François aux déplacés du Sud-Soudan: Je souffre avec vous
©Le pape François s'exprime lors d'une rencontre avec des évêques, des prêtres, des diacres, des personnes consacrées et des séminaristes à la cathédrale Sainte-Thérèse de Juba, au Soudan du Sud, le 4 février 2023. (Photo de Tiziana FABI / AFP)
Le pape François a appelé samedi les dirigeants du Soudan du Sud à rendre leur dignité aux déplacés. Un discours de paix prononcé devant plus de 2500 personnes.

Le pape François a lancé samedi à Juba un ardent cri d'alarme aux dirigeants du Soudan du Sud pour rendre une "dignité" aux déplacés, renouvelant son appel à la paix dans un pays déchiré par les luttes de pouvoir.


"Je renouvelle de toutes mes forces l'appel le plus pressant  (...) à reprendre sérieusement le processus de paix afin que les violences prennent fin et que les gens puissent retrouver une vie digne", a déclaré François lors d'une rencontre avec des déplacés internes, au deuxième jour de sa visite.


"Mais on ne peut plus attendre: un grand nombre d'enfants nés ces dernières années n'ont connu que la réalité des camps de personnes déplacées, oubliant l'air du pays, perdant le lien avec leur terre d'origine, leurs racines, leurs traditions", a-t-il insisté devant 2.500 personnes.


Le pape François rencontre une personne déplacée lors d'une réunion au Freedom Hall de Juba, au Soudan du Sud, le 4 février 2023. (Photo de Tiziana FABI / AFP)

 

Le chef de l'Eglise catholique a notamment "supplié" les habitants de "protéger, respecter et valoriser" les femmes. Les violences sexuelles sur les femmes et les jeunes filles sont "généralisées et systématiques" dans le pays, selon un rapport publié en 2022 par la Commission sur les droits de l'Homme, mandatée par l'ONU.


Le pape argentin a entamé vendredi un "pèlerinage de paix" très attendu dans le plus jeune Etat du monde, où sévissent la famine, la misère et les inondations.


De 2013 à 2018, ce pays de 12 millions d'habitants, dont 60% de chrétiens, a été en proie à une guerre civile sanglante entre les partisans des deux leaders ennemis Salva Kiir et Riek Machar, qui a fait 380.000 morts.


Malgré un accord de paix signé en 2018, les violences perdurent et le pays comptait en décembre 2,2 millions de déplacés internes, selon les derniers chiffres publiés par l'organisme onusien OCHA.



"Une tragédie humanitaire"

"Malheureusement, dans ce pays martyrisé, être déplacé ou réfugié est devenu une expérience habituelle et collective", s'est désolé le pape François, après avoir entendu les témoignages de trois jeunes qui ont raconté la difficulté de la vie dans les camps.


"Je suis avec vous, je souffre pour vous et avec vous", a-t-il affirmé, mettant en garde contre l'"aggravation" de cette "tragédie humanitaire".


Samedi matin, le souverain pontife s'est exprimé devant la communauté catholique à la cathédrale Sainte-Thérèse, en présence de 5 000 fidèles, selon les autorités, qui l'ont accueilli avec des chants et des youyous dans une ambiance festive.


L'archevêque de Canterbury Justin Welby lors de la rencontre du pape François avec des personnes déplacées au Freedom Hall de Juba, au Soudan du Sud, le 4 février 2023. (Photo de Tiziana FABI / AFP)

"Tout est question de paix. Le pape François n'arrive même pas à marcher, mais il vient quand même ici pour encourager nos dirigeants", a déclaré à l'AFP John Makuei, 24 ans.


François devait participer samedi en fin d'après-midi à une prière oecuménique aux côtés des chefs des Églises d'Angleterre et d'Écosse, représentants des deux autres confessions chrétiennes, au Mausolée John Garang où la foule attendait déjà en milieu de journée, sous un soleil de plomb.



Première visite papale

Vendredi, le pape avait déjà exhorté la classe politique à un "nouveau sursaut" pour la paix et fustigé le fléau de la corruption.


"Assez de destructions! (...) Les générations futures honoreront ou effaceront la mémoire de vos noms en fonction de ce que vous faites maintenant", avait averti le pape.


L'ONU et la communauté internationale accusent régulièrement les dirigeants sud-soudanais de maintenir un statu quo, d'attiser les violences, de réprimer les libertés politiques et de détourner les fonds publics.


Le pape François lors de son arrivée à la réunion avec des personnes déplacées au Freedom Hall de Juba, au Soudan du Sud, le 4 février 2023. (Photo de Tiziana FABI / AFP)

 

En 2019, François avait reçu les deux frères ennemis Salva Kiir et Riek Machar au Vatican et s'était agenouillé pour leur embrasser les pieds en les suppliant de faire la paix, un geste fort qui n'avait pourtant pas été suivi d'avancée concrète.


Il s'agit de la première visite papale au Soudan du Sud depuis que la nation, qui compte plus de 60 groupes ethniques, a obtenu son indépendance du Soudan en 2011.


L'Église joue un rôle de substitution dans des zones sans aucun service gouvernemental et où les travailleurs humanitaires sont souvent attaqués, voire tués.


Ce déplacement fait suite à une visite de quatre jours à Kinshasa, où le pape a condamné les "atroces cruautés" perpétrées dans l'est de la République démocratique du Congo, en proie à des exactions de groupes armés qui ont fait des centaines de milliers de morts.


Initialement prévue à l'été 2022 puis reportée, cette visite est la 40e du pape argentin à l'étranger depuis son élection en 2013, et la troisième en Afrique subsaharienne.


Avec AFP

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