Bien que majoritairement sunnites, les Tripolitains sont généralement nombreux à célébrer Noël. Mais cette année, les rares décorations peinent à contrer l’ambiance morose induite par la crise économique. Une lueur d’espoir cependant: le marché de Noël organisé par l’ONG ACUA, à la Foire internationale Rachid Karamé.

Au Liban, Noël est souvent célébré par les familles sunnites et chiites qui profitent de la naissance de Jésus - considéré comme un prophète dans l’islam - pour se réunir et partager des instants en famille ou entre amis. Pour Georges, restaurateur, "les fêtes chrétiennes et musulmanes ne font aucune différence à Tripoli. Nous sommes tous unis." Mais en ces temps de crise, les célébrations ont un goût amer et l’esprit n’est pas à la fête, pour nombre de Libanais. Et, à part l’une ou l’autre devanture de magasins ornées de boules et de guirlandes, la ville semble éteinte.

Pas de Noël à Tripoli donc cette année? À quelques rues de la célèbre place el-Nour, au beau milieu de la Foire internationale Rachid Karamé, se joue pourtant un tout autre spectacle. Parades de Noël, activités créatives pour les enfants, musique festive et décorations lumineuses apparaissent comme autant d’actes de résistance à la froideur hivernale.


À l’origine, une initiative de l’ONG ACUA. Créée en 2019, elle œuvre à la protection des droits de l'homme et à l'établissement d'une société civile durable, en favorisant la coopération entre les secteurs public et privé. "Tripoli est marginalisée, nous avons senti qu’elle avait besoin de soutien. Alors nous avons décidé d’y mettre en place cette initiative, dont le but est de soutenir les petits commerçants et de créer une ambiance de Noël afin d’apporter de la joie aux habitants", explique Rula Fadel, présidente de l’organisation.

Un pari réussi, à en croire le nombre de visiteurs. Depuis le lancement de l’événement, samedi dernier, plusieurs milliers de personnes sont venues profiter de l’ambiance chaleureuse et échapper à leur quotidien le temps d’un instant. C’est le cas de Mohammed, 20 ans : "C’est un plaisir d’être là ce soir. Ça me redonne un peu le sourire malgré la crise économique. Cette initiative me permet de voir que Tripoli peut être différente, qu’il peut y avoir de la vie." "On dit toujours qu’il s’agit d’une ville pauvre et triste", ajoute Taha, 23 ans. "Alors voir un Tripoli joyeux, ça fait du bien, même si ce n’est que pour quelques jours! Ça me permet d’oublier un peu la situation actuelle."

Durement frappée par la crise économique, plus de 70% de la population tripolitaine vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Car la deuxième ville du pays est également la plus pauvre, avec un taux de chômage estimé à 80%. "Ça fait du bien de changer un peu de décor", explique Antonio, père de famille. "Mais je suis surtout venu pour mon bébé, pour qu’il soit heureux. Car nous les Libanais, nous ne le sommes pas", déplore-t-il. "Les Tripolitains sont épuisés. Ils n’en peuvent plus. Mais c’est bien de voir toutes ces décorations cette année", ajoute Fatima, 30 ans, venue avec sa mère. "C’est important de pouvoir continuer à célébrer. Généralement on passe cette période-là en famille, on se retrouve en petit comité. Voir tous ces gens souriants ce soir, prouve aussi la force des Tripolitains. C’est un peuple qui n’abandonne pas", conclut-elle.
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