Baux commerciaux au Liban : ce que changent les derniers amendements de la loi n°11
©Ici Beyrouth

La loi sur la libéralisation des anciens baux commerciaux continue de susciter des remous et des débats sans fin.

Adoptée en décembre 2023, la loi n°11 a déjà été contestée à deux reprises devant le Conseil constitutionnel: une première fois par le président de la République, le général Joseph Aoun, et une seconde par treize députés. Le Parlement y a apporté ses derniers amendements le jeudi 31 juillet 2025, avec l’espoir que cette version soit enfin définitive et échappe à toute nouvelle invalidation.

Cependant, conformément aux dispositions de la Constitution, rien n’est encore joué. Le texte sera transmis au chef de l’État, qui disposera d’un délai d’un mois pour l’examiner. Il pourra soit le promulguer, soit le renvoyer au Parlement pour révision. En cas de renvoi, la situation entre le bailleur et le locataire repartirait à zéro.

Baux commerciaux: la non-rétroactivité
La loi amendée sur les anciens baux commerciaux ne nécessite pas de décrets d’application. Ses dispositions sont claires. Elle stipule que toute procédure engagée avant l’entrée en vigueur de la loi n°11 reste régie par la législation sous laquelle elle a été initiée. Ainsi, les actions d’expulsion intentées durant le vide législatif, en vertu du Code des obligations et des contrats, continueront de relever de ce texte. Une précision qui met un terme au flou juridique et réaffirme le principe de non-rétroactivité des lois.

Loyer de référence revu à la baisse

Dans l’ensemble, les amendements adoptés par les députés pourraient être perçus comme défavorables aux propriétaires, en particulier en raison de la réduction du loyer de référence et de l’allongement des délais, pouvant atteindre huit ans.

La loi n°11 a été modifiée sur trois points majeurs. Le premier concerne la méthode de calcul du loyer équivalent – autrement dit, le loyer de référence, considéré comme raisonnable et équitable pour un bien immobilier comparable dans des conditions de marché similaires. Fixé auparavant à 8% de la valeur vénale du bien, il est désormais ramené à 5%. Cette diminution se traduit par une baisse sensible des revenus attendus par le bailleur, les hausses progressives étant indexées sur ce benchmark.

Selon le législateur, cette mesure vise à préserver un équilibre entre les intérêts des deux parties – bailleur et locataire – en assurant une transition plus équitable dans le cadre de la sortie progressive des anciens baux commerciaux.

Renouvellement des baux commerciaux

Par ailleurs, l’article 3 de la loi n°11 de décembre 2023, qui fixe les délais de renouvellement des contrats de location commerciale, a été profondément remanié. Jusqu’ici, le propriétaire pouvait choisir entre deux formules: un renouvellement de deux ans sans hausse de loyer, ou quatre ans avec des augmentations progressives.

Désormais, la durée du renouvellement sera déterminée selon une nouvelle grille, classant les locataires en quatre catégories distinctes:

Première catégorie: les locataires n’ayant pas payé un pas-de-porte (une somme versée en une seule fois par le locataire au bailleur et non récupérable) voient leur contrat renouvelé pour une durée de cinq ans.

Deuxième catégorie: les locataires ayant payé un pas-de-porte avant 2015 bénéficient d’un renouvellement de six ans.

Troisième catégorie: les locataires ayant payé un pas-de-porte après 2015 bénéficient d’un renouvellement de sept ans.

Quatrième catégorie: les contrats de location appartenant aux administrations publiques ou aux entreprises commerciales appartenant à des professions libérales sont renouvelés pour une durée de huit ans.

Hausse progressive des loyers commerciaux

Dans ce même contexte, les augmentations de loyer seront désormais étalées par paliers selon la catégorie du locataire:

Pour les locataires de la première et de la deuxième catégorie, les loyers progresseront par paliers: +30% (du loyer de référence) la première année, +40% la deuxième, +50% la troisième, avant que la compensation forfaitaire ou le loyer équivalant ne soient appliqués les années suivantes.

Pour la troisième et la quatrième catégories, les augmentations s’étalent sur quatre paliers: +30% la première année, +40% la deuxième, +50% la troisième et +60% la quatrième, la compensation forfaitaire intervenant ensuite.

Équilibre de la relation bailleur-locataire  

Pendant des décennies, les relations entre propriétaires et locataires d’espaces résidentiels ou commerciaux ont été orageuses. Les deux parties s’estimaient piégées sous l’égide d’une loi à titre provisoire.  D’un côté, les propriétaires réclamaient depuis longtemps la modernisation d’une loi d’un autre âge, afin qu’elle tienne enfin compte de l’inflation galopante et de la dévaluation vertigineuse de la livre.

De l’autre, les locataires plaidaient pour rester dans les lieux, faute de moyens, invoquant tour à tour la guerre ou la crise multidimensionnelle.
Une occupation prolongée qui, au fil du temps, s’est transformée en véritable squat institutionnalisé.

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