©En 2021, la Grèce a perdu cinq places sur le classement mondial de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), se situant désormais à la 70e place sur 180 pays. (Photo by ARIS MESSINIS / AFP)
L'assassinat cette année d'un journaliste à Athènes et la multiplication de tentatives d'intimidation de journalistes en Grèce témoignent d'un recul de la liberté de la presse dans ce pays de l'UE, s'inquiètent experts et reporters interrogés par l'AFP.
En 2021, la Grèce a perdu cinq places sur le classement mondial de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), se situant désormais à la 70e place sur 180 pays, derrière la Pologne et la Mongolie.
"Plus de 130 cas de violations de la liberté de la presse ont été répertoriés ces dernières années", explique à l'AFP George Pleios, professeur des études de communication et des médias à l'Université d'Athènes.
Il évoque des "obstacles" pour couvrir des événements en lien avec la crise migratoire, des "intimidations" ou des détentions de journalistes, et des "attaques policières" contre des photoreporters lors de manifestations.
L'an dernier, au moins deux femmes journalistes ont dû démissionner dénonçant publiquement des phénomènes de "censure" et "de contrôle" du gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis.
L'exécutif a riposté qu'il "respectait totalement l'indépendance des journalistes".
Fabien Perrier, correspondant de médias francophones en Grèce, témoigne à l'AFP d'une lettre de protestation à la direction du quotidien Libération sur son article critiquant les travaux du site de l’Acropole d'Athènes.
"On m'a reproché mon opinion et non pas les faits", déplore ce journaliste, auteur d'une biographie de l'ex-Premier ministre de gauche, Alexis Tsipras.
L'hiver dernier, lorsque les médias ont rapporté, photos à l'appui, que le Premier ministre avait violé à deux reprises les règles du confinement, des journalistes ont reçu des courriels de protestation du gouvernement.
Début novembre, un vif échange en pleine conférence de presse entre Kyriakos Mitsotakis et une journaliste néerlandaise a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Elle l'accusait de "mentir" sur les allégations de refoulements de migrants, que le gouvernement nie catégoriquement.
Cette reporter, Ingeborg Beugel, a dit avoir ensuite reçu "des menaces" avant de quitter temporairement le pays.
Le 13 novembre, la publication par le quotidien grec Efsyn de documents des services secrets grecs, attestant de "la surveillance" d'un journaliste a provoqué l'indignation d'organisations de journalistes grecques et étrangères.
Ce journaliste, plus tard embauché par l'AFP, est l'auteur d'un article publié en avril sur le site Solomon sur un jeune migrant en rétention.
En réponse à l'AFP, le ministre d'Etat George Gerapetritis a démenti "toute surveillance des journalistes".
"La Grèce adhère pleinement aux valeurs d'une société démocratique et à l'état de droit, en particulier le pluralisme et la liberté de la presse", a-t-il écrit.
Dans une seconde lettre à l'AFP, vendredi, le ministre a jugé l'indépendance des médias "sacro-sainte".
"Si nous n'adhérons pas toujours à ce que les médias écrivent, nous défendons (...) le droit d'une presse libre à travailler sans entrave et indépendante de toute interférence extérieure", a-t-il assuré.
Mais aucune enquête n'a été ouverte sur la véracité et la fuite des documents publiés par Efsyn.
"Le gouvernement et les médias pro-gouvernementaux tentent d'enterrer l'affaire", a déclaré à l'AFP l'auteur de l'article, Dimitris Terzis.
Tout récemment, une loi prévoyant jusqu'à cinq ans de prison en cas de désinformation a été fustigée par RSF, qui dénonce "une atteinte à la liberté de la presse".
En outre, la Grèce a été choquée en avril par l'assassinat de Giorgos Karaïvaz, 52 ans, rubricard judiciaire.
Il s'agit du deuxième meurtre d'un reporter en onze ans à Athènes, après celui de Sokratis Giolias, 37 ans, en 2010, revendiqué par un groupe extrémiste.
Dans les deux cas, les auteurs n'ont pas été identifiés.
RSF a relevé "les insuffisances des mesures prises par les autorités pour protéger les reporters dans le pays".
"Cela laisse la profession dans l'ombre de la peur", estime aussi George Pleios.
Selon plusieurs experts, l'aggravation de la situation tient à la connivence entre les groupes de médias et le pouvoir public, sur fond d'intérêts politico-financiers.
"La relation problématique entre médias et pouvoir public n'est pas un phénomène nouveau", souligne Lambrini Papadopoulou, professeure en charge des médias à l'Université d'Athènes.
Pendant la pandémie, les aides de l'Etat ont été "disproportionnellement" distribuées aux médias, le gouvernement étant accusé par l'opposition d'avoir privilégié les médias qui lui sont proches. Une enquête parlementaire est en cours.
"La pandémie et la chute des recettes publicitaires ont accru la dépendance des médias à l'égard de l'Etat", explique l'universitaire Maria Komninou.
L'analyste des médias Georges Tzogopoulos relève aussi la propension "limitée" de certains médias à "critiquer la gestion gouvernementale de la pandémie", se contentant parfois de "copier-coller les communiqués de presse" ministériels.
Par Hélène COLLIOPOULOU (AFP)
En 2021, la Grèce a perdu cinq places sur le classement mondial de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), se situant désormais à la 70e place sur 180 pays, derrière la Pologne et la Mongolie.
"Plus de 130 cas de violations de la liberté de la presse ont été répertoriés ces dernières années", explique à l'AFP George Pleios, professeur des études de communication et des médias à l'Université d'Athènes.
Il évoque des "obstacles" pour couvrir des événements en lien avec la crise migratoire, des "intimidations" ou des détentions de journalistes, et des "attaques policières" contre des photoreporters lors de manifestations.
L'an dernier, au moins deux femmes journalistes ont dû démissionner dénonçant publiquement des phénomènes de "censure" et "de contrôle" du gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis.
L'exécutif a riposté qu'il "respectait totalement l'indépendance des journalistes".
Fabien Perrier, correspondant de médias francophones en Grèce, témoigne à l'AFP d'une lettre de protestation à la direction du quotidien Libération sur son article critiquant les travaux du site de l’Acropole d'Athènes.
"On m'a reproché mon opinion et non pas les faits", déplore ce journaliste, auteur d'une biographie de l'ex-Premier ministre de gauche, Alexis Tsipras.
L'hiver dernier, lorsque les médias ont rapporté, photos à l'appui, que le Premier ministre avait violé à deux reprises les règles du confinement, des journalistes ont reçu des courriels de protestation du gouvernement.
"Surveillance" présumée
Début novembre, un vif échange en pleine conférence de presse entre Kyriakos Mitsotakis et une journaliste néerlandaise a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Elle l'accusait de "mentir" sur les allégations de refoulements de migrants, que le gouvernement nie catégoriquement.
Cette reporter, Ingeborg Beugel, a dit avoir ensuite reçu "des menaces" avant de quitter temporairement le pays.
Le 13 novembre, la publication par le quotidien grec Efsyn de documents des services secrets grecs, attestant de "la surveillance" d'un journaliste a provoqué l'indignation d'organisations de journalistes grecques et étrangères.
Ce journaliste, plus tard embauché par l'AFP, est l'auteur d'un article publié en avril sur le site Solomon sur un jeune migrant en rétention.
En réponse à l'AFP, le ministre d'Etat George Gerapetritis a démenti "toute surveillance des journalistes".
"La Grèce adhère pleinement aux valeurs d'une société démocratique et à l'état de droit, en particulier le pluralisme et la liberté de la presse", a-t-il écrit.
"Sacro-sainte" indépendance
Dans une seconde lettre à l'AFP, vendredi, le ministre a jugé l'indépendance des médias "sacro-sainte".
"Si nous n'adhérons pas toujours à ce que les médias écrivent, nous défendons (...) le droit d'une presse libre à travailler sans entrave et indépendante de toute interférence extérieure", a-t-il assuré.
Mais aucune enquête n'a été ouverte sur la véracité et la fuite des documents publiés par Efsyn.
"Le gouvernement et les médias pro-gouvernementaux tentent d'enterrer l'affaire", a déclaré à l'AFP l'auteur de l'article, Dimitris Terzis.
Tout récemment, une loi prévoyant jusqu'à cinq ans de prison en cas de désinformation a été fustigée par RSF, qui dénonce "une atteinte à la liberté de la presse".
"L'ombre de la peur"
En outre, la Grèce a été choquée en avril par l'assassinat de Giorgos Karaïvaz, 52 ans, rubricard judiciaire.
Il s'agit du deuxième meurtre d'un reporter en onze ans à Athènes, après celui de Sokratis Giolias, 37 ans, en 2010, revendiqué par un groupe extrémiste.
Dans les deux cas, les auteurs n'ont pas été identifiés.
RSF a relevé "les insuffisances des mesures prises par les autorités pour protéger les reporters dans le pays".
"Cela laisse la profession dans l'ombre de la peur", estime aussi George Pleios.
Selon plusieurs experts, l'aggravation de la situation tient à la connivence entre les groupes de médias et le pouvoir public, sur fond d'intérêts politico-financiers.
"La relation problématique entre médias et pouvoir public n'est pas un phénomène nouveau", souligne Lambrini Papadopoulou, professeure en charge des médias à l'Université d'Athènes.
Pendant la pandémie, les aides de l'Etat ont été "disproportionnellement" distribuées aux médias, le gouvernement étant accusé par l'opposition d'avoir privilégié les médias qui lui sont proches. Une enquête parlementaire est en cours.
"La pandémie et la chute des recettes publicitaires ont accru la dépendance des médias à l'égard de l'Etat", explique l'universitaire Maria Komninou.
L'analyste des médias Georges Tzogopoulos relève aussi la propension "limitée" de certains médias à "critiquer la gestion gouvernementale de la pandémie", se contentant parfois de "copier-coller les communiqués de presse" ministériels.
Par Hélène COLLIOPOULOU (AFP)
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