Lettres à Beyrouth, juste après - (26) Pour rendre justice
À ce corps fatigué de s’être tenu trop droit.
La tête haute. Le cou raide. Le nez fier. Les lèvres serrées.
À cette voix muette. À cette colère sourde. Aucune révolte. Aucune révolution.
À ces silences qui connaissent d’avance le prix du sang ou des combats.
À ces départs sans soleil... nuages, poème, plume, encre.
À ces départs meurtris. Déchirés.
À ces souvenirs bleutés qui ont vu rouge. Et tous les parfums de tous les regrets -si.
Se donner toutes les permissions... comme celle de s’agenouiller, de courber son dos et de se dire « tout est là. »
Avec beaucoup de tendresse.
Pour tous les torts envers et contre soi.
De la tendresse envers ce flot de larmes trop retenues qui n’en finissent plus d’inonder tous les lieux publics, tous les drapeaux, tous les mouchoirs... et tous les endroits privés, jusqu’à les déserter, une fois pour toutes.
Une fois pour toutes les autres fois.
Une fois pour toutes les autres personnes.
Pour tous les maîtres sans dieu.
Chaque jour on gagne une bataille.
Chaque fois que…
Chaque « chaque fois » est un acte d’héroïsme en soi.
Et que de chaque fois a-t-on gardé pour soi…

Et puis un matin comme celui-là, relâcher toutes les tensions du monde, défaire tous les nœuds, se défaire de tous les poids des siècles, des aïeux, des autres et de leurs regards.
Que tout se déploie lentement.
Que les gestes, gestuels, gesticulations se calment.
Que chaque souffle retrouve sa place primaire, première, son élément.
Ordinairement.
-Exotique tout ce qui est « ordinaire » puisqu’on est rebelle dans l’âme et dans le sang… anticonstitutionnellement !-
Position fœtale.
Retour à l’enfant en chacun.
Et puis un appel. À haute voix.
Pour toutes les fois où l’on s’est trop tu. Pour, par, parce que, de peur que, avant que, après que, et la liste est longue.
Le langage est source de malentendus dit-on… le silence aussi parfois.
Un mot, un seul pour tous, même quand tous ne sont pas pour un.
Un mot, une syllabe, un cri.
Le cri du cœur.
Et qu’il résonne !
Il retrouvera toujours son écho… entre deux silences.
(autocensuré.)
Beyrouth.
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