Sharon Stone entre humour et amour
Dans le cadre de la 2e édition du Red Sea International Film Festival 2022, Sharon Stone, principalement connue pour son rôle dans Basic Instinct, mais aussi pour son engagement dans les causes humanitaires, notamment le droit des femmes et le VIH, a partagé, dans un moment d’émotion, son expérience de star et sa perception de l’essence de la vie.

Sharon Stone commence d’emblée par «Yaatikom al aafia», en arabe. «C’est tout ce que je sais», poursuit-elle. Pour elle, avoir une conversation intelligente est essentiel «pour ne pas perdre le temps du public». Sharon Stone se dévoile telle qu’elle est, sans retenue, sans censure. En femme libre. Elle se caractérise par son sens de l’humour, ainsi que par sa détermination et la force de sa vulnérabilité.

Sharon cinéaste

Soulignant son expérience de femme dans le domaine du cinéma, elle atteste: «J’aurais bien voulu être réalisatrice, après le tournage de Basic Instinct. Je me suis rendue aux studios pour demander un petit budget. On ne m’a pas laissée entrer parce que ce n’est pas un job pour femmes. J’avais un double diplôme en finance et en littérature anglaise… et j’étais peintre. J’ai choisi le métier d’actrice pour gagner ma vie. J’ai aussi exercé dans le mannequinat pour avoir un travail lucratif qui me permette de manger à ma faim…»

Sharon et la célébrité

Sharon Stone aborde la célébrité et le revers de la médaille: «Pour la projection de Basic Instinct à Cannes, j’avais perdu mes bagages. J’ai demandé aux producteurs de m’acheter une robe pour la première. Je suis entrée dans la salle en personne ordinaire et en suis ressortie en superstar. Je logeais dans un hôtel sur la Croisette et, au retour, je n'ai rien retrouvé dans ma chambre; depuis mes lentilles de contact jusqu’à mes sous-vêtements. On m’a alors transférée dans un autre hôtel et des gardes du corps ont dû nous frayer un chemin pour sortir. C’était mon introduction à la célébrité. Je n’avais aucune idée que ça allait arriver. Un jour que je rentrais chez moi, je me suis arrêtée à un feu rouge. Des gens se sont mis à sauter sur ma voiture… Je me suis demandé s'il y avait une loi pour empêcher les gens de sauter sur les voitures. J'ai redémarré lentement… Un autre soir où j’étais au cinéma avec mon amie, il y a eu un attroupement à la sortie. Nous nous sommes mises à courir pour nous réfugier dans un restaurant, sous la table de la cuisine. J’avais peur de sortir de chez moi. Je suis allée chez une psy lui dire que j’avais la phobie d’ouvrir la porte! Elle s’est retournée et m’a demandé:

“C’est bien vous sur cette affiche?... Avez-vous une voiture avec un garde de corps?... Mon conseil? Il en est grand temps.” Elle me fit payer la session entière: “Vous voilà préparée à devenir célèbre.”

Marylin Monroe a débuté en tant que Marylin avec un cachet de 500.000 dollars. Michael Douglas était payé 40 millions de dollars et pouvait se permettre une voiture et un garde du corps. Moi, en revanche, je ne le pouvais pas parce que j’étais une femme au sein de l’industrie cinématographique. Je me suis alors dit qu’il était temps que je gagne un million de dollars. Est-ce que je devais pour cela ressembler à mon personnage dans le film, vulgaire, tueuse en série, dévoilant toutes les parties de mon corps?

J’ai eu une vie dramatique. J’ai perdu la garde mon enfant après mon divorce. J’ai dû briser des barrières pour que les femmes soient payées équitablement dans une industrie qui privilégie les hommes. J’ai été punie par la célébrité. Mon espace personnel, ma vie, mes droits, l'idée que les gens se faisaient de moi en fonction de mon rôle. Pendant des années, je n’ai pas été reconnue pour la qualité de mon travail. À la cérémonie des Golden Globe Awards, les gens se moquaient de moi. Ce n’est que des années plus tard qu’on a applaudi ce que j’avais fait pour le droit des femmes.»

Sharon et le succès

Fidèle dans ses collaborations, l’actrice ajoute: «J’apprécie un bon réalisateur, un bon script et un bon acteur. Je travaille avec les mêmes peintres d’intérieur de père en fils. Je collabore avec la même équipe depuis 33 ans. Il faut boucler le cercle, action après action, pour exceller dans un domaine et s'y maintenir. Le temps passe. On a toute la vie pour devenir riche, etc. Quand le moment arrive, on est prêt. Je ne reste pas à la surface. Voilà mon succès.»

Sharon et la spiritualité

Dévoilant un aspect spirituel de sa personnalité, Sharon poursuit: «Dieu nous a créés tous égaux. Il n’a pas commis de faute. Il a créé une vie de service. Les femmes servent les hommes. Les hommes servent aussi les femmes. Ils sont là pour servir l’humanité et non pas la cruauté et l’irrespect. Ils sont là pour observer l’amour et la grâce que Dieu nous a donnés. J’ai travaillé partout dans le monde. J’ai connu le meilleur et le pire. Le meilleur advient quand on n’a pas peur d’être au summum de la grâce et de l’amour que nous possédons.»

Sharon peintre

La peinture est un art que Sharon Stone a longtemps délaissé pour se concentrer sur sa carrière d’actrice. Elle partage sa passion des couleurs: «La pandémie m’a permis de me remettre à la peinture. Je me levais et me mettais à peindre jusqu’à l’épuisement. On a besoin de 10.000 heures pour parfaire quoi que ce soit. Mon but est d’accomplir ces 10.000 heures.»


Sharon maman

Racontant sa vie de mère après les difficultés auxquelles elle a fait face, Sharon affirme avec enthousiasme: «Mon premier enfant vit actuellement avec moi. J’ai adopté deux enfants après mon divorce. De plus, j’ai accueilli dernièrement le meilleur ami de mon fils. J’ai actuellement à ma charge quatre fils. J’essaie de les préserver de la célébrité. Quand on demande à mon fils “Sais-tu ce que fait ta maman les lundis?”, il répond: “Oui, des gâteaux.”»

Sharon et les préjugés

En ce qui concerne sa visite en Arabie Saoudite, par exemple, elle confie: «Je n’ai pas peur de ce que j’ignore. J’irai voir par moi-même et je vous tiendrai au courant. Voir par soi-même, c'est là que se tient la vérité. Comment peut-on comprendre une personne et ses choix quand on n’a pas connu sa mère, partagé sa nourriture. On n’est pas obligé d'adorer Dieu de la même façon. J’ai eu un AVC à 41 ans. J’ai fait neuf jours d’hémorragie, j’avais 9% de chance de survie et je m’en suis sortie. Je suis en perpétuelle conversation avec l’Esprit. Je suis un être solitaire. Quand je peins dans ma chambre, avec chaque mouvement de pinceau, je Lui parle à voix haute et Il me répond. Et non, je ne suis pas folle!»

Sharon et «le cœur qui pense»

On a découvert qu’il existe des cellules qui réfléchissent dans notre cœur. Mon benjamin est déterminé à devenir chirurgien cardiaque “parce que même si le cerveau meurt, tant que l'on garde le cœur en vie, tous les autres organes seront valables pour d’autres personnes”, a-t-il dit. À 14 ans, il a commencé ses études à Oxford. À 16 ans, il était en stage.» Puis, l’actrice partage, non sans émotion, une expérience personnelle: «Mon neveu n’avait même pas un an quand il est mort. Il a été mis cinq jours sous respirateur. On a pu faire don de ses organes et maintenant, il vit à travers quatre autres personnes. Son cœur bat… Il continuera à vivre dans le corps d’autres personnes. Je suis soulagée, dans un sens. Je sens qu’il n’est pas complètement parti. Il s’appelait River. Et, dans ma spiritualité, j’y crois ; la rivière ne s’arrête pas…»

Sharon et sa lutte contre le VIH

Un parcours que Sharon Stone a poursuivi sans ciller. Elle témoigne: «J’ai eu de grandes icônes comme source d’inspiration pour les causes humanitaires: Audrey Hepburn, Liz Taylor… On m’a proposé de remplacer Liz Taylor dans sa fondation de sensibilisation et de lutte contre le SIDA: Elizabeth Taylor AIDS Foundation. J’en ai parlé à mon agent publicitaire, Cindy Roger, qui a répondu: “Si tu le fais, cela détruira ta carrière.” Je lui ai rétorqué que je le savais, mais que je le ferai quand même. J’ai commencé par mettre un hazmat suit et entrer dans un laboratoire pour observer au microscope cette chose minuscule si dangereuse et terrifiante. Le sujet était encore tabou à l’époque. Mon implication dans cette cause vitale a porté préjudice à mon image publique et à ma carrière, mais je m’y suis accrochée. Depuis, 49 millions de personnes sont mortes, oui, mais 47 millions d'autres, atteintes du VIH, vivent et mènent une vie normale.»

Sharon et ses icônes à l’écran

En toute modestie, Sharon Stone ne cache pas son admiration pour d’autres acteurs et actrices: «Kate Winslet incroyable; Shah Rukh Khan, qui était assis près de moi à la cérémonie d’ouverture du Red Sea International Film Festival… je n’ai pas caché ma réaction quand j’ai réalisé que c’était lui; mon amie Rossy De Palma… et une actrice africaine qui est mon homonyme. J’ai vu tous ses films, c’est une très bonne actrice!

Il y a aussi les légendes que j’ai connues, enfant: Humphrey Bogart, Grace Kelly, Katharine Hepburn, Ava Gardner, Rita Hayworth, Julie Christie, Sean Penn… À cause des téléphones portables, il n’y a plus ce mystère qui planait autour des stars des années 70. Je pense qu’il n'y a plus aujourd'hui de stars de cinéma auxquelles on s’identifie. Ayant commencé ma carrière à un jeune âge, j’ai eu la chance de connaître Frank Sinatra et de dîner avec Shirley MacLaine, chez elle, par terre. C’était quelque chose!»

Et de conclure: «Je suis juste une enfant de Pennsylvanie qui n’avait jamais pensé pouvoir un jour voyager en Arabie Saoudite et vous connaître.» Sharon Stone se lève et s’en va, sous les clics des appareils photo...

Marie-Christine Tayah

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