Les gamins perdus de Beyrouth 2/3
Ghassan est le plus sage d’entre nous, celui qui nous raisonne et nous prévient. Celui qui se pose et réfléchit. Ghassan a tissé la toile de notre réussite, le programme de nos batailles, la liste des ennemis que nous allions rencontrer, et finir par vaincre, le jour de l’examen.

Saleh est le plus anxieux, mais le plus solide aussi, car il sait dompter ses craintes. Alors, il parvient à identifier nos doutes et nos peurs de l’échec, pour les transformer en armes, en forces redoutables, capables de tout dominer sur leur passage.

Moi, Sami, je suis le philosophe, le poète, l’optimiste. Et puis, le tenace aussi, celui qui se bat bec et ongles pour ce qui est juste, qui fonce calmement, mais puissamment, droit vers la cible à atteindre. Celui qui ne lâche rien, celui qui mord, qui tombe parfois malgré lui, se relève fébrilement et fait de sa cicatrice une victoire. Je ne recule ni ne renonce jamais.

Je garde la tête haute, parce que je suis épaulé par les deux autres. Sans eux, rien de tout ce que je raconte là n’a de valeur. Ghassan et Saleh sont mes acolytes, mes frères de toujours, ma soupape de sécurité.

J’aime penser que j’incarne un peu ma ville. Je ne suis pas seul, nous sommes un tout. Ensemble, nous sommes notre propre force, comme les Beyrouthins sont l’essence de leur capitale.

Demain, ma ville, tu vas devenir notre plus grande bataille.

 

La cérémonie de remise des diplômes n’attend que nous. Nous nous réveillons aujourd’hui et devenons les artisans de notre destin.


Nous foulons les pavés beiges irréguliers des rues de notre quartier modeste, nous passons devant le garage et ses voitures démembrées, abandonnées là à leur sort. Nous pressons le pas devant la montagne d’ordures qui brûle sous le soleil ardent. Et nous laissons quelques dollars à Rami et sa famille, des Syriens réfugiés ici, qui mendient car ils n’ont guère d’autre choix. Ils n’ont plus ni ville ni patrie, ceux-là. Et demain, Beyrouth, seras-tu la leur?

Dans nos têtes, c’est l’euphorie, car approche le moment où nous allons nous voir remettre le Graal. Et, alors que nous avançons, portés par la promesse, nos yeux ne voient que ta beauté! Tes mosaïques de dessins orientaux, tes carrosses en souvenir, tes déchets qui donnent un travail aux plus démunis… Et tes pauvres, ma ville… tes pauvres, qui sont l’expression de ton histoire, le reflet de la grandeur de ton cœur.





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