Jacques Choucair: \
Le port du masque, la distanciation physique et le lavage fréquent des mains restent de mise pour lutter contre la recrudescence de la pandémie. La vaccination aussi.

Depuis plus d’un mois, les contaminations au coronavirus sont reparties à la hausse, avec près de 2000 cas enregistrés au quotidien au compteur de la pandémie. En cause: la saison froide, un taux de vaccination toujours bas, l’émergence de nouveaux variants à contagiosité rapide, mais surtout un relâchement total dans la prévention. Or les gestes barrières restent le bouclier de défense contre le coronavirus. Ici Beyrouth fait le tour de la question avec le Dr Jacques Choucair, chef du service des maladies infectieuses à l’Hôtel-Dieu de France.

Jacques Choucair: "Il est impératif que les adultes se fassent vacciner contre le Covid-19. Il est même important de prendre également la dose de rappel."
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De nouveaux variants du virus sont en train d’être détectés de manière récurrente. Faut-il paniquer?
Paniquer est une motivation pour bien faire, c’est-à-dire appliquer les gestes de prévention contre le Covid-19, universellement connus depuis deux ans déjà et recommandés par l’Organisation mondiale de la santé et plusieurs autres instances scientifiques internationales. On ne le dira jamais assez: le port du masque est impératif et crucial pour se protéger et protéger les autres. À condition bien sûr de bien le porter, c’est-à-dire en se couvrant le nez et la bouche. À cela s’ajoute le lavage des mains à l’eau et au savon pendant 20 secondes au moins ou l’utilisation de solutions hydro-alcooliques. Ce geste est surtout nécessaire avant de se toucher le visage, les yeux, le nez et la bouche. Les gestes de prévention sont donc essentiels et doivent être inhérents à notre comportement quotidien, en attendant que ce fléau disparaisse.

Les poignées de porte et les touches d’ascenseur constituent-elles vraiment une source de contamination?
Il n’est pas nécessaire de porter des gants pour les toucher. Ce qui est par contre nécessaire, c’est de se laver les mains après avoir touché les poignées de porte et les touches d’ascenseur et avant de les porter aux yeux, au nez ou à la bouche. Déjà, quand le masque est bien placé sur le visage, on ne va pas se toucher le nez ni la bouche. Donc, il suffit de ne pas se toucher les yeux avant de se laver les mains. Ces gestes sont primitifs et acquis dès l’enfance. Il ne sert à rien de paniquer, de ne rien toucher et de porter des gants pour accomplir des gestes de notre vie de tous les jours.

Que sait-on des surfaces sur lesquelles pourrait vivre le coronavirus?
Plusieurs études ont commencé à être menées sur le sujet avant d’être délaissées. Nous savons que les gouttelettes constituent le moyen de transmission le plus important et le plus fréquent. Donc une personne contaminée qui ne porte pas de masque et qui, par conséquent, n’a pas de barrière pour ses sécrétions oropharyngées et nasales (éternuements, paroles, toux, etc.) risque de transmettre le virus aux autres. Sinon, il n’y a pas de passage transcutané. Il n’est donc pas important de savoir si le virus vit sur les surfaces métalliques, plastiques, textiles ou autres pendant quelques minutes ou quelques heures. Ce qui est important c’est de se laver les mains chaque fois qu’on touche une surface suspecte d’être colonisée par les virus. Point à la ligne.


Il est important c’est de se laver les mains chaque fois qu’on touche une surface suspecte d’être colonisée par les virus.

Au début de la pandémie au Liban, en février 2020, vous aviez émis des réserves au sujet de la gestion du Covid-19. Les vols venant d’Iran n’avaient pas alors été annulés. À votre avis, cela a-t-il eu un impact considérable sur la suite des événements au Liban?
Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de fermer l’aéroport. Mais le gouvernement avait alors annoncé – et continue d’annoncer – des mesures draconiennes qui ne sont pas vraiment appliquées. Théoriquement, un test PCR est effectué pour tous les voyageurs à l’aéroport. Ces derniers doivent rester en quarantaine pendant 3 à 5 jours au terme desquels un second test PCR est effectué. Théoriquement, cela est parfait. Pratiquement, à mon avis, ces mesures n’ont jamais été appliquées à plus de 10%. Je connais beaucoup de personnes qui n’ont pas attendu le résultat du test PCR et qui, dès le premier jour de leur arrivée au Liban, prenaient part aux fêtes, se rendaient à des mariages, dans leur village où ils rencontraient tous les membres de leur famille, leurs amis… et, deux jours plus tard, ils découvraient qu’ils étaient contaminés au coronavirus. Mais le mal était déjà fait. Ces pratiques irresponsables ont fait entrer le pays en enfer.

Avez-vous les mêmes craintes aujourd’hui?
Oui, parce que le Libanais a cette mauvaise habitude de ne pas se conformer aux lois ni de suivre les recommandations. Il agit à sa guise. Chaque personne dans ce pays connaît quelqu’un qui peut l’aider à contourner les lois. Ce qui est grave sur le plan personnel et collectif, puisqu’on nuit à soi-même et à autrui.

L’hiver est une saison où les cas de rhumes et de laryngites augmentent sensiblement. Les symptômes de ces maladies sont similaires à ceux du Covid-19 et les parents paniquent. Un test PCR doit-il être effectué systématiquement pour les enfants?
Il est impératif que les adultes se fassent vacciner contre le Covid-19. Il est également important de prendre la dose de rappel. De plus, les enfants âgés de 12 ans et plus doivent aussi recevoir les deux doses du vaccin. Et, à partir de 2022, des doses du vaccin Pfizer pour les enfants de plus de 5 ans (l’équivalent des trois-quarts de la dose adulte) seront disponibles au Liban. Si, malgré la vaccination contre le Covid-19, l’enfant présente des symptômes, le pédiatre doit être contacté. Selon la symptomatologie et l’histoire de l’enfant, un test PCR peut être effectué. Si l’enfant est positif, les cas contacts doivent être identifiés et notifiés. Si ces mesures sont bien suivies et que des précautions d’isolement sont prises, on arrivera à mieux passer cette période des fêtes.

Parlant du vaccin, pensez-vous que les personnes ayant reçu leur dose entre janvier et mars 2021 ont vu leur immunité réduite?
Nous n’avons pas de chiffres au Liban, mais peut-être, oui, dans le monde. C’est la raison pour laquelle la troisième dose est fortement conseillée. Par ailleurs, le coronavirus mute, ce qui est d’ailleurs le cas de tous les virus. Heureusement, il mute moins que les virus de la grippe, du VIH et de l’hépatite C. D’où l’importance du vaccin pour diminuer les symptômes de la maladie. Sans oublier que la première ligne de lutte contre la pandémie est de remettre en place les gestes barrières. C’est le seul moyen de freiner à nouveau la propagation.

Pouvons-nous espérer voir la pandémie disparaître prochainement?
À mon avis, on ne pourra voir le bout du tunnel que si toutes les personnes éligibles à la vaccination s’y soumettent, puisque le virus n’aura plus de gîte pour se multiplier, en l’occurrence l’homme, ou si des traitements efficaces et à des prix abordables sont trouvés. En attendant, l’essentiel est de se protéger. Si on se protège, on ne sera pas contaminé, donc on ne sera pas contagieux. C’est mieux pour tout le monde.
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