©De nombreuses compagnes ou ex-compagnes de djihadistes, ainsi que leurs enfants, sont encore détenues dans différentes prisons kurdes en Syrie. (AFP)
La France a entamé mardi le rapatriement de 15 femmes et 32 enfants, détenus dans des camps de prisonniers jihadistes en Syrie.
La France, sous pression d'organisations internationales et des familles, a procédé mardi au rapatriement de 37 ressortissants - 15 femmes et 32 enfants - détenus dans les camps de prisonniers jihadistes dans le nord-est de la Syrie. Une décision qui met définitivement fin à sa politique du "cas par cas".
"Les mineurs ont été remis aux services chargés de l'aide à l'enfance et feront l'objet d'un suivi médico-social", a précisé le ministère français des Affaires étrangères qui a piloté cette opération. "Les adultes ont été remises aux autorités judiciaires compétentes", a-t-il ajouté.
Il s'agit du troisième rapatriement d'ampleur après celui du 5 juillet 2022 quand la France a rapatrié 16 mères et 35 mineurs et celui du 20 octobre qui avait permis le retour de 15 femmes et 40 enfants.
La prison d’Al-Hol (près de Raqqa) est pleine d’anciens combattants de l’EI (AFP)
Il "signe la fin du cas par cas", a réagi Marie Dosé, avocate qui militait pour le rapatriement de ces personnes. "Il est l'ultime démonstration que la France est et a toujours été en capacité de rapatrier des enfants et leurs mères", a-t-elle ajouté.
Les femmes et enfants rapatriés ce mardi, proches de jihadistes de l'État Islamique, se trouvaient dans le camp de Roj sous administration kurde, situé à une quinzaine de kilomètres des frontières irakienne et turque.
Mandat de recherche
Les autorités françaises ont remercié "l'administration locale du nord-est de la Syrie pour sa coopération, qui a rendu possible cette opération".
Huit des 15 femmes rapatriées mardi, visées par un mandat de recherche, ont été placées en garde à vue, a annoncé séparément le Parquet national antiterroriste.
Les sept autres, qui faisaient l'objet d'un mandat d'arrêt, seront présentées à des juges d'instruction du pôle antiterroriste du tribunal judiciaire de Paris en vue d'une éventuelle mise en examen.
Tout adulte qui a rejoint la zone irako-syrienne et qui y est resté fait l'objet d'une procédure judiciaire.
La France a été particulièrement frappée par des attentats jihadistes, notamment en 2015, fomentés par l'organisation terroriste, État islamique. Aussi avait-elle opté jusqu'à l'été dernier pour le rapatriement ciblé d'enfants orphelins ou des mineurs dont les mères avaient accepté de renoncer à leurs droits parentaux.
Mais elle était de plus en plus sous le feu des critiques des proches de ces femmes et de certaines organisations.
Cette opération intervient peu après une condamnation de la part du Comité contre la torture de l'ONU qui avait été saisi en 2019 par des familles de ces femmes et enfants, considérant que la France, en ne procédant pas au retour de ces femmes et enfants, violait les articles 2 et 16 de la Convention contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants.
Nés dans les camps
La France avait déjà été condamnée en 2022 par le Comité des droits de l'enfant puis la Cour européenne des droits de l'Homme pour son manque d'action dans le retour de femmes et de mineurs.
Ces Françaises s'étaient rendues volontairement dans les territoires contrôlés par les groupes jihadistes en zone irako-syrienne. Elles avaient été capturées au moment de la chute de l'organisation de l'Etat islamique en 2019. Leurs enfants sont pour nombre d'entre eux nés dans les camps.
Sollicité par l'AFP, le Quai d'Orsay n'a pas précisé combien d'enfants et femmes étaient encore susceptibles d'être rapatriés.
Selon Me Dosé, "il reste des orphelins et quelques mères qui demandent à être rapatriés avec leurs enfants, notamment une femme en situation de handicap".
Environ 300 mineurs français ayant séjourné dans des zones d'opération de groupes terroristes sont rentrés en France, dont 77 par rapatriement, avait indiqué début octobre le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti.
Le ministre français de la Justice Eric Dupond-Moretti (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Mi-décembre, un collectif de familles des ressortissantes françaises détenues avait fait état de 150 enfants "parqués dans les camps de prisonniers syriens".
Malgré les exhortations répétées de l'administration kurde, nombre de pays occidentaux ont longtemps refusé de rapatrier leurs citoyens de ces camps, se contentant de les faire revenir au compte-goutte par crainte d'éventuels actes terroristes sur leur sol. Les recours judiciaires se sont cependant multipliés face à la violence endémique et aux privations nombreuses dans les camps.
Ainsi, le Canada a annoncé vendredi avoir accepté de rapatrier six femmes et 13 enfants canadiens détenus dans le nord-est de la Syrie.
En novembre, le gouvernement néerlandais avait lui procédé au retour de 12 citoyennes et de leurs 28 enfants, la plus grosse exfiltration de familles de jihadistes jamais organisée par les Pays-Bas.
En Europe, la France apparaissait de plus en plus isolée alors que des pays comme la Finlande, le Danemark ou la Suède avaient décidé de rapatrier l'intégralité de leurs ressortissants mineurs et leurs mères.
Avec AFP
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