En visite de voeux au siège patriarcal lundi, une délégation du Hezbollah a plaidé pour le consensus présidentiel, confirmant, malgré une ouverture affichée, les divergences avec le siège patriarcal réfractaire à toute entente préalable à l'élection d'un président. Des efforts seraient en cours pour «internationaliser» la situation au Liban en faveur de la neutralité défendue par Bkerké, sur laquelle le Hezbollah s'est abstenu de se prononcer devant les médias.
Alors que des divergences de principe opposent le Hezbollah au siège patriarcal, notamment sur la question de la neutralité, une délégation du parti chiite s’est rendue lundi matin à Bkerké où elle s’est entretenue avec le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï.
Le Hezbollah a souhaité présenter ses vœux de fin d’année au haut-dignitaire, par la voix du chef de son conseil politique, Ibrahim Amine al-Sayed. La visite serait avant tout «protocolaire», en conformité avec une tradition annuelle, même si celle-ci a été temporairement rompue. La cause de la rupture serait la pandémie ayant sévi durant ces deux dernières années, selon la version du Hezbollah, confirmée par des proches de Bkerké. Et si certains voient dans la visite de lundi un caractère politique, sa portée serait pour l’instant circonscrite à «la définition des règles d’engagement», comme l’affirment des observateurs proches du siège patriarcal.
S’exprimant à l’issue de l’entretien, Ibrahim Amine al-Sayed a mis en avant l’importance de maintenir de bons rapports avec le patriarcat maronite, tout en éludant les questions sur les points de conflit entre les deux parties.
Il a d’emblée lié la visite de vœux à l’enjeu politique de débloquer la présidentielle, mais sans énoncer aucun point d’entente concret sur ce dossier entre le Hezbollah et Bkerké.
«Nous sommes honorés de rendre visite au patriarche (…) pour présenter nos vœux pour Noël et la nouvelle année. Et, ainsi que nous y avons été habitués quand nous avons l’honneur de le rencontrer, des discussions sont menées (…) sur des sujets fondamentaux et très importants pour notre pays (…), en l’occurrence la présidentielle», a-t-il déclaré, en multipliant les signaux positifs à l’égard de Bkerké. «Il n’y a pas de page (de mésentente, NDLR) qui se tourne entre nous puisque la page (des bons rapports, NDLR) est toujours ouverte», a-t-il affirmé.
Le responsable du Hezbollah a ensuite rapporté la position du patriarche sur l’impératif de débloquer la présidentielle. «Le patriarche a formulé son opinion et exprimé le souci d’honorer cette échéance au plus vite et en toute responsabilité (…)», a-t-il déclaré. «Au vu des circonstances très difficiles que traverse le pays», la présidentielle est «une nécessité et une priorité qui prime sur les autres», a-t-il ajouté, «surtout que la présidence de la République est le rouage des institutions, et donc le passage obligé pour redresser la situation», toujours en rapportant les propos du patriarche.
Au cœur du litige, le consensus
Il a en contrepartie plaidé pour un dialogue entre les blocs parlementaires pour aboutir à une entente sur un candidat, dans le prolongement de l’initiative, restée pour l’instant sans suite, du président de la Chambre, Nabih Berry.
«Il faut accélérer l’élection d’un président, mais (…) au vu de la complexité de la structure libanaise, qui requiert un vote au Parlement, le président doit être élu avec un large consensus et une large légitimité politique et populaire», a-t-il déclaré. «Il faut qu’un vrai dialogue ait lieu au Liban, précisément au Parlement. (…) Et le président de la Chambre a appelé à un dialogue réel et sérieux entre les blocs parlementaires afin d’aboutir à une entente a minima sur un président capable d’assumer la responsabilité» du redressement, a poursuivi le responsable du Hezbollah, incitant à y répondre favorablement. «Nous avons été prompts à répondre à son appel», a-t-il précisé, en indiquant que la voie du dialogue parlementaire est «la voie correcte, et peut être la seule qui s’ouvre devant nous pour élire un président».
Plaidant ainsi fermement pour une entente au préjudice de l’élection, qu’il reconnaît toutefois prévue par les textes, le responsable du Hezbollah ne fait que confirmer les efforts déployés par son parti pour un consensus présidentiel. Cette démarche, critiquée pour neutraliser la bataille démocratique, est loin d’être endossée par Bkerké, selon des proches du siège patriarcal. En atteste d’ailleurs l’homélie, la veille, de Mgr Raï, qui s’est fermement opposé à «une entente qui précède l’élection d’un président». «Les positions du patriarche sont clairement contre toute entente qui neutralise l’élection», affirme à Ici Beyrouth Ziad el-Sayegh, directeur exécutif du groupe de pression Civic Influence Hub. « La présidentielle n’est plus tant en lien avec le président qu’avec la République», dit-il.
De fait, selon nos informations, des efforts conjoints entre les Etats-Unis, le Vatican et l’Arabie saoudite, soutenus par la France, l’Union européenne et, dans une certaine mesure, l’Egypte, seraient actuellement déployés pour «internationaliser» l’échéance. Loin d’avoir pour enjeu une entente autour d’un président, cette initiative viserait à créer au Liban un environnement propice à une présidentielle démocratique, un environnement recentré sur les principes de neutralité et de respect de la légalité et du monopole des armes, actuellement défendus par Bkerké.
À une question sur les positions du patriarche en faveur de la neutralité du Liban et l’internationalisation de l’échéance, Ibrahim Amine al-Sayed a répondu qu’aucune mention n’en a été faite lors de la rencontre de la délégation avec le patriarche. «S’il faut en discuter, on le fait à huis clos et je ne suis pas disposé à évoquer avec les médias un point qui n’a pas été discuté» avec le patriarche, a-t-il fait valoir.
Un effondrement pour revoir Taëf?
Le forcing du Hezbollah pour un consensus risque toutefois d’avoir des incidences institutionnelles «dangereuses».
Ibrahim Amine el-Sayed a ainsi laissé entendre que l’effondrement pourrait conduire à revoir l’institution de la présidence de la République.
«La situation du pays incite à donner la priorité à la présidentielle et le déblocage de l’échéance doit se faire à la première opportunité. En effet, si nous laissons le pays s’effondrer, quelle serait la valeur d’un président dans un pays en ruines?», s’est-il ainsi demandé, devant le siège patriarcal.
Selon des lectures d’opposants au parti chiite, ce dernier bloquerait sciemment l'échéance, à travers sa consigne du vote blanc, pour avoir l’opposition à l’usure et imposer un candidat sous couvert de consensus. Mais il y aurait une autre dimension à sa démarche: provoquer un effondrement qui mène à une révision de Taëf, dit craindre un observateur indépendant, proche de Bkerké.
Même si la France se serait désolidarisée des velléités du Hezbollah de revoir le système, celles-ci persistent chez le parti pro-iranien, ajoute l’observateur précité.
«Dualité» du Hezbollah
Cela se traduit par «une dualité» chez le parti chiite, qui rend une visite officielle «amicale» à Bkerké, mais mobilise «son armée électronique» contre le siège patriarcal, constate un observateur.
D’ailleurs, les propos d'Ibrahim Amine al-Sayed n’étaient pas sans porter certaines contradictions. Il a fait le constat important qu’«un président de défi et de confrontation n’est défendu ni par le patriarcat, ni par nous », pour ensuite maintenir le flou, en réponse à une question sur les divergences autour du profil du président «qu’il n’y a pas de divergences, plutôt un échange de points de vue ayant pour base un souci partagé d’élire un président».
Pas de veto mais…
Sur l’appui présumé du Hezbollah à la candidature de Sleiman Frangié, chef des Marada, le responsable du parti a affirmé avoir évoqué «l’échéance dans son ensemble, indépendamment des détails».
«Nous acceptons le résultat du consensus» quel qu’il soit, même si celui-ci aboutit à un appui au commandant en chef de l’armée, a-t-il ajouté, en réponse à une question. Et de préciser que «les rapports sont optimaux avec le commandant de la Troupe (…), mais la présidentielle est une autre affaire». «Nous n’avons mis un veto sur aucun candidat, mais notre opinion est claire (…) et quand un dialogue sérieux sera entamé, nous donnerons notre avis sur la question», a-t-il encore affirmé.
Le responsable du Hezbollah s’est enfin abstenu de se prononcer sur les prises de position du chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil, allié du parti chiite, en faveur de l’Arabie saoudite. «Dire que Gebran Bassil fait le contraire du Hezbollah en termes de sauvegarde de l’accord de Mar Mikhaël n’est pas précis (…). Il est libre de donner son avis et nous sommes heureux du résultat de notre entente avec le CPL, et nous savons comment gérer nos divergences», a-t-il affirmé, en précisant que «Gebran Bassil n’a jamais été sous l’ombrelle du Hezbollah pour qu’il s’en éloigne».
Alors que des divergences de principe opposent le Hezbollah au siège patriarcal, notamment sur la question de la neutralité, une délégation du parti chiite s’est rendue lundi matin à Bkerké où elle s’est entretenue avec le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï.
Le Hezbollah a souhaité présenter ses vœux de fin d’année au haut-dignitaire, par la voix du chef de son conseil politique, Ibrahim Amine al-Sayed. La visite serait avant tout «protocolaire», en conformité avec une tradition annuelle, même si celle-ci a été temporairement rompue. La cause de la rupture serait la pandémie ayant sévi durant ces deux dernières années, selon la version du Hezbollah, confirmée par des proches de Bkerké. Et si certains voient dans la visite de lundi un caractère politique, sa portée serait pour l’instant circonscrite à «la définition des règles d’engagement», comme l’affirment des observateurs proches du siège patriarcal.
S’exprimant à l’issue de l’entretien, Ibrahim Amine al-Sayed a mis en avant l’importance de maintenir de bons rapports avec le patriarcat maronite, tout en éludant les questions sur les points de conflit entre les deux parties.
Il a d’emblée lié la visite de vœux à l’enjeu politique de débloquer la présidentielle, mais sans énoncer aucun point d’entente concret sur ce dossier entre le Hezbollah et Bkerké.
«Nous sommes honorés de rendre visite au patriarche (…) pour présenter nos vœux pour Noël et la nouvelle année. Et, ainsi que nous y avons été habitués quand nous avons l’honneur de le rencontrer, des discussions sont menées (…) sur des sujets fondamentaux et très importants pour notre pays (…), en l’occurrence la présidentielle», a-t-il déclaré, en multipliant les signaux positifs à l’égard de Bkerké. «Il n’y a pas de page (de mésentente, NDLR) qui se tourne entre nous puisque la page (des bons rapports, NDLR) est toujours ouverte», a-t-il affirmé.
Le responsable du Hezbollah a ensuite rapporté la position du patriarche sur l’impératif de débloquer la présidentielle. «Le patriarche a formulé son opinion et exprimé le souci d’honorer cette échéance au plus vite et en toute responsabilité (…)», a-t-il déclaré. «Au vu des circonstances très difficiles que traverse le pays», la présidentielle est «une nécessité et une priorité qui prime sur les autres», a-t-il ajouté, «surtout que la présidence de la République est le rouage des institutions, et donc le passage obligé pour redresser la situation», toujours en rapportant les propos du patriarche.
Au cœur du litige, le consensus
Il a en contrepartie plaidé pour un dialogue entre les blocs parlementaires pour aboutir à une entente sur un candidat, dans le prolongement de l’initiative, restée pour l’instant sans suite, du président de la Chambre, Nabih Berry.
«Il faut accélérer l’élection d’un président, mais (…) au vu de la complexité de la structure libanaise, qui requiert un vote au Parlement, le président doit être élu avec un large consensus et une large légitimité politique et populaire», a-t-il déclaré. «Il faut qu’un vrai dialogue ait lieu au Liban, précisément au Parlement. (…) Et le président de la Chambre a appelé à un dialogue réel et sérieux entre les blocs parlementaires afin d’aboutir à une entente a minima sur un président capable d’assumer la responsabilité» du redressement, a poursuivi le responsable du Hezbollah, incitant à y répondre favorablement. «Nous avons été prompts à répondre à son appel», a-t-il précisé, en indiquant que la voie du dialogue parlementaire est «la voie correcte, et peut être la seule qui s’ouvre devant nous pour élire un président».
Plaidant ainsi fermement pour une entente au préjudice de l’élection, qu’il reconnaît toutefois prévue par les textes, le responsable du Hezbollah ne fait que confirmer les efforts déployés par son parti pour un consensus présidentiel. Cette démarche, critiquée pour neutraliser la bataille démocratique, est loin d’être endossée par Bkerké, selon des proches du siège patriarcal. En atteste d’ailleurs l’homélie, la veille, de Mgr Raï, qui s’est fermement opposé à «une entente qui précède l’élection d’un président». «Les positions du patriarche sont clairement contre toute entente qui neutralise l’élection», affirme à Ici Beyrouth Ziad el-Sayegh, directeur exécutif du groupe de pression Civic Influence Hub. « La présidentielle n’est plus tant en lien avec le président qu’avec la République», dit-il.
De fait, selon nos informations, des efforts conjoints entre les Etats-Unis, le Vatican et l’Arabie saoudite, soutenus par la France, l’Union européenne et, dans une certaine mesure, l’Egypte, seraient actuellement déployés pour «internationaliser» l’échéance. Loin d’avoir pour enjeu une entente autour d’un président, cette initiative viserait à créer au Liban un environnement propice à une présidentielle démocratique, un environnement recentré sur les principes de neutralité et de respect de la légalité et du monopole des armes, actuellement défendus par Bkerké.
À une question sur les positions du patriarche en faveur de la neutralité du Liban et l’internationalisation de l’échéance, Ibrahim Amine al-Sayed a répondu qu’aucune mention n’en a été faite lors de la rencontre de la délégation avec le patriarche. «S’il faut en discuter, on le fait à huis clos et je ne suis pas disposé à évoquer avec les médias un point qui n’a pas été discuté» avec le patriarche, a-t-il fait valoir.
Un effondrement pour revoir Taëf?
Le forcing du Hezbollah pour un consensus risque toutefois d’avoir des incidences institutionnelles «dangereuses».
Ibrahim Amine el-Sayed a ainsi laissé entendre que l’effondrement pourrait conduire à revoir l’institution de la présidence de la République.
«La situation du pays incite à donner la priorité à la présidentielle et le déblocage de l’échéance doit se faire à la première opportunité. En effet, si nous laissons le pays s’effondrer, quelle serait la valeur d’un président dans un pays en ruines?», s’est-il ainsi demandé, devant le siège patriarcal.
Selon des lectures d’opposants au parti chiite, ce dernier bloquerait sciemment l'échéance, à travers sa consigne du vote blanc, pour avoir l’opposition à l’usure et imposer un candidat sous couvert de consensus. Mais il y aurait une autre dimension à sa démarche: provoquer un effondrement qui mène à une révision de Taëf, dit craindre un observateur indépendant, proche de Bkerké.
Même si la France se serait désolidarisée des velléités du Hezbollah de revoir le système, celles-ci persistent chez le parti pro-iranien, ajoute l’observateur précité.
«Dualité» du Hezbollah
Cela se traduit par «une dualité» chez le parti chiite, qui rend une visite officielle «amicale» à Bkerké, mais mobilise «son armée électronique» contre le siège patriarcal, constate un observateur.
D’ailleurs, les propos d'Ibrahim Amine al-Sayed n’étaient pas sans porter certaines contradictions. Il a fait le constat important qu’«un président de défi et de confrontation n’est défendu ni par le patriarcat, ni par nous », pour ensuite maintenir le flou, en réponse à une question sur les divergences autour du profil du président «qu’il n’y a pas de divergences, plutôt un échange de points de vue ayant pour base un souci partagé d’élire un président».
Pas de veto mais…
Sur l’appui présumé du Hezbollah à la candidature de Sleiman Frangié, chef des Marada, le responsable du parti a affirmé avoir évoqué «l’échéance dans son ensemble, indépendamment des détails».
«Nous acceptons le résultat du consensus» quel qu’il soit, même si celui-ci aboutit à un appui au commandant en chef de l’armée, a-t-il ajouté, en réponse à une question. Et de préciser que «les rapports sont optimaux avec le commandant de la Troupe (…), mais la présidentielle est une autre affaire». «Nous n’avons mis un veto sur aucun candidat, mais notre opinion est claire (…) et quand un dialogue sérieux sera entamé, nous donnerons notre avis sur la question», a-t-il encore affirmé.
Le responsable du Hezbollah s’est enfin abstenu de se prononcer sur les prises de position du chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil, allié du parti chiite, en faveur de l’Arabie saoudite. «Dire que Gebran Bassil fait le contraire du Hezbollah en termes de sauvegarde de l’accord de Mar Mikhaël n’est pas précis (…). Il est libre de donner son avis et nous sommes heureux du résultat de notre entente avec le CPL, et nous savons comment gérer nos divergences», a-t-il affirmé, en précisant que «Gebran Bassil n’a jamais été sous l’ombrelle du Hezbollah pour qu’il s’en éloigne».
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