« Comment peut-on examiner une proposition de loi de la plus haute importance, qui concerne notamment la restitution des dépôts des citoyens, si la vision financière et économique et l’intention du législateur ne sont pas claires ? » : C’est ainsi que le président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, le député Ibrahim Kanaan, explique à Ici Beyrouth les raisons du mécontentement des députés vis-à-vis de la proposition de loi sur  "la régularisation financière", également appelée la répartition des pertes.

La commission, qui a tenu lundi une quatrième réunion consacrée à l’examen de ce texte, en présence du vice-Premier ministre sortant, Saadé Chami, n’a toujours pas entamé l’étude des articles du texte, en raison de l’absence de « vision claire » de la part du gouvernement, mais également de chiffres officiels, comme le précise Ibrahim Kanaan.

C’est pour essayer de les obtenir «et commencer à forger une vision plus claire » que le député a demandé aux ministres des Finances et de l’Économie, mais également à la commission de contrôle des banques, d’assister à la prochaine réunion de la commission mercredi.

Le chemin de cette proposition de loi au Parlement sera très long, semble-t-il. Alors que le projet de loi sur le contrôle des capitaux a déjà été approuvé en commissions conjointes, et que l’étude de la proposition de loi sur la restructuration des banques n’a même pas été entamée, Place de l’Étoile, est-il possible que ces trois textes financiers, intrinsèquement liés, soient examinés concomitamment en séance plénière, comme le demandent de nombreux députés, dans le but de préserver l’argent des déposants ? « Ne précipitons pas les choses », répond Ibrahim Kanaan, ajoutant : « Nous ne pouvons pas, sous la pression, finaliser un texte qui ne soit pas dans l’intérêt de l’économie et des déposants ».

Cette proposition de loi, depuis sa soumission au Parlement il y a un mois, est sous le feu des critiques des députés de tous les blocs. On rappelle que ce texte, ainsi que la proposition de loi portant sur la restructuration des banques, auraient dû être transmis à la Chambre par le gouvernement, en tant que projets de loi. Mais ayant tardé à être finalisés par le Cabinet, devenu un gouvernement d’expédition des affaires courantes dans un contexte de vacance présidentielle, un moyen de contourner les procédures a été trouvé. Ils ont été soumis, en tant que propositions de loi, par des députés considérés proches du Premier ministre sortant, Najib Mikati, notamment Georges Bouchikian et Ahmed Rustom.


Où sont les chiffres ?

Dans une déclaration à la presse à l’issue de la réunion, Ibrahim Kanaan a souligné que la commission n’a toujours pas reçu les données qu’elle avait demandées au gouvernement. «Nous ne disposons que des chiffres que le vice-Premier ministre nous a présentés oralement », a-t-il précisé, ajoutant : «Selon lui, les réserves de la Banque centrale sont de 10,2 milliards de dollars, et le volume des dépôts bloqués est d'environ 95 milliards de dollars ». « La question est de savoir s’il y a ou non une possibilité de combler un déficit financier qui a atteint 73 milliards de dollars », a-t-il souligné.

Il a appelé le Premier ministre sortant, Najib Mikati, à demander aux ministres et aux départements concernés de coopérer avec le Parlement, notamment avec la commission des Finances. L’importance de ce texte nécessite des données financières et une discussion calme, a précisé M. Kanaan, et c’est pour cette raison que la possibilité de la formation d’une sous-commission chargée d’élaborer une nouvelle mouture sera examinée mercredi.

Le député Ghassan Hasbani (Forces libanaises) a lui aussi dénoncé l’absence de chiffres clairs soumis par écrit, notamment celui du déficit financier. Dans une déclaration à la presse, au Parlement, il a demandé : « comment les pertes et les responsabilités seront-elles réparties, entre l’État, la Banque centrale et les banques ? » « Ce texte fait porter les pertes aux déposants, alors que la responsabilité des autres parties est floue », a-t-il ajouté.
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