La réunion du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), chargé de veiller au bon fonctionnement, à la dignité et à l’indépendance de la magistrature, ne s’est finalement pas tenue jeudi, faute de quorum. Six des dix membres du CSM ont de fait estimé qu’il est impossible de se réunir sous la pression de la rue.
Dès le matin, des centaines de manifestants ont répondu présent à l’appel lancé mercredi soir par les familles des victimes de la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, pour réitérer leur soutien au juge Tarek Bitar, chargé d’instruire cette affaire. Et pour cause, la réunion du CSM, qui devait se tenir à 13 heures, était consacrée aux tiraillements et divergences au sein de l’appareil judiciaire.
Pour rappel, le juge Bitar avait relancé l’enquête lundi, en dépit des 34 recours présentés contre lui par des personnalités politiques et administratives poursuivies dans le cadre de l’enquête, se fondant notamment sur une jurisprudence de l’ancien président du CSM et de la Cour de justice, Philippe Khairallah. Il a également ordonné la libération de 5 des 17 détenus et engagé des poursuites judiciaires contre huit officiels, notamment les directeurs de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, et de la Sécurité de l’État Tony Saliba.
Cette décision a été mal perçue par de nombreux magistrats, qui ont estimé que M. Bitar a outrepassé ses prérogatives. Au nombre de ces juges figure le procureur de la République, Ghassan Oueidate, qui a décidé mercredi de reprendre le dossier en main, alors qu’il s’était récusé en raison de son lien de parenté avec le député Ghazi Zeaïter, l’une des personnalités poursuivies dans l’affaire. Ainsi, M. Oueidate a non seulement ordonné la remise en liberté des 17 détenus dans l’affaire, mais il a également déféré M. Bitar devant l’Inspection judiciaire, chargée de se prononcer sur la responsabilité disciplinaire des magistrats, pour «rébellion contre la justice» et «usurpation de pouvoir». Convoqué pour comparaître jeudi devant M. Oueidate, M. Bitar ne s'est pas présenté, jugeant que toutes les décisions prises par le procureur de la République sont illégales.
Report de la réunion du CSM
C’est sur fond de ces développements que le rassemblement a eu lieu jeudi devant le Palais de justice. La journée a été houleuse, marquée notamment par des altercations violentes et des bousculades entre les familles des victimes et les forces de l’ordre d’une part, les députés issus de la contestation et les gardes du corps du ministre sortant de la Justice Henry Khoury d’autre part. Il s’agissait d’ailleurs de la cause principale pour laquelle la réunion du CSM a été reportée à une date ultérieure.
Il semblerait toutefois que ni le président du Conseil supérieur de la magistrature, le juge Souheil Abboud, ni le ministre Khoury ne permettront la destitution du magistrat Bitar. D’ailleurs, dans les milieux judiciaires, on estime qu’il est inutile de tenir une réunion du CSM pour nommer un juge suppléant ou un auxiliaire à M. Bitar, puisqu’à la base, cela avait pour but de résoudre le problème des détenus. «Maintenant que leur affaire a été réglée, je me doute que la désignation d’un juge suppléant soit à l’ordre du jour de cette réunion», estime sous couvert d’anonymat, un avocat interrogé par Ici Beyrouth. D’ailleurs, la loi sur l’organisation judiciaire prévoit qu’au moment où la Cour de justice est constituée par décret pris en Conseil des ministres, le nom d’un auxiliaire au juge d’instruction devrait être avancé en cas de récusation, de départ à la retraite, ou pour toute autre cause qui empêcherait ce dernier de mener à bien son travail.
Il reste que la journée de jeudi a également été jalonnée par des tentatives du procureur Oueidate de réduire par tous les moyens la marge de manœuvre du magistrat Bitar. À quelques heures de la réunion, il a en fait émis une décision interdisant «aux autorités compétentes de recevoir toute décision, notification ou document en provenance de Tarek Bitar ou de toute entité relevant de lui».
Léger vent d’espoir (ou de désespoir) en cette fin de journée: le juge Oueidate s’est dit prêt à revenir sur ses décisions et à ordonner une seconde détention contre tous ceux qui ont été libérés, si jamais une instance judiciaire venait à considérer que les agissements du juge Bitar s’inscrivaient dans un cadre légal.
Quelles garanties ont motivé ses propos? Si elles sont confirmées, cela voudrait dire que le corps judiciaire s’est désolidarisé du juge Bitar, ouvertement cette fois, pour couvrir un nouveau crime, celui de la mise en échec de l’enquête sur la catastrophe du 4 août 2020. Une affaire qui concentre tous les intérêts du pouvoir en place, puisqu’elle engage, à différents degrés, les responsabilités de tous les acteurs du système politique, sécuritaire et judiciaire.
Dès le matin, des centaines de manifestants ont répondu présent à l’appel lancé mercredi soir par les familles des victimes de la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, pour réitérer leur soutien au juge Tarek Bitar, chargé d’instruire cette affaire. Et pour cause, la réunion du CSM, qui devait se tenir à 13 heures, était consacrée aux tiraillements et divergences au sein de l’appareil judiciaire.
Pour rappel, le juge Bitar avait relancé l’enquête lundi, en dépit des 34 recours présentés contre lui par des personnalités politiques et administratives poursuivies dans le cadre de l’enquête, se fondant notamment sur une jurisprudence de l’ancien président du CSM et de la Cour de justice, Philippe Khairallah. Il a également ordonné la libération de 5 des 17 détenus et engagé des poursuites judiciaires contre huit officiels, notamment les directeurs de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, et de la Sécurité de l’État Tony Saliba.
Cette décision a été mal perçue par de nombreux magistrats, qui ont estimé que M. Bitar a outrepassé ses prérogatives. Au nombre de ces juges figure le procureur de la République, Ghassan Oueidate, qui a décidé mercredi de reprendre le dossier en main, alors qu’il s’était récusé en raison de son lien de parenté avec le député Ghazi Zeaïter, l’une des personnalités poursuivies dans l’affaire. Ainsi, M. Oueidate a non seulement ordonné la remise en liberté des 17 détenus dans l’affaire, mais il a également déféré M. Bitar devant l’Inspection judiciaire, chargée de se prononcer sur la responsabilité disciplinaire des magistrats, pour «rébellion contre la justice» et «usurpation de pouvoir». Convoqué pour comparaître jeudi devant M. Oueidate, M. Bitar ne s'est pas présenté, jugeant que toutes les décisions prises par le procureur de la République sont illégales.
Report de la réunion du CSM
C’est sur fond de ces développements que le rassemblement a eu lieu jeudi devant le Palais de justice. La journée a été houleuse, marquée notamment par des altercations violentes et des bousculades entre les familles des victimes et les forces de l’ordre d’une part, les députés issus de la contestation et les gardes du corps du ministre sortant de la Justice Henry Khoury d’autre part. Il s’agissait d’ailleurs de la cause principale pour laquelle la réunion du CSM a été reportée à une date ultérieure.
Il semblerait toutefois que ni le président du Conseil supérieur de la magistrature, le juge Souheil Abboud, ni le ministre Khoury ne permettront la destitution du magistrat Bitar. D’ailleurs, dans les milieux judiciaires, on estime qu’il est inutile de tenir une réunion du CSM pour nommer un juge suppléant ou un auxiliaire à M. Bitar, puisqu’à la base, cela avait pour but de résoudre le problème des détenus. «Maintenant que leur affaire a été réglée, je me doute que la désignation d’un juge suppléant soit à l’ordre du jour de cette réunion», estime sous couvert d’anonymat, un avocat interrogé par Ici Beyrouth. D’ailleurs, la loi sur l’organisation judiciaire prévoit qu’au moment où la Cour de justice est constituée par décret pris en Conseil des ministres, le nom d’un auxiliaire au juge d’instruction devrait être avancé en cas de récusation, de départ à la retraite, ou pour toute autre cause qui empêcherait ce dernier de mener à bien son travail.
Il reste que la journée de jeudi a également été jalonnée par des tentatives du procureur Oueidate de réduire par tous les moyens la marge de manœuvre du magistrat Bitar. À quelques heures de la réunion, il a en fait émis une décision interdisant «aux autorités compétentes de recevoir toute décision, notification ou document en provenance de Tarek Bitar ou de toute entité relevant de lui».
Léger vent d’espoir (ou de désespoir) en cette fin de journée: le juge Oueidate s’est dit prêt à revenir sur ses décisions et à ordonner une seconde détention contre tous ceux qui ont été libérés, si jamais une instance judiciaire venait à considérer que les agissements du juge Bitar s’inscrivaient dans un cadre légal.
Quelles garanties ont motivé ses propos? Si elles sont confirmées, cela voudrait dire que le corps judiciaire s’est désolidarisé du juge Bitar, ouvertement cette fois, pour couvrir un nouveau crime, celui de la mise en échec de l’enquête sur la catastrophe du 4 août 2020. Une affaire qui concentre tous les intérêts du pouvoir en place, puisqu’elle engage, à différents degrés, les responsabilités de tous les acteurs du système politique, sécuritaire et judiciaire.
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