Rentiers et autres balivernes
Il est de ces concepts créés un beau jour par on ne sait qui, et que tout le monde ressasse, souvent avec superbe, content d’avoir, sinon inventé l’eau chaude, du moins réussi à en capter la vapeur. Faisons-en donc ici un énième listing, autant que nous permet la taille autorisée par le site, quitte à continuer la série plus tard.

- C’était une économie rentière. D’après les dictionnaires, c’est une économie ou un État qui dépend d’une manne financière facile, comme l’exportation d’une ressource naturelle. Et un rentier est celui qui vit de revenus garantis sans travailler ou grâce à un privilège quelconque. Or aucune de ces définitions ne s’applique au Liban. On n’a pas de ressources. Et tout le monde, ou presque, travaillait, en concurrence avec les autres; les uns comme salariés, libéraux, artisans, et les autres comme industriels, hôteliers, promoteurs.... Combien de personnes connaissez-vous qui s’affalent toute la journée sur leur canapé en attendant la rente mensuelle?

- Nous importons 80% de ce que nous consommons. En voilà un de ces clichés les plus fréquents, débité partout, y compris par les ministres ‘économiques’ – et pourtant facile à réfuter. En gros, notre consommation est égale à ce qui est importé, plus ce qui est produit localement et consommé localement (non exporté). Or dans une année normale (soit avant 2019), nous importions pour 20 milliards de dollars et notre production interne consommé localement était de 12 milliards (2 pour l’agriculture et 10 pour l’industrie). Ce qui fait que notre consommation totale de 32 milliards dépend pour 62% des importations et non 80%. Il faut diminuer cette proportion, c’est sûr, mais ce sera le sujet d’une autre intervention.

En plus, d’après les coefficients de l’indice des prix de l’Administration centrale de la statistique, 40% de nos dépenses ne sont pas liées à des produits mais à des services (éducation, tourisme, habitat, médecine, entretien…). Des services qui sont produits localement, ce qui n’est pas le cas de tous les pays, certains important systématiquement de la main d’œuvre qualifiée.

- Il faut que les banques restituent aux gens tous leurs dépôts. Certains, parmi ces groupuscules de déposants, iront même jusqu’à dire: «…Quitte à liquider les actifs de la banque et de ses actionnaires, puis les distribuer aux déposants». Voilà encore un concept répandu et un brin tordu. Même si elles sont capables de le faire, ce qui est pratiquement impossible pour n’importe quelle banque à court ou moyen terme, que feraient les gens de tout ce cash? Une petite partie ira tout dépenser, une autre tout investir, mais la majorité ne saura pas quoi en faire, à part le cacher sous l’oreiller, en attendant le prochain cambrioleur.


Et si l’on a besoin de contracter un crédit pour une consommation ou un projet – c’était le cas d’un demi-million de personnes en 2019 –, ce ne sera plus possible puisque les banques, qui ont tout restitué entre-temps, n’ont plus d’argent à prêter, et donc n’existent plus. On arriverait ainsi à une situation ubuesque inédite dans le monde.

En voilà une autre preuve que l’énoncé ci-dessus est une bêtise caractérisée: tout le monde convient que règne dans le pays un climat de méfiance maximale et généralisée dans le secteur bancaire, grâce à un plan savamment orchestré par le Hezbollah et autres acolytes écervelés. Mais même dans cette situation, les nouveaux comptes, libellés en dollars frais, ne cessent de croître pour atteindre des dizaines de milliers, totalisant deux milliards de dollars. Pourquoi? Parce qu’on n’a pas trouvé une alternative au système bancaire pour gérer ses finances.

En réalité, l’énigme des dépôts bancaires et leur ‘restitution’ ne sera résolue que lorsque tous les déposants ne retireront de la banque que leurs besoins ponctuels. Tous les ‘plans de redressement’ proposés depuis 2019, promettant de restituer jusqu’à 100 000 dollars, ou un peu plus ou un peu moins, ne sont que des mesures farfelues. Rien d’étonnant lorsqu’on a des dirigeants eux-mêmes farfelus.

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