Mery, Daychounié, Mkallès et alentours», précise la directrice qui explique le sens du mot Conférence en désignant les locaux: «Une conférence est le terme utilisé par l’organisation pour qualifier différents bureaux responsables d’un secteur spécifique. Ici, nous couvrons une grande partie du Metn et du Mont-Liban».

Un tour dans la cuisine s’impose. «Nous préparons pour cette semaine du riz au poulet que nous distribuerons aux familles que nous aidons. Nous essayons autant que possible de bien garnir nos plats et d’offrir la meilleure qualité à nos bénéficiaires, parce que nous ne voulons pas que ces derniers sentent qu’il s’agit d’une charité. Ces personnes sont devenues comme des membres de nos familles. Nous nous sentons responsables d’elles», commente la directrice. Un dessert est également distribué avec le plat du jour, ainsi qu’une salade de temps à autre. Des paquets de pain sont également fournis.

«D’autres conférences distribuent en boîtes individuelles une portion pour chaque personne. Nous fournissons des boîtes contenant des portions égales au nombre de personnes dans chaque famille. Par exemple, une famille de quatre personnes reçoit une boîte contenant une portion qui nourrit quatre personnes. Nous agissons de la sorte pour en économiser le prix et demandons à nos bénéficiaires de ramener les boîtes réutilisables pour les remplir de nouveau», ajoute Mme Saad Geha.

Les moyens du bord

«Vous êtes dans ma maison. Nous n’avons pas de budget pour le moment pour louer un local plus grand, mais nous nous débrouillons quand même avec les moyens du bord», poursuit-elle. Une question s’impose: Comment arrivez-vous à vous financer ? Mme Saad Geha explique que les matières premières, tel le poulet et les filets de poisson sont fournis par l’ONG Saint Vincent de Paul, alors que le riz ainsi que les garnitures, la viande hachée, les légumes sont achetés par les membres de cette conférence qui les payent elles-mêmes.  «Nous nous sentons responsable vis-à-vis de ces personnes, et ceci est notre manière de participer à l’initiative», affirment les volontaires.

Chaque femme est responsable d’un nombre spécifique de familles auxquelles elles distribuent la nourriture. Certains individus sont dans l’incapacité de se déplacer pour des raisons de santé ou de mobilité.

Cuisiner pour les familles démunies n’est pas la seule activité de la conférence. Des colis alimentaires sont également distribués une fois chaque deux mois, ainsi que d’autres contenant des produits de nettoyage et d’hygiène.

Pour optimiser leur travail, les responsables des différentes Conférences ont essayé de s’organiser en réseau, mais cela n’a pas réussi pour le moment. «En attendant, nous visitons régulièrement les bénéficiaires. Nous connaissons leurs besoins et cela nous permet d’être certains que nos aides vont aux bonnes personnes», raconte Mme Saad Geha.

L’un des défis que rencontre la Conférence de Mansourieh est de rajeunir son équipe de volontaires, ce qui l’a poussée à signer une convention avec sa consoeur de Dekouané, dont les volontaires, plus jeunes, multiplient les initiatives pour collecter des produits alimentaires.

La Conférence se démène actuellement pour organiser son événement de Noël. Au programme: une fête au local pour les jeunes, accompagnée d’un dîner de chez MacDonald, de l’animation ainsi qu’une distribution de cadeaux. Pour les familles, une distribution des ingrédients d’un menu de fêtes. «Nous voulons que les familles cuisinent chez elles pour que l’odeur de la nourriture et l’esprit de la fête s’imprègnent dans la mémoire des enfants», conclut la présidente du groupe qui invite toute personne à participer à leurs activités, ou à offrir un soutien financier ou alimentaire. Pour cela, il est possible d’appeler Georgette Saad Geha au 03-588149

«Ouvrier dans ta moisson»

Une autre initiative s'active pour aider les personnes dans le besoin, dans la région de Baabda. «Ouvrier dans ta moisson» a été fondée en 2021 par Marie-Noël Cherfane, une assistante socio-médicale de formation, également professeur à temps partiel à l’Université La Sagesse, où elle enseigne un cours de pastorale sociale.

Chrétienne et très pratiquante, Marie-Noel Cherfane n’a pas supporté de rester les bras croisés dans un pays qui s’effondre. «Les libanais sont au fond du gouffre. Le pouvoir d’achat a chuté», confie-t-elle. La veille de Pâques 2021, l’idée de créer une initiative pour aider les personnes lui vient à l’esprit. Elle décide de tourner une vidéo dans laquelle elle explique le besoin de contribuer à un changement dans le pays. La vidéo devient virale, notamment en Italie grâce à une connaissance de Mme Cherfane: Sœur Abir Hanna, qui réside à Pennabilli. La  somme de 800 euros récoltée permet à Mme Cherfane de lancer son initiative.

Le premier projet d' «Ouvrier dans ta moisson», un nom inspiré de Pâques, porte sur la création d’une «chaîne d'amour composée d’individus qui désirent parrainer des enfants ou des familles», raconte la fondatrice.


Ce programme qu’elle nomme «Témoins de la Résurrection», en référence à la nuit où tout a commencé, comporte quatre sous-projets qui couvrent les régions de Hadeth, Bleibel, Houmel, Jdeidé, Furn el-Chebbak, Aïn Saadé, Antounieh et la région de Chiyah englobant des personnes de différentes confessions.

Ces projets ont été financés jusqu’à ce que les donateurs décident de transférer tous les fonds aux bourses scolaires. En 2021, 16 enfants ont bénéficié d’aides d’un montant total de 32 millions de livres libanaises, couvrant ainsi la totalité de leurs écolages.

Cette année, la situation se présente plus difficilement pour Mme Cherfane. Avec l’inflation et les frais de scolarité qui sont réglés partiellement en dollars américains frais, l’initiative est capable de soutenir seulement huit écoliers. Chaque 2 mois, ces derniers reçoivent 50 dollars pour couvrir la partie de leur écolage en dollars frais. Pour ce qui est de la partie en livres libanaises, la fondatrice compte sur les aides à venir.

Un Noël en grande pompe

Comme en 2021, Mme Cherfane prévoit cette année aussi une fête de Noël, qui aura lieu de 17 décembre. Situation financière du pays oblige, le budget est réduit. Faute de fonds, elle a demandé au Red Deer Baabda de sponsoriser l’événement. Le restaurant a accepté et vingt enfants pourront savourer un dîner de fête, accompagné d’animations. La fondatrice est toujours à la recherche de fonds pour les cadeaux et demande aux bienfaiteurs de bien vouloir l’aider, en l’appelant au 03-955002.

Nation Station et l’autonomisation

A Achrafieh, dans une ancienne station d’essence délabrée où une cuisine a été aménagée dans l’espace qui était réservé au lavage de voitures, les volontaires de Nation Station s’activent pour préparer des plats chauds aux plus démunis.

Jenitta Hebbo, responsable de l'exploitation des cuisines collectives, rappelle que Nation Station a vu le jour après l’explosion au port de Beyrouth. Des habitants du quartier de Jeïtaoui avaient à l’époque rejoint les volontaires pour commencer à distribuer des aides alimentaires aux personnes affectées par la catastrophe.

A l’époque, ce petit groupe de personnes commence à s’organiser, grâce surtout à des donations, mais toujours sans idées précises pour le futur et toujours sans mission.

En février 2020, un conseil d’administration est formé, et le principe directeur de l’organisation est décidé. Celle-ci a pour leitmotiv actuel "L'autonomisation plutôt que la charité". Cela signifie aider les personnes dans le besoin afin qu'elles puissent devenir autonomes, au lieu de compter sur l'aide d'autres organisations ou personnes. Cette approche ne s'applique pas seulement aux bénéficiaires, mais aussi à l'organisation elle-même. Nation Station distribue de la nourriture aux personnes dans le besoin, mais vend également des plats cuisinés pour récolter des fonds. Elle organise régulièrement des soirées à thèmes pour récolter de l'argent afin de parrainer ses activités. Grâce à cela, Nation Station est en mesure d'aider aujourd'hui sur une base hebdomadaire 220 bénéficiaires, en leur donnant des repas pour un budget approximatif de 0,75 dollars par repas.

Noël ne laisse pas l’équipe de la Nation Station indifférente. Chaque année, pour la période des fêtes, le groupe redouble d’efforts pour aider leurs bénéficiaires à vivre la magie des fêtes. Au programme de cette année, un dîner pour plus de 100 personnes, de la musique et un Père Noël pour la distribution de cadeaux, des boîtes alimentaires, des couvertures mais aussi des produits d’hygiène.

Nation Station propose également un service d’aide psychologique, ainsi qu’une clinique où des médecins et des pharmaciens soignent gratuitement des patients et où certains médicaments sont également mis à la disposition des bénéficiaires. L’organisation invite les personnes ayant des médicaments dont elles n’ont plus besoin à venir les déposer dans ses locaux où ils seront distribués à des malades.

Pour aider cette initiative, ou pour commander des plats préparés et participer à leur mission, vous pouvez les contacter au 76-430679

Crossing Together

Toujours à Achrafieh, une petite boutique à la décoration féerique invite au voyage au pays du Père Noël: des étagères en bois, remplies de livres, un immense sapin de Noël, une crèche, et le plus important, des visages qui distribuent des sourires à la ronde. Dans la foule, des gens de tous âges sont là, accueillis par une équipe toujours en activité.

Nadine Ajami, assistante sociale, présente le lieu: «Crossing Together est une organisation relevant du Centre communautaire du vicariat apostolique latin dont la mission est d’aider et de soutenir les membres de la communauté latine ainsi que toute personne dans le besoin sans distinction de race, de sexe ou de religion. Elle fournit des vivres, un soutien médical et pharmaceutique, des bourses d'études, un soutien psychologique et une aide aux personnes victimes d'inégalités et de violences, en particulier les femmes et les enfants», indique Mme Ajami.

L’initiative a été lancée après l’explosion au port de Beyrouth, et poursuit ses activités malgré les problèmes liés à la crise financière.

Noël est une période très riche en activités pour Crossing Together qui prévoit une série d’événements dont l'un, organisé pour les enfants en collaboration avec "Mini Studio". Des cadeaux seront également offerts en plus de la nourriture et des bonbons. Un dîner est aussi prévu pour les bénéficiaires.
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